Musculation : quand les enfants et adolescents se mettent à la discipline

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Article rédigé par France 2 - J. Vitaline, C. Arnold, L. Kléthi, A. Husser, A. Fournée - Édité par l'agence 6Medias
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Doit-on parler d’une "génération muscu" ? Que se passe t-il chez les 16/25 ans, qui sont de plus en plus nombreux à prendre leur abonnement dans les salles de sport ? Le culte du corps dès le plus jeune âge, le reflet de son image au cœur des réseaux sociaux, voilà quelques explications d’un phénomène qui peut aussi devenir addictif dès l’adolescence.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.


Soulever une barre de 115 kilos à 17 ans, ou de 82 kilos à seulement 15 ans. Ils ne sont encore que des adolescents, mais sont déjà accros à la musculation. De très jeunes sportifs qui, sur TikTok, vantent leurs exploits et leurs transformations spectaculaires, parfois dopés aux stéroïdes, pour gagner plus vite en masse musculaire.

Pour comprendre ce qui pousse les adolescents à soulever toujours plus de fonte, nous sommes allés à leur rencontre dans une salle de sport à bas prix près de Strasbourg (Bas-Rhin), accessible dès 16 ans. Après les cours, certains lycéens, souvent autodidactes, passent des heures sur des machines qu'ils peuvent lester à l'infini. "Je commence léger, à 30 kilos, et après 40 kilos, des deux côtés", soit 80 kilos de charge pour un Alsacien de 17 ans que nous avons interrogé. Il vient presque tous les jours pour tenter de ressembler à ses athlètes préférés.

Une quête de popularité sur les réseaux sociaux

C'est ainsi la quête d'un idéal physique, et parfois de popularité en ligne. Un autre adepte de 17 ans publie ses progrès sur internet avec l'espoir d'en faire un jour son métier. "Ce que je poste, c'est très simple. Je fais des vidéos où je fais mes exercices. Actuellement, je suis en bac pro mécanique et ça ne me plaît pas. Le seul domaine où je performe, c'est la musculation. C'est mon seul moyen d'échappatoire, si je peux dire", confie-t-il.

Pouvoir atteindre un corps de rêve rapidement, c'est la promesse d'une discipline qui fait tout pour attirer un jeune public souvent mal dans sa peau. Sur YouTube, les tutoriels "spécial ados" des influenceurs cartonnent. "Personnellement, je pense que l'âge idéal pour commencer la musculation, que vous soyez un garçon ou une fille, se situe entre 14 et 18 ans", explique à ses internautes sur YouTube le créateur Nassim Sahili. On peut aussi citer le youtubeur Tibo Inshape.

Une stratégie qui fonctionne

Les salles de sport, elles aussi, mettent le doigt sur les complexes des plus jeunes, comme l'enseigne Fitness Park, aux publicités sans équivoque : "Tu penses que c'est de la chance d'avoir ce genre d'abdos ou de porter ce genre de tenues pour avoir ce genre de confiance en soi ?" Des discours inspirants et des prix cassés pour les mineurs, pour une stratégie qui fonctionne dans cette chaîne où près d'un adhérent sur 10 a moins de 20 ans.

"On partage sur Instagram les publications d'offres pour les jeunes. On fait souvent des vidéos de motivation pour les inciter à s'inscrire. On leur montre que c'est une question de santé, que c'est bien pour eux", détaille Saïd Boudra, responsable de la salle Fitness Park à Schiltigheim (Bas-Rhin). Et si l'âge minimum d'accès est fixé à 16 ans par les clubs, dans une autre chaîne bien connue, que nous filmons en caméra discrète, plusieurs adolescents nous disent s'entraîner ici depuis le collège grâce à une inscription en ligne.

Des pratiques mieux encadrées

Des enfants de 12 ans et même plus jeunes peuvent cependant soulever des poids ailleurs, mais en toute transparence cette fois. Il y en a aussi de plus en plus dans les cours de crossfit, comme dans un club bas-rhinois où nous nous sommes rendus. On y trouve un mélange d'haltérophilie, de gymnastique et d'endurance que certains entraîneurs proposent dès trois ans. Leur argument phare : les cartables d'écolier déjà lourds que doivent supporter ces enfants.

"[Un enfant] va devoir trimballer un sac qui va peut-être peser 20 kilos parfois, sur son dos, avec une posture qui ne sera pas forcément bonne. C'est contre cela qu'on va lutter pour permettre à des enfants de s'ouvrir naturellement et d'avoir une meilleure posture quotidienne", explique Albin Démoulin, entraîneur de crossfit. Une pratique qui y est encadrée par des entraîneurs diplômés. Mais, comme la musculation, elle ne serait pas forcément sans danger pour les plus jeunes, selon certains professionnels de santé.

"Il y a de vrais risques au niveau physiologique, au niveau mécanique. Le corps n'est pas prêt avant un certain âge et surtout avant un certain entraînement à supporter des surcharges. On va rencontrer des jeunes avec, pour certains, des problèmes neurologiques, des problèmes de sensibilité ou pour certains, vraiment à l'extrême, des problèmes moteurs", explique Antoine Rault, kinésithérapeute. L'effet de mode favorise aussi les troubles du comportement alimentaire ou la perception de son propre corps. Des risques à prendre en compte par les haltérophiles en herbe et leurs parents.

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