"C'est la parfaite incarnation du 'en même temps' et d'une certaine forme de langue de caoutchouc", estime la sénatrice LR de Paris Agnès Evren, en réaction aux premières prises de position de Sébastien Lecornu

Publié
Temps de lecture : 11min - vidéo : 12min
Article rédigé par franceinfo - Édité par l’agence 6médias
France Télévisions

Invitée politique de La Matinale week-end du samedi 27 septembre, Agnès Evren, sénatrice LR de Paris, a réagi à l'interview du Premier ministre Sébastien Lecornu accordée à nos confrères du Parisien.

Sénatrice Les Républicains de Paris, Agnès Evren réagit à l'interview du Premier ministre Sébastien Lecornu accordée à nos confrères du Parisien, où il évoque une volonté de rupture avec la politique menée par les précédents gouvernements. Dans "La Matinale" du samedi 27 septembre, la sénatrice estime que dans cet entretien, l'ancien ministre des Armées continue la politique du "en même temps", en citant l'exemple des impôts, son potentiel rapprochement avec le Parti Socialiste tout en voulant fermer la porte à l'Impôt sur la fortune et à la Taxe Zucman.

Ce texte correspond à une partie de la retranscirption de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.

Le Premier ministre a parlé dans le Parisien. Il était temps, non ?

Écoutez, oui, il était temps. Sa méthode, c'était évidemment de consulter, mais il est vrai que j'ai lu avec beaucoup d'attention cette interview dans Le Parisien et il avait promis, le Premier ministre, une rupture sur le fond et sur la forme. Je trouve que cette interview est la parfaite incarnation, en fait, du "en même temps" et d'une certaine forme de langue de caoutchouc, parce que d'un côté, il dit que certains impôts vont augmenter et que d'autres vont baisser. Il dit qu'il va tendre la main au Parti socialiste. Concrètement, qu'est-ce que ça veut dire ? Il dit qu'il fermera la porte à l'ISF et à la taxe Zucman, encore heureux, c'est même le minimum syndical, puisque la taxe Zuckman allait détruire la richesse avant même qu'elle soit créée. Je reste sur ma fin. Il dit qu'il va tendre la main au PS, et moi, ça m'inquiète.

Il ferme toutes les portes, quand on lit : pas de taxe Zuckman, pas d'ISF, pas de suspension des retraites.

Il dit qu'il va tendre la main au Parti socialiste. Donc, concrètement, ça veut dire quoi ? Quand on regarde le programme économique du Parti socialiste, c'est l'augmentation de 27 milliards d'impôts sur les entreprises et les patrimoines, sans aucune réduction de dépenses publiques. Donc j'ose espérer que tendre la main ne veut pas dire qu'il va céder au Parti socialiste, sinon évidemment, la droite ne pourra pas participer au gouvernement.

Le Parti socialiste ne voit aucune main tendue, en tout cas, aucun geste de la part du Premier ministre.

Écoutez, moi, j'ai vu cette phrase où il dit très clairement : "Nous tendons la main au parti socialiste". Concrètement, qu'est-ce que ça veut dire ? Nous, les choses sont très claires. On s'est engagé à présenter une feuille de route, un contrat de gouvernement avec des mesures qui sont très, très claires. Sur le régalien et sur les questions économiques. Alors ce qu'il y a concrètement, d'abord, la première des choses, c'est que nous considérons aujourd'hui que le travail n'est pas suffisamment rémunéré. Et donc nous voulons valoriser le travail au détriment de l'assistanat. Ça veut dire quoi ? Un, ça veut dire qu'il faut d'abord rapprocher le salaire net du salaire brut en baissant les cotisations salariales. Deuxièmement, il y a beaucoup d'aides sociales aujourd'hui, et nous voulons donc que les allocations de l'assistanat, les allocations qui sont données, on puisse fusionner toutes ces allocations. Une allocation sociale unique qui serait plafonnée à 70 % du SMIC pour permettre que les revenus de l'assistanat soient inférieurs aux revenus du travail. Ça, c'est la première des choses. Et puis, deuxièmement, évidemment, des mesures sur le régalien, sur la sécurité et sur l'immigration. Il faut renforcer les sanctions. Beaucoup de Français, aujourd'hui, ont un sentiment d'impunité et il est donc important, par exemple, d'avoir des peines minimales dès le premier délit, puisque le Code pénal, aujourd'hui, prévoit des peines maximales, mais non pas minimales. Voilà, par exemple, des mesures importantes. Et puis, bien évidemment, alors, ça a été dit par le Premier ministre, mais l'État doit être aujourd'hui absolument exemplaire... et doit réduire les dépenses de fonctionnement.

Alors, cela coûterait 6 milliards d'euros dans le train de vie de l'État. On les trouve où cees 6 milliards d'euros ?

C'est une très bonne question. Nous avons des propositions. Le Sénat a travaillé avec Mathieu Darno sur une commission d'enquête sur les agences de l'État. Des agences de l'État qui se sont démultipliées depuis des années pour un coût de 80 milliards d'euros, ça a été multiplié par deux en dix ans, et on a des agences qui sont en totale roue libre, totalement autonomes. Par exemple, est-ce qu'on a besoin d'une agence bio pour sensibiliser nos jeunes à manger bio ? Non, je ne pense pas, c'est 3 millions d'euros la suppression..

Et là on trouve 6 milliards d'euros facilement dans l'année ?

C'est pour ça que je reste sur ma fin en lisant cette interview, parce que concrètement, qu'est-ce qui est proposé pour relancer l'investissement, l'activité, les embauches ? Rien pour l'instant.

Ce qu'il dit, c'est en tout cas que le Parlement aura la main. Il dit : "Je suis sous tutelle du Parlement." Ça veut dire que vous, au Sénat par exemple, vous allez pouvoir écrire le budget. C'est un budget de droite qui va sortir du Sénat ?

Il a la lucidité de reconnaître qu'aujourd'hui, nous sommes dans une démocratie parlementaire et ce sont les parlementaires qui auront la main. Nous, on va jouer notre rôle sur plusieurs sujets. Très important pour nous, encore une fois, d'obtenir cette allocation sociale unique, de travailler également, de faire en sorte qu'il y ait une loi contre l'assistanat pour mieux valoriser le travail. C'est très important pour nous la réduction du train de vie de l'État, notamment en nombre de fonctionnaires.

3 000 fonctionnaires de moins, c'est ce qui a été annoncé par François Bayrou. Il maintient la trajectoire budgétaire, ça c'est rassurant pour vous : 3 % de déficit en 2029, donc ça veut dire qu'il y aura des économies qui seront faites et en plus il dit baisse de la dépense publique en un et pas d'augmentation d'impôts. Il y a quand même des signaux qui sont envoyés à la droite.

Il a quand même dit que certains impôts allaient augmenter quand d'autres allaient baisser. Moi, dans mon arrondissement dont je suis élue, dans le 15e, personne ne m'a dit qu'il fallait augmenter les impôts. Nous sommes champions du monde des prélèvements obligatoires, 46 %, champions du monde de la dépense publique, 58 %. Et pour quel résultat aujourd'hui ? Les piliers de notre pacte républicain, santé et éducation, sont en décrépitude ? Donc, il y a une forme de révolte fiscale, en fait, des Français à juste titre, parce qu'ils n'en ont pas pour leur argent, en quelque sorte. Donc pour nous, et la règle est encore très simple, c'est notre boussole dans ce contrat de gouvernement : aucune augmentation d'impôts, et une priorité donnée à la réduction des dépenses publiques, parce que ça fait 50 ans qu'il y a une forme de concours de lâcheté de tous les gouvernements, et je mets la droite dans le lot également pour ne pas réduire la dépense publique. Aujourd'hui, encore une fois, l'État doit se serrer la ceinture plutôt que de ponctionner dans la poche des Français, qui sont asphyxiés par une fiscalité.

Vous n'êtes pas déconnectée de la population ? Vous entendez quand même ce débat sur la justice sociale, justice fiscale. Est-ce qu'il ne faut pas justement taxer les plus aisés, les plus hauts patrimoines ?

Mais c'est pour ça que je vous disais, je n'entends aucun électeur nous dire qu'il faut augmenter les impôts. En revanche, oui ! Ce souci de justice fiscale est essentiel. J'en ai marre qu'on montre les plus riches comme le bouc émissaire. Ils financent en partie notre modèle social. Ce sont eux qui créent la valeur ajoutée, la richesse. Après, il est vrai qu'on peut travailler sur des abus, sur des fraudes, sans doute... Voilà, qui mettrait fin à l'optimisation fiscale, pourquoi pas, mais sans pour autant plomber la compétitivité. C'est ça qui me semble aujourd'hui essentiel.

Alors, on n'a pas de gouvernement, ça ne vous inquiète pas, vous ?

Malheureusement, je vais vous dire franchement, je crois que tout le monde s'en fiche. Quand on n'a pas de gouvernement, vous voyez bien aujourd'hui que peu importe le gouvernement, la priorité, c'est de faire voter un budget. Parce que c'est ce budget qui va permettre de financer toutes les politiques publiques sur la santé, l'éducation, les questions écologiques.

La droite, elle ne veut pas sa place au gouvernement ? Ça n'a pas d'importance pour vous ?

Ce que je veux dire par là, c'est que peu importe les personnalités. On est tout le temps sur les personnalités : combien de droite, combien de macronistes ? Ce n'est pas le sujet aujourd'hui. La situation est tellement gravissime en France que peu importe qui, et je le redis, ça paraît banal, mais c'est surtout pourquoi faire, comment sortir la France de cette spirale aujourd'hui du déclin. On le voit, la France est déclassée au niveau européen. Et l'Europe est dans une situation face à la Chine et aux États-Unis qui est assez gravissime. Donc, nous devons aujourd'hui ne plus être le mauvais élève de l'Union européenne. Mais là, franchement, vous le voyez, le compromis sur le budget ? Moi, je ne vais pas mentir aux Français. Je leur dis très franchement qu'aujourd'hui, le "en même temps", ça ne fonctionne pas. Vous voyez, on ne peut pas avoir dans un gouvernement...

Mais oui, il n'y a pas de majorité.

C'est tout le problème, mais nous ne sommes pas à l'origine de cette situation. Hélas, moi j'aimerais que...

Alors, il faut revoter ? Il faut une dissolution ?

Non, alors pour le coup, je ne crois pas en la dissolution, parce que je pense qu'aujourd'hui, la société est fracturée et que l'Assemblée est le reflet de cette société fracturée avec cette forme de tripartition à l'Assemblée nationale. En revanche, je dis qu'en effet, ce budget ne sera pas le budget de M. Lecornu, de M. Retailleau ou de M. Olivier Faure. Il sera le budget de la France. Donc, il faut qu'on fasse des compromis. Mais encore une fois, c'est très difficile d'aller dans des alliances contre nature où certains veulent la réduction des dépenses publiques, quand d'autres passent leur temps à demander l'augmentation des impôts sur les entreprises, les patrimoines et les Français.

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.