Vidéos "Vraiment, c'était le luxe" : le documentaire "La banlieue c'est le paradis" revient sur 70 ans d'histoire des cités

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Article rédigé par Isabelle Malin
France Télévisions

Dans ce film, le journaliste Mohamed Bouhafsi se souvient des promesses d'une vie meilleure dans les HLM puis de la désillusion de leurs habitants après les "Trente glorieuses".

Délinquance, insécurité, chômage, émeutes, trafics... Ces termes reviennent inlassablement pour qualifier les banlieues qui ne semblent aujourd'hui susciter d'intérêt médiatique que lorsqu'elles brûlent. A l'origine pourtant, ces quartiers populaires, qui se développent au milieu des années 1950 en lisière des grandes villes, se voulaient le berceau d'une vie confortable et paisible pour les nombreux travailleurs venus reconstruire la France de l'après-guerre.

Un documentaire, intitulé La banlieue c'est le paradis, réalisé par le journaliste Mohamed Bouhafsi et diffusé mardi 18 février à 21h10 sur France 2, revient sur les 70 ans d'histoire de ces quartiers et interroge les transformations sociales et urbaines qui les ont accompagnés. Le film, ponctué par l'histoire personnelle de Mohamed Bouhafsi, qui a grandi dans la cité des Francs-Moisins à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), montre les promesses d'une vie meilleure puis la désillusion de ses habitants à la fin des "Trentes glorieuses". 

Des logements pour accueillir la main-d'œuvre

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la France met en place une politique migratoire centrée sur le travail pour pallier le manque de main-d'œuvre et relancer l'industrie. De nombreux travailleurs arrivent de province mais aussi d'Espagne, d'Italie, du Portugal et de pays d'Afrique. Parmi ces ouvriers, beaucoup d'Algériens, qui bénéficient d'un statut à part, leur venue étant encouragée et facilitée par un accord franco-algérien signé en 1968, six ans après les accords d'Evian qui ont mis fin à la guerre d'Algérie. 

"Dans les mines du Nord-Pas-de-Calais, il y avait 29 nationalités", précise Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste français. "Et beaucoup aussi d'Algériens que les charbonnages de France allaient chercher." Ces ouvriers s'installent de façon précaire au plus près des usines, autour des grandes métropoles. Des lieux de vie, faits de baraques en bois et en tôle sans eau courante ni toilettes, qui se transforment rapidement en bidonvilles face à l'afflux massif d'habitants. "Le chiffre qui tourne, c'est plus de 200 bidonvilles dans notre pays, dans les années 1960-1970", poursuit Fabien Roussel.

Dès 1955, de grands ensembles commencent à être construits mais c'est véritablement dans les années 1970 qu'une politique de la ville prend corps afin d'éradiquer ces quartiers insalubres. De grandes barres d'immeuble sortent de terre à marche forcée afin d'offrir des logements décents, spacieux et modernes aux nombreuses familles. Une aubaine pour leurs habitants.

"On arrivait de bidonvilles, donc c'était des palaces. Il y avait la salle de bains, la cuisine, le chauffage au sol, l'ascenseur. Eau et gaz à tous les étages. Donc vraiment, c'était le luxe."

Farida Khelfa, mannequin et réalisatrice

dans le documentaire "La banlieue c'est le paradis"

Les gens se pressent alors pour vivre dans ces quartiers flambant neufs, devenus de véritables villages où tout le monde se connaît. "Les personnes qui sont arrivées ici, il y a plus de 40 ans, ne savaient pas lire le français", explique Monique Munoz, qui a emménagé en 1976 dans la cité des Francs-Moisins à Saint-Denis. "J'étais volontaire pour les aider. Donc je faisais leurs papiers, je faisais les impôts. Et là, ici, pour moi, c'est une famille."

Des quartiers de melting-pot et d'entraide

A l'époque, le chômage est marginal et la mixité sociale une chance. "Les banlieues populaires des années 1970-1980, ce sont encore des banlieues de grand mélange social. Il n'y a pas de grands bourgeois, mais vous avez des gens de classes moyennes", se souvient le prêtre Christian Delorme, surnommé "le curé des Minguettes", cité située à Vénissieux, dans la banlieue de Lyon. "Tout ce monde vit ensemble, avec des voisins maghrébins, musulmans, ouvriers... C'était la richesse de ces quartiers populaires."

Une période radieuse dont l'homme d'affaires Xavier Niel, qui a grandi dans un quartier de Créteil (Val-de-Marne) appelé le Mont-Mesly, reste nostalgique : "J'ai un souvenir super positif, de mélange de cultures, de melting-pot basé sur des camaraderies. Une forme d'égalité parce que les différences sociales étaient extrêmement faibles entre tous les gens qui habitaient là-bas."  

Mais cette embellie s'avère de courte durée. En 1973, le premier choc pétrolier frappe l'économie mondiale et met progressivement un terme à trente années de prospérité et de plein-emploi en France. 

"Mes parents ont acheté au Chêne Pointu à Clichy (Seine-Saint-Denis). Cette copropriété a commencé à se paupériser assez vite en fait, dès la crise pétrolière, et les gens qui allaient le moins mal ont vite vendu leur appartement. Et on a vu changer les habitants, des gens plus pauvres."

Olivier Klein, ancien ministre de la Ville

dans le documentaire " la banlieue c'est le paradis"

Au fil des années, l'inflation et le chômage explosent. Les premières victimes sont les habitants de ces quartiers populaires qui se ghettoïsent, les classes moyennes les ayant désertés. La misère s'installe et, avec elle, l'ennui et le désœuvrement, dans ces cités où les infrastructures manquent cruellement.

"Dans ces grands ensembles, au départ, les gens travaillent, et ça se passe bien, analyse Fabien Roussel. Mais, quand il y a une concentration de pauvreté, de chômage, ça crée de la misère, cela crée du trafic, ça crée de la délinquance, ça crée de la désespérance." Beaucoup d'anciens habitants, comme l'acteur Franck Gastambide, gardent néanmoins un souvenir heureux de leurs années passées en banlieue : "Il y a de la sensibilité, de l'entraide, de l'amour... Ça manque au Parisien que je suis devenu. Dans un quartier, on se connaît tous. On ne peut pas dire qu'on s'aime forcément tous... Dans un immeuble parisien, on se croise, on ne se connaît pas."


Le documentaire Les banlieues c'est le paradis, réalisé par Mohamed Bouhafsi, est diffusé mardi 18 février à 21h10 sur France 2 et visible sur france.tv.

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