Grève du 18 septembre : "C'est toute une profession qui est mobilisée aujourd'hui", affirme Philippe Besset, président de la fédération des syndicats pharmaceutiques de France

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Article rédigé par franceinfo - L. Chaumette
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Jeudi 18 septembre, Philippe Besset, président de la fédération des syndicats pharmaceutiques de France, était l'invité du 11/13 de franceinfo. En ce jour de mobilisation auquel participent les pharmaciens de France, il a réaffirmé sa position contre la baisse du plafond de remise sur les médicaments génériques et a alerté sur la précarité du modèle économique des officines.

Lucie Chaumette : D'abord, un point sur la mobilisation des pharmaciens. Aujourd'hui, quelle est la quantité de pharmacies qui sont fermées ?

Philippe Besset : Alors, la mobilisation, elle est massive. Il y a 20 000 pharmacies en France. On peut considérer qu'elles sont à peu près toutes fermées. Mais nous avons répondu, bien sûr, et nous avons coopéré avec les agences régionales de santé pour qu'il y ait un accès aux soins garanti.


Donc, certaines sont réquisitionnées ?

Vous avez 2 000 pharmacies réquisitionnées, à peu près 10 % des pharmacies, qui sont là pour les soins urgents, pour les ordonnances.


Quand vous nous dites que la majorité des pharmacies participent à ce mouvement de mobilisation que vous initiez, ça signifie que ce ne sont pas que des pharmaciens qui sont syndiqués ?

Non, la profession est très syndiquée. Nous sommes assez solidaires entre nous. Mais effectivement, tous les pharmaciens, toutes les pharmacies, les équipes et les étudiants ont participé. C'est toute une profession qui est mobilisée aujourd'hui. Il y a des manifestations dans 80 villes de France. Donc il y a des lieux de rassemblement, de la mairie de Pau jusqu'à la place d'Amiens, de Bastia jusqu'à Strasbourg, à la place Stanislas à Nancy, enfin un peu partout. Devant le ministère de la Santé, également, où je vais me rendre tout à l'heure. Effectivement, on est à la rencontre de la population et des élus. L'idée de la journée, c'est de faire part de la problématique aux représentants de la nation, aux maires, aux députés, aux sénateurs.


Parmi les problématiques que vous évoquez, il y a la baisse du plafond de remise sur les médicaments génériques qui a été décidée en août dernier. Pourquoi est-ce un problème ?

Ça a été considéré comme une trahison par notre profession. On a vraiment mal vécu cette décision du gouvernement Bayrou de transférer des ressources des pharmacies d'officine, qui sont des petites structures, vers l'industrie pharmaceutique. Ça ne rapporte en plus pas un sou à l'assurance maladie. Donc, on a vraiment très mal vécu cela. Pourquoi ? Parce que les pharmacies ont un modèle économique extrêmement fragile. Il y a des fermetures de pharmacies tous les jours en France. Rien qu'au mois d'août, par exemple, 30 pharmacies ont fermé dans notre pays. Et en 2025, on a 25 villages français qui ont perdu leur dernière pharmacie. Et ça, c'était déjà avant la décision du gouvernement.


Et ça risque de s'accentuer ?

Ça va s'accentuer. Parce que ça fait perdre 20 à 40 000 euros par an de rémunération à l'entreprise officinale, qui est donc une toute petite structure fragile et qui est déjà quasiment sous l'eau. En fait, on lui enfonce la tête dans l'eau, au lieu d'essayer de faire un plan pour voir ce qu'on pouvait faire pour les soins de proximité. Cette manifestation d'aujourd'hui, elle est à la fois contre cet arrêté qu'il faut supprimer, mais elle s'inscrit dans les premiers mots du nouveau Premier ministre. Vous savez, le réseau France Santé, avec 5 000 lieux de santé, ça me parle. 5 000 lieux de santé, c'est très exactement le nombre de communes en France qui sont équipées d'une seule officine, le nombre de villages qui n'ont une seule officine. Donc autour de ces officines, il faut évidemment qu'il y ait un médecin, qu'il y ait des infirmiers et l'équipe de soins primaires de proximité.


Mais il faut aussi une pharmacie, c'est ça que vous dites ?

S'il n'y a pas de pharmacie, c'est fini. On ne peut pas avoir l'accès au traitement, donc ça ne peut pas marcher.


Est-ce que vous avez eu des contacts avec le Premier ministre ou avec des membres de son cabinet avant cette journée de mobilisation ?

Oui, parce que dans le cadre de ces annonces de rupture, le cabinet de Sébastien Lecornu m'a indiqué qu'il souhaitait travailler avec nous et qu'il n'était pas question de laisser la situation à l'État, qu'il fallait travailler absolument là-dessus.


Travailler avec vous, ça veut dire quoi pour vous ? Mettre fin à cet arrêté sur la baisse du plafond de remise sur les médicaments génériques ou penser différemment ? Vous voulez l'enlever ou vous voulez faire un peu autre chose ?

Moi je veux l'enlever, du moins dans un moratoire. L'idée de transformer le système est nécessaire. Le pharmacien, qu'est-ce qu'il fait aujourd'hui ? Il ne fait pas la même chose qu'hier. Aujourd'hui, il fait des vaccins, il s'occupe du premier recours, il s'occupe des patients. Il faut transformer le modèle. Mais il faut aussi qu'il puisse vivre, qu'il puisse rémunérer ses collaborateurs, qu'il puisse former les jeunes, qu'il puisse être attractif dans les territoires. Donc on fait un moratoire sur l'arrêté, on arrête l'arrêté, on se met au travail et ensuite on prend les décisions.


Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a aussi une mobilisation aujourd'hui dans toute la France à l'appel de l'intersyndicale. Est-ce que vous appelez les pharmaciens à s'y joindre ? Est-ce que vous considérez l'intersyndicale dans cette grande journée comme des alliés ?

Ils nous ont rejoints, puisque notre manifestation avait été décidée avant la leur. Nous faisons quand même des cortèges à part. Les revendications ne sont pas les mêmes, mais elles se recoupent sur certains aspects, notamment l'aspect santé et financement de la santé. Ce qu'avait présenté François Bayrou n'était pas possible. On a un pays qui vieillit, on a un pays qui doit vieillir en bonne santé. Et la santé va coûter de plus en plus cher. Il faut en avoir conscience et il faut l'assumer parce que c'est bien. C'est bien de vivre en bonne santé. C'est un budget qui doit être sacralisé comme celui de la sécurité. Donc en ça, nous les rejoignons. En revanche, il faut le financer. Et pour le financer, la valeur travail est cardinale. Et donc là-dessus, il faudra que tout le monde fasse des efforts. On ne peut pas faire autrement que travailler plus, même si je suis d'accord aussi avec eux qu'il faut un partage équitable de l'effort et que le capital doit participer à l'effort. C'est nécessaire également.

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