Congrès des écologistes : favorite pour diriger le parti, Marine Tondelier est accusée de vouloir museler les voix minoritaires

Article rédigé par Fabien Jannic-Cherbonnel
France Télévisions
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La secrétaire nationale des Ecologistes Marine Tondelier, le 21 janvier 2025 à Paris lors d'une conférence de presse. (ALEXIS SCIARD / MAXPPP / IP3)
La secrétaire nationale des Ecologistes Marine Tondelier, le 21 janvier 2025 à Paris lors d'une conférence de presse. (ALEXIS SCIARD / MAXPPP / IP3)

La cheffe des écologistes est devenue incontournable à gauche depuis la dissolution de l'Assemblée nationale. Candidate à sa réélection à la tête du parti, elle fait face à trois concurrents.

Sa veste verte est devenue indissociable de l'écologie politique. Deux ans après avoir été élue secrétaire nationale des Ecologistes-EELV, Marine Tondelier aborde un nouveau congrès, jusqu'au 26 avril, avec sérénité. Et cela, même si trois autres candidats, dont les noms doivent être officialisés lundi 24 mars, briguent son poste : l'adjointe au maire de Bordeaux Harmonie Lecerf Meunier, proche de Sandrine Rousseau, l'adjoint à la maire de Paris Florentin Letissier et l'ancienne eurodéputée et élue des Hauts-de-France Karima Delli.

Révélée aux yeux du grand public en 2024, Marine Tondelier s'impose sur le terrain médiatique depuis la dissolution de l'Assemblée nationale, le 9 juin dernier. Cheville ouvrière et facilitatrice du Nouveau Front populaire, l'élue d'opposition d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) a redynamisé son parti, qui avait frôlé l'effacement lors des européennes en récoltant seulement 5,50 % des suffrages.

Les Verts, qui dirigent déjà plusieurs grandes villes dont Lyon, Bordeaux et Strasbourg, n'ont jamais compté autant de parlementaires (16 au Sénat et 38 à l'Assemblée nationale). Leur nombre d'adhérents atteint désormais les 18 000, contre un peu plus de 10 000, fin 2023, selon des chiffres communiqués à franceinfo par le parti. "On occupe une place visible. On le doit à la stratégie d'unité pour 2027, et au poids de Marine", avance Alain Coulombel, membre du bureau exécutif, auprès du Monde. "Elle a vraiment joué un rôle d'incarnation de l'écologie politique et elle est probablement la secrétaire la plus identifiée par les Français", ajoute à franceinfo l'ancien premier secrétaire et eurodéputé David Cormand.

Des critiques sur un verrouillage en interne

De quoi faire l'unanimité ? En interne, malgré les compliments, certains lui reprochent une pratique trop verticale du pouvoir. Fin février, le maire de Grenoble, Eric Piolle, accusait la patronne des Verts de l'avoir évincé des boucles de messageries du parti. L'élu, qui soutient pourtant Marine Tondelier, dénonçait auprès du Point une façon d'"empêcher d'exposer [sa] candidature" au poste de porte-parole. L'édile a finalement annoncé qu'il avait réussi à réunir le nombre de parrainages requis pour se présenter, dans un mail envoyé aux adhérents, jeudi. Mais l'affaire a laissé des traces. "C'est une façon de faire le nettoyage autour d'elle, avec une manière de faire verticale et autoritaire", dénonce un élu local écologiste remonté contre la direction du parti, à franceinfo.

Les concurrents de Marine Tondelier dénoncent aussi "l'usine à gaz" des règles internes. Les nouveaux statuts du parti, adoptés en 2024, remplacent le scrutin à la proportionnelle qui servait à désigner la direction par un scrutin majoritaire uninominal. Le but affiché : simplifier les procédures internes, réputées trop complexes. Il est désormais nécessaire d'atteindre un palier de parrainages d'adhérents pour pouvoir candidater aux différents postes en jeu (329 pour le secrétaire national). "On va élire notre secrétaire national avec un scrutin présidentiel alors qu'on critique ce mode d'élection. On veut retrouver un fonctionnement parlementaire au sein des écologistes", s'indignait Florentin Letissier auprès de Politis, début mars. Les six mois d'ancienneté nécessaires à un adhérent pour pouvoir soutenir un candidat sont aussi peu appréciés : "C'est de la fausse démocratie", accuse un cadre écolo.

Mais au-delà des règles, c'est l'organisation même du scrutin qui est critiquée. Harmonie Lecerf Meunier estime "compliqué" de pouvoir mener campagne : "On n'a pas de liste des adhérents, pas de moyen de communiquer, les infos envoyées par le national sont floues, la plateforme du congrès est compliquée d'accès". L'élue bordelaise se dit "surprise" de ces difficultés.

"Pourquoi nous compliquer la vie, alors que tout le monde pense que Marine Tondelier va être réélue ? Par crainte des voix minoritaires ? Mais elles font aussi vivre le parti !"

Harmonie Lecerf Meunier, adjointe écologiste au maire de Bordeaux

à franceinfo

Ces accusations sont balayées par les soutiens de la secrétaire nationale. "Les nouveaux statuts ont été validés avec tout le monde, ça a été un travail d'intelligence collective et d'écriture à plusieurs mains, y compris avec les motions minoritaires", pointe Aïssa Ghalmi, membre du bureau exécutif du parti et élu du Val-de-Marne. David Cormand reconnaît que si "ces nouvelles règles sont difficiles à expliquer aux adhérents", elles permettent de "simplifier le processus de vote, autrefois plus complexe". La difficulté à obtenir le nombre de signatures requis "est peut-être plutôt à chercher du côté de leur incapacité à convaincre les militants", grince l'eurodéputé. "On nous dit : 'Vous n'avez qu'à être plus populaire'. Mais la politique, ça n'est pas ça !", lui répond Harmonie Lecerf Meunier.

L'"échec" des élections européennes en question

Par ailleurs, Marine Tondelier est aussi sommée de s'expliquer sur son bilan, notamment le revers des élections européennes au cours desquelles les écologistes ont perdu huit sièges d'eurodéputé. La volonté de la cheffe des écologistes de monter une liste indépendante, sans La France insoumise et les socialistes, n'a pas payé.

"Nous étions les seuls à pousser pour une liste unique à gauche, jusqu'à la fin de la campagne", rappelle Harmonie Lecerf Meunier. "Ces élections ont eu lieu dans le contexte d'un retour de bâton néoconservateur contre l'écologie et les idées de gauche. Le résultat est un échec, mais il faut regarder ce phénomène d'un point de vue plus européen", nuance Aïssa Ghalmi. La direction rappelle qu'un bilan post-élection a été tiré, après une consultation des militants. En octobre dernier, la principale intéressée a elle-même reconnu un "échec" lors de sa déclaration de candidature.

Plus largement, "la volonté de Marine Tondelier d'élargir la base du parti et de rassembler un million de sympathisants d'ici à 2027, est pour l'instant un échec", relève Daniel Boy, directeur de recherche au Cevipof et spécialiste de l'écologie politique.

"Il n'y a plus de grands clivages dans le parti"

Sur le fond, quelle alternative incarnent les adversaires de Marine Tondelier ? Harmonie Lecerf Meunier défend une approche "radicale, intersectionnelle et féministe" de l'écologie, tandis que Florentin Letissier propose d'incarner une "écologie de gouvernement, radicale et responsable". Karima Delli expliquait au Figaro vouloir que les écologistes soient plus présents en zones "rurales" et au sein des "classes moyennes et populaires". Des objectifs partagés par la direction actuelle.

"Il n'y a plus de grands clivages dans le parti, tous les courants internes sont d'accord sur le fait que le parti est à gauche et qu'il a vocation à gouverner", souligne Daniel Boy. "Notre volonté est d'affirmer que nous ne sommes pas une variable d'ajustement de la vieille gauche et que l'écologie est désormais la force motrice", juge David Cormand. Même la question des alliances à gauche, qui déchire les voisins socialistes, ne semble pas faire trop de débat. Seul Florentin Letissier paraît esquisser dans sa profession de foi (document PDF) la fin des partenariats avec La France insoumise, sans nommer le mouvement directement.

Le sujet restera présent jusqu'à la présidentielle. "Il va tout de même falloir trancher la question des alliances pour 2027, avec ou sans LFI, et de l'organisation d'une primaire à gauche", pointe Daniel Boy. La victoire d'un partisan de la rupture avec Jean-Luc Mélenchon lors du congrès du Parti socialiste du 5 juin pourrait mettre à mal la stratégie unitaire des Verts et leur place centrale à gauche.

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