Quatre questions sur la tentative de Donald Trump de démanteler le ministère de l'Education aux Etats-Unis

Le ministère de l'Education a un rôle relativement limité aux Etats-Unis, ce qui n'empêche pas le président américain d'accumuler les griefs à son encontre.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le président américain Donald Trump présente le décret prévoyant d'entamer le démantèlement du ministère de l'Éducation, le 20 mars 2025, à Washington, aux Etats-Unis. (MANDEL NGAN / AFP)
Le président américain Donald Trump présente le décret prévoyant d'entamer le démantèlement du ministère de l'Éducation, le 20 mars 2025, à Washington, aux Etats-Unis. (MANDEL NGAN / AFP)

Donald Trump en avait fait la promesse pendant la campagne électorale. Le président des Etats-Unis a signé, jeudi 20 mars, un décret visant à "éliminer" le ministère de l'Education, projet attendu et applaudi par la droite américaine.

Une décision dont la mise en application et les implications concrètes restent cependant encore difficiles à cerner. Franceinfo revient sur le sujet en quatre questions.

1 Que prévoit le décret présidentiel ?

Le décret signé jeudi donne à la ministre de l'Education Linda McMahon la mission de "commencer à éliminer le ministère une bonne fois pour toutes", a déclaré Donald Trump. Une entreprise qui avait déjà été amorcée ces derniers jours avec la suppression de quelque 2 000 postes au sein du ministère, soit la moitié de l'effectif total.

Le président américain a précisé que les fonctions selon lui "utiles" du ministre seraient préservées, en particulier concernant les bourses pour les enfants défavorisés et les aides pour les élèves en situation de handicap.

2 Que reproche Donald Trump au ministère de l'Education ?

L'institution, fondée en 1979, a un rôle relativement limité aux Etats-Unis, ce qui n'empêche pas le président américain de collectionner les griefs à son encontre."Nous voulons rendre l'éducation aux Etats, là où elle doit être", a ainsi déclaré jeudi Donald Trump. "Les Etats-Unis dépensent plus pour l'éducation que tout autre pays (...) et pourtant, nous sommes près du bas de la liste en termes de performance" scolaire, a-t-il ajouté. Ce dernier argument est cependant contesté par des experts de l'éducation, soulignant que les Etats-Unis ne sont pas si mal classés dans les tests internationaux. 

L'offensive contre ce ministère s'inscrit par ailleurs dans la volonté de Donald Trump de tailler dans les dépenses publiques. Un programme conservateur plus vaste vise également à réduire le rôle du gouvernement fédéral dans l'éducation et à orienter davantage de fonds vers les écoles privées et l'enseignement à domicile, souligne le New York Times.

La droite américaine, en particulier les mouvements évangéliques, accusent par ailleurs régulièrement les écoles publiques d'endoctriner les enfants en diffusant des idées jugées trop progressistes.

3 Qu'est-ce que cette décision pourrait changer pour le pays ?

L'impact de ce démantèlement annoncé n'est pas comparable avec ce qu'il serait dans un pays tel que la France, où l'éducation est gérée au niveau national. Ainsi, aux Etats-Unis, la responsabilité du programme scolaire incombe aux Etats et aux collectivités locales. Le décret ne devrait donc pas concerner directement les études des élèves.

Les subventions du ministère destinées aux écoles ne devraient par ailleurs pas être affectées par le décret, mais leur supervision pourrait être transférée à d'autres agences fédérales. Ces fonds fédéraux ne représentent qu'environ 10 % du financement de l'enseignement primaire et secondaire à l'échelle nationale, fait valoir le New York Times. Elles jouent cependant un rôle important pour les écoles situées dans des zones défavorisées sur le plan économique et social.

Le démantèlement du ministère pourrait également se répercuter sur la capacité des Etats et des collectivités locales à utiliser les subventions fédérales de manière optimale. "Il y aura une perte d'expertise, de collecte de données, de surveillance et de responsabilisation", anticipe pour CNN Weadé James, directrice des politiques d'éducation primaire et secondaire au Center for American Progress, un groupe de réflexion américain. Un éventuel transfert au ministère de la Santé des compétences concernant la scolarisation des élèves handicapés pourrait complexifier les parcours de ceux-ci, s'inquiète, toujours auprès de CNN, Mia Ives-Rublee, du Center for American Progress.

Le ministère occupe en outre un rôle central pour le financement et la diffusion de la recherche sur l’éducation et se charge de tester les élèves pour évaluer leurs acquis. Il est difficile de savoir si ces tests continueront d'être dispensés à la suite de la signature de ce décret, souligne le New York Times. L'équipe de Donald Trump va devoir enfin trouver à qui confier le portefeuille des dettes étudiantes, jusqu'à présent rattaché au ministère de l'Education.

4 Cette décision peut-elle faire l'objet de recours ?

Le démantèlement d'un ministère ne relève pas du pouvoir présidentiel, mais parlementaire. Le ministère de l'Education ne peut ainsi pas être complètement dissous sans l'adoption d'une loi nécessitant 60 votes au Sénat. Or les républicains n'y disposent actuellement que de 53 sièges. "Ils vont se heurter à une opposition", pronostique Jon Valant, expert en éducation à la Brookings Institution auprès du New York Times.

Le combat risque également d'être porté devant la justice. Une initiative similaire visant à démanteler l'agence américaine de développement, l'USAID, a été jugée mardi "probablement" inconstitutionnelle par un tribunal fédéral. Le chef des démocrates au Sénat, Chuck Schumer, a ainsi immédiatement appelé les tribunaux à agir pour "mettre un terme au coup de force tyrannique" que représente selon lui ce décret, "l'une des mesures les plus destructrices et dévastatrices" jamais prises par Donald Trump. "Monsieur le président, rendez-vous au tribunal" a de son côté écrit sur X Randi Weingarten, dirigeante du syndicat d'enseignants AFT.

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