Vidéo "Les députés français font le jeu de Musk et de la polarisation", déplore l’économiste Yann Algan

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Article rédigé par franceinfo - Pauline Moyer (CUEJ)
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Une étude menée par trois économistes pendant 17 ans, sur près de deux millions de discours prononcés au sein de l’Assemblée nationale, souligne la polarisation des débats parlementaires et l’influence des réseaux sociaux sur les prises de parole des députés.

L’Assemblé nationale s’apparente aujourd’hui à un "match de catch", où le spectacle prend plus de place que le résultat. "Tous les effets pervers des réseaux sociaux entrent dans l’antre de la démocratie représentative", résume l’économiste Yann Algan mardi 14 janvier dans le Talk de franceinfo sur Twitch.

En témoignent les conclusions d’une étude intitulée La Fièvre parlementaire : ce monde où l’on catche ! Colère, polarisation et politique TikTok à l’Assemblée nationale, menée par cet enseignant en économie à HEC, et deux autres économistes, Thomas Renault et Hugo Subtil. Avec l'aide d'une intelligence artificielle, les trois économistes ont étudié 1,9 million de discours prononcés dans l’hémicycle entre 2007 et le 9 juin 2024, au matin de la dissolution. A son terme, les coauteurs soulignent l’avènement d’une "assemblée-spectacle" où les discours s’orientent à destination des "followers" des députés français.

Des discours plus courts servis par une rhétorique émotionnelle

Au fil des années, l’émotion a pris une place prépondérante dans les prises de parole des députés. Ainsi, en 2007, 27 % des discours prononcés à l’Assemblée nationale appartenaient au registre émotionnel. Après 2022, ils représentent 40 %, soit près de la moitié des prises de paroles. "Les députés surfent sur une rhétorique émotionnelle", explique Yann Algan. Ainsi, on retrouve la colère dans 75% des discours de parlementaires de la France insoumise et du Rassemblement national.

"Il ne s’agit plus de débattre rationnellement et de convaincre les autres députés, mais d’exciter les émotions des followers."

Yann Alguan, économiste

à franceinfo

À l’extrême droite, parmi les députés du Rassemblement national, on constate une tendance inverse, fruit de la "stratégie de la cravate", qui consiste pour le parti de Marine Le Pen à adopter une image respectable et modérée pour séduire un public plus large. Après une envolée dans la législature de 2017, marquée par 60% de discours émotionnels, la proportion diminue en 2022, reflet d’une volonté de normalisation du parti.

Autre point important : les discours raccourcissent, pour se rapprocher des calibres utilisés sur les réseaux sociaux, avec 150 mots en moyenne pour les interventions du côté de LFI et du RN. "Leur durée correspond exactement au format de vidéo de moins d’une minute", soulignent ainsi les coauteurs de l’étude. Dans l’ensemble, entre 2007 et 2024, le nombre de mots moyen dans chaque prise de parole a été divisé par deux. 

Winter is coming ?

Ce phénomène observé au sein du parlement français s’est amplifié depuis l’élection de Donald Trump, "meilleur ambassadeur du catch à l’heure actuelle", selon l’étude, et l’alliance du futur président des Etats-Unis avec Elon Musk.

La parole politique s’éloigne de la question du vrai ou du faux et "n’a pour fonction que de créer de l’émotion-spectacle pure". Alors, Yann Algan alerte sur les dangers de cette "trumpetisation" de la vie politique française : "Si vraiment il n'y a pas un sursaut de nos propres députés dans nos démocraties représentatives, winter is coming !", prédit l'économiste, en référence à la série Game of Thrones, où l'hiver annonce des temps particulièrement difficiles.

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