"Nicolas Sarkozy tente de se placer dans la lignée de De Gaulle"
L'ex-chef de l'Etat a expliqué, dimanche, qu'il voulait "réintroduire le référendum" et a multiplié les références implicites à Charles de Gaulle. L'historien Serge Berstein analyse cette stratégie de communication.
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Nicolas Sarkozy, invité sur le plateau de France 2 dimanche 21 septembre, s'est présenté comme un homme assagi. L'ancien président de la République a appelé au rassemblement tant à droite que dans l'ensemble du pays. Il a en outre souligné qu'il voulait "réintroduire le référendum", ce qui serait, selon lui, une "garantie" pour les électeurs d'être écoutés par l'exécutif. Difficile de ne pas voir de référence à Charles de Gaulle...
Serge Berstein, historien spécialiste du XXe siècle, professeur émérite à Sciences Po Paris et membre du conseil scientifique de la Fondation Charles-de-Gaulle, revient sur le rapport de Nicolas Sarkozy au gaullisme.
Francetv info : Nicolas Sarkozy plaide en faveur d'une utilisation accrue du référendum, et appelle au rassemblement au-delà des clivages politiques... Cela ressemble à du gaullisme, non ?
Serge Berstein : Il s'agit effectivement d'une référence implicite à cette idéologie, car ces éléments correspondent à la pratique du pouvoir de Charles de Gaulle. Attaché à un système politique de démocratie directe, il a généralisé le recours au référendum, d'abord en 1946 puis à partir de 1958. Cette pratique, qui permet de passer outre le gouvernement, est devenue ensuite normale sous la Ve République.
Mais cet outil, justement, Nicolas Sarkozy ne l'a pas utilisé quand il était au pouvoir. Il l'a même contourné en adoptant, en 2007, le traité de Lisbonne, qui reprenait pourtant largement la Constitution européenne rejetée par les Français lors du référendum de 2005. Pour Nicolas Sarkozy, cette référence implicite au gaullisme est surtout un moyen d'attirer des électeurs.
Nicolas Sarkozy n'est donc pas gaulliste ?
Si l'on regarde la politique menée durant son quinquennat, il y a de quoi douter de sa fidélité à cette idéologie. Le gaullisme correspond à la volonté de redonner un rang mondial considérable à la France, tout en mettant en place un pouvoir fort, rassemblé, efficace. Il s'agit en outre d'un certain pragmatisme politique : après la seconde guerre mondiale, Charles de Gaulle a nationalisé de grandes entreprises et a créé la Sécurité sociale. Mais lorsque l'équilibre économique de la France a été rétabli, il s'est tourné vers le libéralisme.
Nicolas Sarkozy s'est montré très volontariste pour redorer le blason de la France, mais on ne peut pas réduire le gaullisme au pragmatisme des moyens. Il a par ailleurs mené une politique très droitière durant son quinquennat, alors que le gaullisme est une idéologie de rassemblement. Nicolas Sarkozy dit désormais vouloir rassembler, mais sa position de départ est bien trop à droite pour se placer dans la lignée de Charles de Gaulle.
S'il n'est pas gaulliste, pourquoi un tel attachement à cette tradition ?
Brandir cet héritage face à ses rivaux est adroit, car il s'agit d'une image consensuelle pour l'opinion publique. Charles de Gaulle est celui qui a libéré la France, qui a rendu le système républicain plus efficace. C'est surtout l'homme du rassemblement réussi. Même s'il était surtout soutenu par la droite à l'époque, on a un enjolivement consensuel de ce personnage, qui dépasse aujourd'hui les clivages politiques.
C'est une stratégie de communication d'autant plus efficace que François Hollande, qui s'est présenté comme l'homme "normal" pendant sa campagne, ne peut pas jouer cette carte. De Gaulle n'avait rien d'un homme modeste ou normal, et Nicolas Sarkozy veut se placer dans la lignée d'un grand homme du XXe siècle. Il veut surtout réussir son retour en politique, comme Charles de Gaulle l'a fait en 1958.
Peut-il y parvenir ?
Cette posture gaulliste peut lui permettre de revenir sur le devant de la scène, car il devrait réussir à prendre la présidence de l'UMP assez facilement. Mais il est évident, lorsque l'on écoute ses déclarations sur le plateau de France 2, qu'il ne s'agit là que d'un marchepied vers une candidature présidentielle.
Le problème, c'est que je ne suis pas certain que Nicolas Sarkozy tiendra jusqu'en 2017. Il y a certes de fortes chances que le candidat socialiste à la prochaine présidentielle soit éliminé au premier tour, car l'impopularité actuelle de la gauche semble presque impossible à combler en deux ans. Mais il semble aussi qu'Alain Juppé aurait plus de chances que Nicolas Sarkozy de l'emporter au second tour, face à Marine Le Pen.
L'ancien chef de l'Etat a laissé trop de mauvais souvenirs aux Français. C'est là toute la différence avec Charles de Gaulle : le général a libéré la France, lui a permis d'apparaître au rang des vainqueurs à la fin de la guerre. Il a ensuite eu l'intelligence de se retirer avant que le moindre problème ne lui soit imputé. Il est revenu au pouvoir en 1958, auréolé d'une image de libérateur. Beaucoup d'hommes politiques ont accepté le "deal" qu'il proposait, celui d'une nouvelle constitution, du fait du respect qu'ils lui portaient.
Rien de comparable avec Nicolas Sarkozy, dont l'héritage historique n'est pas du genre à enthousiasmer les Français. Sauf peut-être par comparaison avec celui de François Hollande.
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