Deux robes Dior, un manteau Burberry, des billets d'avion... On vous explique la polémique autour des notes de frais d'Anne Hidalgo

Après un recours en justice, une association a obtenu des notes de frais de la maire de Paris, qui détaillent notamment des frais de voyage et d'habillement. Ses opposants critiquent l'ampleur de ces dépenses.

Article rédigé par franceinfo
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La maire de Paris, Anne Hidalgo, le 6 septembre 2025, lors d'une inauguration au parc André-Citroën. (TELMO PINTO / NURPHOTO / AFP)
La maire de Paris, Anne Hidalgo, le 6 septembre 2025, lors d'une inauguration au parc André-Citroën. (TELMO PINTO / NURPHOTO / AFP)

"Depuis un an et demi, nous nous battons pour faire la transparence sur les dépenses de la mairie de Paris. Malgré l'opacité dont a fait preuve la maire, nous avons (enfin) obtenu gain de cause". Mardi 16 septembre, sur X, l'association Transparence citoyenne se félicitait d'une victoire juridique. Devant la justice, cette association, qui revendique lutter "contre la corruption et la gabegie de l'argent public", a pu récupérer une partie des frais de déplacement, de restauration et de représentation d'Anne Hidalgo entre 2020 et 2024. Le contenu de ces documents a été dévoilé dans la foulée par un article de Mediapart, et l'association les a mis en ligne sur X le lendemain. Depuis, des réactions ont critiqué l'opacité de la mairie de Paris et les dépenses révélées par ces notes de frais.

"Malgré nos demandes datant de mars 2024, puis un avis favorable de la Cada [la Commission d'accès aux documents administratifs] en juillet 2024, il a fallu qu'on saisisse le tribunal administratif pour que la ville de Paris finisse par nous envoyer des documents", a détaillé auprès de Mediapart Guillaume Leroy, le président de l'association Transparence citoyenne. Celle-ci a été soutenue financièrement par l'homme d'affaires proche de l'extrême droite Pierre-Edouard Stérin, relève le site d'investigation, mais assure cibler des politiques de tous bords.

"La ville de Paris examine les demandes suite à la saisine de la Cada. Pour autant, il peut arriver que les documents demandés ne conviennent pas aux demandeurs, qui décident de saisir le tribunal", rétorque auprès de Mediapart le cabinet de la maire, qui assure avoir transmis tous les justificatifs. Ce que conteste Transparence citoyenne.

Des voyages à New York et à Tokyo

Les documents transmis détaillent notamment les frais de représentation de la maire : 84 200 euros entre 2020 et 2024. Celle qui ne se représentera pas aux municipales en 2026 dispose d'une enveloppe de 20 000 euros par an, qu'elle a utilisée principalement pour l'achat de vêtements, sans en épuiser la totalité à chaque fois.

Si les achats de l'élue socialiste sont généralement compris entre 500 et 1 000 euros, certaines dépenses sont bien plus onéreuses. Anne Hidalgo a ainsi acquis une veste Burberry à 1 087 euros en 2020, une blouse Dior à 1 120 euros en 2021, un manteau Burberry à 3 067,50 euros en 2023 et deux robes Dior en 2024 pour 6 320 euros. Le 18 septembre, Transparence citoyenne a publié, toujours sur X, de nouvelles notes de frais d'Anne Hidalgo qui s'étalent de 2023 à 2024. On y trouve des dépenses au BHV Marais, qui se trouve près de l'hôtel de ville, chez Gérard Darel, mais aussi chez Dior. 

Autre document transmis à la justice : les frais de déplacement d'Anne Hidalgo entre juillet 2020 et décembre 2023, qui s'élèvent à 125 000 euros pour le transport et l'hébergement. "Ses voyages les plus coûteux étant ceux effectués à New York en 2023 pour le sommet de l'ambition climatique à l'ONU (9 810 euros), à New York toujours, en 2022, pour une cérémonie environnementale et pour rencontrer le maire de la ville (10 034 euros), à Tokyo en 2021 pour les Jeux paralympiques (12 687 euros) et à Tahiti en octobre 2023, pour aller notamment visiter le site olympique accueillant l'épreuve de surf à Teahupo'o", détaille Mediapart.

Ce voyage d'Anne Hidalgo et cinq membres de sa délégation à Tahiti, à l'automne 2023, avait déclenché une controverse, et il fait l'objet d'une enquête du Parquet national financier (PNF) pour "prise illégale d'intérêts" et "détournement de fonds publics". Celle-ci entre "dans sa phase d'achèvement", selon le PNF, cité par Mediapart. Des perquisitions avaient été menées à l'hôtel de ville en mars 2024. Outre le coût financier et le bilan carbone du déplacement, la double nature d'abord professionnelle puis privée de ce long voyage lui avait valu des accusations de mélange des genres.

L'équipe de la maire avait alors assuré qu'elle avait pris elle-même en charge le coût lié à son billet de retour. Guillaume Leroy assure auprès de Mediapart qu'il est "impossible pour nous de savoir si la maire a payé son billet retour de Tahiti et quels sont les détails de ses frais de bouche ou d'hébergement lors de ses voyages". 

"Elle se doit de représenter la culture française"

L'entourage de l'édile se défend sur les différents points soulevés par Mediapart. Auprès du site d'investigation, son cabinet maintient, par exemple, l'argumentaire avancé en 2023 auprès du JDD concernant l'achat de vêtements. "Elle se doit de représenter la culture française et la haute couture, à l'instar de la première dame ou des ministres. Mais il ne s'agit pas là de robes à 10 000 euros. En plus, elle les réutilise", assurait son cabinet. "La maire participe à de nombreuses représentations officielles" et "reçoit des chefs d'Etat et des délégations étrangères tout au long de l'année", fait-il encore valoir aujourd'hui. 

L'affaire a aussitôt suscité un flot de commentaires indignés d'anonymes sur les réseaux sociaux. Des associations ont également réagi. "Pour la troisième fois depuis 2014, la maire de Paris a refusé de transmettre ses frais de déplacement, de restauration et de représentation. Une association a pu en récupérer une partie devant la justice. Mais seulement une partie", a par exemple déploré sur X l'association Anticor, qui lutte contre la corruption en politique. 

Des élus de droite et d'extrême droite ont aussi critiqué vivement la maire de Paris. "Entre 2020 et 2024, 84 000 euros de vêtements (dont des robes et un manteau à plus de 3 000 euros) achetés par Anne Hidalgo avec des fonds publics : 'La maire de Paris incarne la France à l'étranger.' Ah bon ? Le Conseil de Paris n'a jamais voté de mandat spécial pour ces déplacements", a vertement critiqué sur X Aurélien Véron, conseiller LR de Paris, et porte-parole de Rachida Dati. "Alors que les Français doivent se serrer la ceinture de chez Monoprix, Anne Hidalgo dépense sans compter avec l'argent public", cingle sur X, le député RN Jérôme Buisson. "La politique socialiste, c'est taxer Bernard Arnault pour permettre à Anne Hidalgo de s'habiller chez LVMH", dénonce sur le même réseau social Arnaud Dassier, le délégué général de l'UDR, le parti d'Eric Ciotti.

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