Que penser de l'étude lancée par Robert Kennedy Jr, ministre de la Santé américain, censée établir les causes d'une supposée "épidémie d'autisme" ?
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Les hypothèses évoquées par Donald Trump, alors que les cas diagnostiqués sont en nette hausse dans le pays, rouvrent déjà la porte à de vieilles antiennes antivax.
Robert Kennedy Jr a promis, jeudi 10 avril, d'établir les causes de l'autisme "d'ici septembre", au terme d'une vaste étude scientifique mobilisant des centaines de scientifiques du monde entier. Pour le ministre de la Santé américain, les Etats-Unis sont frappés par une supposée "épidémie d'autisme", dont il convient d'éliminer les causes. Cette prise de parole tonitruante a été saluée par Donald Trump, présent à ses côtés, qui avait déjà visiblement son idée sur la question : "C'est possible qu'il faille qu'on arrête de prendre quelque chose, ou de manger quelque chose, ou peut-être que c'est un vaccin."
Les conclusions de l'étude commandée par Robert Kennedy Jr fait peu de doute, puisqu'une mission a été confiée à David Geier, rapporte The Washington Post. Par le passé, cet analyste de données a déjà été sanctionné pour avoir exercé la médecine sans autorisation. Depuis des années, au côté de son père, il s'est donné pour mission d'affirmer qu'un lien existait entre les vaccins, notamment le ROR (rougeole, oreillons et rubéole) et l'autisme. La Maison Blanche semble donc bien décidée à relancer la vieille antienne complotiste lancée en 1998 avec une étude truquée signée par un certain Andrew Wakefield, dépubliée et maintes fois démentie par des travaux postérieurs.
"Il semble que l'objectif de cette administration soit de prouver que les vaccins provoquent l'autisme, même si ce n'est pas le cas", a réagi Alison Singer, présidente de l'Autism Science Foundation, citée par le Washington Post. "Ils partent de la conclusion et cherchent à la prouver. Ce n'est pas ainsi que l'on fait de la science". L'ONG américaine Autistic Self Advocacy Network estime déjà, dans un communiqué, que le ministère de la Santé "a l'intention de produire des recherches truquées et frauduleuses". Elle rappelle que le président et son ministre se sont déjà illustrés par leurs "croyances préexistantes" sur la question.
Un augmentation des cas diagnostiqués
Si Robert Kennedy Jr évoque une "épidémie", c'est que le nombre de cas reportés est en nette augmentation aux Etats-Unis. Il explose, même. La prévalence est passée d'un sur 150 pour les enfants nés en 1992, selon les chiffres des centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) américains, à un sur 36 pour ceux nés en 2012. Mais il y a tout de même une nuance importance. L'augmentation de ces cas est d'abord la conséquence des redéfinitions successives dans les nomenclatures, par exemple dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux américain, afin d'embrasser un plus grand nombre de troubles, expliquait déjà en 2017 le chercheur Franck Ramus, dans un article paru dans The Conversation.
"Quand on parle d'autisme, on pense souvent aux grands autistes. Ils existent, mais la gamme est très large", explique à franceinfo David Masson, psychiatre au Centre psychothérapique de Nancy. "Aujourd'hui, on parle de troubles du spectre de l'autisme (TSA) car il peut y avoir beaucoup de manifestations d'un même trouble. Vous pouvez avoir des personnes autistes qui ont réussi à s'adapter dans l'environnement dans lequel ils évoluent."
En France, les TSA représentent entre 0,9% et 1,2% des naissances, soit environ 7 500 nourrissons chaque année, selon la Haute Autorité de santé. Au total, environ 100 000 jeunes de moins de 20 ans et près de 600 000 adultes sont concernés. Les études épidémiologiques actuelles estiment qu'environ 1% de la population mondiale pourrait recevoir le diagnostic d'autisme, souligne l'institut Pasteur.
La plus grande attention portée à ces troubles a conduit à diagnostiquer des enfants qui ne l'étaient pas jusque-là, mais également des enfants qui étaient auparavant diagnostiqués avec une déficience intellectuelle. "Les critères ont évolué et la gamme de reconnaissance est plus importante qu'il y a trente ans, par exemple", résume David Masson. L'élargissement des critères de diagnostic s'est accompagnée d'une meilleure connaissance des famille et des professionnels. "La médecine n'était pas forcément aguerrie à la détection de l'autisme."
Si les diagnostics intègrent des TSA plus larges, et sont davantage systématiques, l'augmentation des cas, du moins une petite partie, pourrait également être attribuée à des "éléments plurifactoriels encore mal définis", ajoute David Masson. Le psychiatre cite "plusieurs suspects" avec des "problématiques de pollution" ou la prise de médicaments pendant la grossesse – une alerte avait été émise en 2015 pour l'anti-épileptique Dépakine, désormais contre-indiqué.
Par ailleurs, "la prématurité et l'absence d'oxygène à la naissance sont également des facteurs, comme l'âge de la parentalité élevée... La part génétique est également importante, avec des agrégats génétiques qui peuvent favoriser ce type de troubles du neurodéveloppement." Ainsi, "près de 200 gènes ont été associés à l'autisme et environ 80% des cas d'autisme peuvent être liés à des mutations génétiques", explique à l'AFP Thomas Bourgeron, responsable de l'unité génétique humaine et fonctions cognitives à l'Institut Pasteur.
"Un biais idéologique" plutôt que "des critères scientifiques"
Les garçons sont quatre fois plus fréquemment diagnostiqués avec un autisme que les filles, selon la même source. Et la probabilité d'avoir un enfant autiste est 10 à 20 fois plus élevée dans les familles où les parents ont déjà eu un enfant autiste. Enfin, les jumeaux monozygotes – dits "vrais jumeaux" – partagent le diagnostic d'autisme plus fréquemment que les jumeaux dizygotes – dits "faux jumeaux". Autant de pistes qui doivent encore être explorées par la recherche.
En revanche, "il n'existe pas même une corrélation avec les vaccins", reprend David Masson, qui rappelle que l'absence de lien fait l'objet d'un consensus scientifique depuis de nombreuses années, après de multiples études solides.
"Il est difficile d'imaginer comment un vaccin pourrait provoquer l'autisme alors que ces troubles concernent un développement cérébral pendant la grossesse, et donc avant même la naissance."
David Masson, psychiatre au Centre psychothérapique de Nancyà franceinfo
Les propos du ministre de la Santé américain montrent "une certaine méconnaissance de la littérature scientifique", a commenté de son côté Hugo Peyre, pédopsychiatre au CHU de Montpellier, auprès de l'AFP.
Robert Kennedy Jr a cofondé en 2007 l'organisation Children Health Defense (CHD), connue pour ses campagnes de désinformation contre la vaccination. Cet ancien avocat en droit de l'environnement, sans formation scientifique, a également propagé des théories du complot sur les vaccins contre le Covid-19. Sa nomination par Donald Trump avait même été dénoncée par pas moins de 77 prix Nobel.
D'une manière générale, les délais annoncés par Robert Kennedy Jr n'annoncent rien de sérieux. "Il semble, au minimum, péremptoire de dire que les facteurs des TSA vont être établis d'ici septembre, conclut David Masson. Je ne suis même pas sûr qu'il y ait assez de temps pour simplement reprendre les données existantes sur le sujet et les méta-analyses déjà documentées. Cette temporalité ne correspond pas à des critères scientifiques solides et cela traduit davantage un biais idéologique."
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