Affaire François Fillon : quatre questions sur le retour devant la justice de l'ancien Premier ministre

L'ancien Premier ministre est définitivement coupable de détournement de fonds publics, mais la cour d'appel de Paris a réexaminé mardi la peine à laquelle il a été condamné. Lorsqu'il était député, il a embauché sa femme comme assistante parlementaire, un emploi considéré en grande partie comme fictif.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
L'ancien Premier ministre François Fillon à l'Assemblée nationale, le 2 mai 2023, à Paris. (BERTRAND GUAY / AFP)
L'ancien Premier ministre François Fillon à l'Assemblée nationale, le 2 mai 2023, à Paris. (BERTRAND GUAY / AFP)

Il est de retour devant les juges. François Fillon était convoqué devant la cour d'appel de Paris, mardi 29 avril, à partir de 13h30, dans l'affaire des emplois fictifs de son épouse, qu'il avait embauchée comme assistante parlementaire. Cette audience a permis de réexaminer la peine à laquelle l'ancien Premier ministre a été définitivement condamné, en avril 2024. Une partie des dommages et intérêts qu'il doit verser à l'Assemblée nationale a également été de nouveau étudiée.

La retentissante affaire avait éclaté en janvier 2017 avec les révélations du Canard enchaîné, trois mois avant l'élection présidentielle, alors que François Fillon était le candidat des Républicains. Pour mieux comprendre ce nouvel épisode, on résume en quatre questions les enjeux sur cette audience, à l'issue de laquelle la décision a été mise en délibéré au 17 juin.

1 A quoi cette audience sert-elle ?

Ce n'est pas un troisième procès à proprement parler, mais une brève audience devant la cour d'appel de renvoi de Paris. Après le procès en première instance en 2020, puis celui en appel en 2021, dont la décision avait fait l'objet d'un pourvoi en cassation, "c'est la troisième séquence de ce feuilleton judiciaire", expose à franceinfo l'avocat Yves Claisse. Celui qui représente l'Assemblée nationale, partie civile dans cette affaire, espère qu'il s'agit de "la dernière page". L'arrêt rendu à l'issue peut faire, à nouveau, l'objet d'un pourvoi en cassation.

L'audience, conséquence de l'arrêt de la Cour de cassation rendu en avril 2024, devait initialement se tenir le 25 novembre. Elle avait été reportée en raison de l'absence d'un avocat, hospitalisé.

2 La culpabilité de François Fillon est-elle définitive ?

Oui. Dans son arrêt, rendu le 24 avril 2024, la Cour de cassation a validé la décision de la cour d'appel de Paris. François Fillon, son épouse Penelope et son ancien suppléant Marc Joulaud sont donc définitivement coupables de "détournement de fonds publics par personne chargée de mission de service public" ou complicité de cette infraction, complicité d'abus de biens sociaux et recels. Si tous les trois ont formé un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme fin août 2024, cette décision ne peut plus être annulée.

L'ancien Premier ministre, aujourd'hui âgé de 71 ans et désormais retiré de la vie politique, a été condamné en mai 2022 à quatre ans d'emprisonnement, dont un an ferme, 375 000 euros d'amende et dix ans d'inéligibilité. Son épouse, Penelope Fillon, a quant à elle été condamnée à deux ans de prison avec sursis, ainsi que 375 000 euros d'amende, et deux ans d'inéligibilité. Marc Joulaud, l'assistant parlementaire de François Fillon, a écopé de trois ans de prison avec sursis, et d'une inéligibilité de cinq ans.

3 Pourquoi la peine est-elle réévaluée ?

Si la Cour de cassation a confirmé la culpabilité de l'ancien député, elle a toutefois cassé partiellement la décision de la cour d'appel. Le rôle de la plus haute juridiction française est de statuer non sur le fond du dossier, mais sur la bonne application du droit. En vertu de ce principe, la Cour de cassation a estimé que la cour d'appel n'avait pas suffisamment motivé la partie ferme de la peine prononcée contre François Fillon.

"Un juge ne peut prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis que si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et si toute autre sanction est manifestement inadéquate", rappelle ainsi la Cour de cassation. "Or, en condamnant le député, le juge d'appel n'a pas expliqué en quoi une autre sanction que la peine d'emprisonnement sans sursis aurait été manifestement inadéquate", souligne la haute juridiction, qui précise qu'en revanche, les peines de sursis, sans prison ferme, prononcées à l'égard de Penelope Fillon et de Marc Joulaud, sont définitives.

Ainsi, mardi, l'avocat général a réclamé à l'audience, selon l'AFP, quatre ans de prison intégralement avec sursis, 375 000 euros d'amende et 10 ans d'inéligibilité contre François Fillon. Ses réquisitions écartent donc la partie ferme d'un an qui avait été prononcée contre lui le 9 mai 2022 par la cour d'appel de Paris.

4 L'ex-député doit-il encore des dommages et intérêts à l'Assemblée nationale ?

Dans son arrêt, la Cour de cassation reconnaît qu'un juge peut condamner un député à verser à l’Assemblée nationale "une indemnisation en réparation du préjudice que lui a causé le délit de détournement de fonds publics", dont le parlementaire a été reconnu coupable. En clair, François Fillon va bien devoir procéder au versement de dommages et intérêts.

Reste à savoir le montant. Si la cour d'appel de Paris a condamné les époux Fillon à rembourser à l'Assemblée l'intégralité des salaires versés, mais la Cour de cassation a cassé cette décision. "Si les rémunérations versées étaient manifestement disproportionnées au regard du travail fourni, elles n'étaient pas dénuées de toute contrepartie", expose la haute juridiction. Elle pointe ainsi une contradiction dans le jugement : la cour d'appel condamne à rembourser la totalité des salaires alors qu'elle reconnaît, dans le même temps, que Penelope Fillon a réalisé quelques petites tâches d'assistante parlementaire.

"Y a-t-il vraiment des traces de travail effectué, comme porter le courrier ? Est-ce un travail qui mérite salaire ? Si oui comment l'évaluer, avec quelle méthode ? Quel montant l'Assemblée est-elle ensuite susceptible de réclamer ? Ce sera l'objet des débats de mardi", relève l'avocat de l'institution. Yves Claisse rappelle que la cour d'appel a accordé un montant de 126 167 euros en dommages et intérêts à l'Assemblée nationale pour le contrat d'assistante parlementaire de Penelope Fillon auprès de son mari, en 2012-2013. "Ce sera donc un peu moins", estime l'avocat.

Il cite la condamnation dans une affaire similaire d'un autre député, Philippe Cochet, qui a fait appel. Un précédent récent dans lequel le tribunal a, en première instance, "fait une décote de 5%" pour les dommages-intérêts, en reconnaissant l'exécution par son épouse embauchée comme assistante parlementaire de menues tâches.

En ce qui concerne les autres dommages et intérêts définitivement dus à l'Assemblée par le couple Fillon, évalués à 679 989 euros, "l'échéancier et les modalités de paiement" sont "en phase de finalisation", révèle Yves Claisse. Selon lui, un premier paiement a eu lieu en début d'année. "Il y a une volonté d'exécuter spontanément ses obligations de justice et de donner des garanties", reconnaît l'avocat de l'Assemblée nationale.

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