: Reportage "Elle n'a peur de rien" : en Russie, l'octogénaire Lioudmila Vassilieva défie le pouvoir et se présente au poste de gouverneur de Saint-Pétersbourg
Lioudmila Vassilieva, 83 ans, est une militante bien connue dans l'ancienne capitale russe. En campagne électorale, elle appelle ouvertement à la fin de la guerre. Une voix rare dans le pays où la plupart des opposants ont été réduits au silence.
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Dans les milieux d'opposition de Saint-Pétersbourg, Lioudmila Vassilieva est une légende. Née en 1941, quelques mois avant le début du siège de Leningrad, cette survivante est devenue une militante engagée. Depuis une trentaine d'années, elle promène sa silhouette frêle sur toutes les manifestations en faveur de la liberté et des droits humains. Plusieurs fois arrêtée, on l'a vue notamment, peu après l'invasion de l'Ukraine défiant des policiers pensant le double de son poids, une pancarte "non à la guerre" entre les mains. Quand on lui demande pourquoi elle se présente aujourd'hui au poste de gouverneur de Saint-Pétersbourg, elle répond que tous les candidats potentiels étaient emprisonnés ou classés agents de l'étranger. "J'ai décidé de voir combien de temps cela allait prendre pour que je sois aussi classée agent de l'étranger" sourit-elle avec malice.
Alors, elle s'est décidée. Elle sera candidate sous les couleurs du Parti européen de Saint Petersbourg dont elle a participé à la fondation. "Quelqu'un doit être courageux et je suis une survivante du siège. J'ai traversé tellement de choses. Je n'ai jamais eu peur et je ne veux pas avoir peur parce que quelqu'un doit dire la vérité", explique la candidate. Le statut de "blokadnik" ("blokadnitsa" pour les femmes) suffit à imposer le respect en Russie. Vladimir Poutine n'y est d'ailleurs pas pour rien, lui qui rappelle régulièrement la cruauté du blocus imposé par les Nazis à sa ville natale. 800 000 personnes sont mortes de faim, de froid et des conséquences des bombardements. Le chef du Kremlin est né bien après la guerre, mais son frère aîné est mort pendant le blocus, et son père y a été blessé.
N'étant pas membre d'un parti représenté dans les instances élues, et encoe moins adoubée par le pouvoir, Lioudmila Vassilieva doit -entre autres- récolter près de 80 000 signatures d'électeurs de Saint-Pétersbourg."Ces collectes de signatures n'ont pas pour objet de montrer la popularité d'un candidat", explique Georgi Smirnov, l'un des cadres de son équipe de campagne. "Ce sont des barrières posées pour empêcher les candidats indépendants de figurer sur les bulletins de vote. Il est clair que cela semble être un tâche irréaliste de collecter autant de signatures, mais nous n'avons pas peur de grands défis", poursuit le coordinateur de la jeune équipe qui entoure la candidate et assure notamment sa présence sur les réseaux sociaux.
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Au local de campagne de la candidate, à l'entresol d'un immeuble d'un quartier résidentiel, les électeurs défilent à flux continu. Sans être aussi massive, la mobilisation rappelle celle qui s'était créée autour de Boris Nadiejdine, le candidat anti-guerre qui avait tenté de porter les espoirs du camp libéral à la présidentielle russe. Sveltlana est venue avec son mari déposer sa signature. "Nous l'avons rencontrée le 16 février, le jour où on a appris la mort de Navalny. Nous l'avons vu faire un discours. C'est une personne très intelligente, digne, et nous avons été impressionnés par le fait qu'elle n'avait peur de rien", confie-t-elle après avoir rempli son formulaire.
"Il est tout simplement impossible de ne pas signer pour elle"
Pour autant, la candidate octogénaire refuse l'étiquette d'opposante au régime. "Je ne suis pas une opposante. Je suis pour le peuple, pour que les gens vivent confortablement, qu'ils n'aient peur de rien, qu'ils puissent dire ce qu'ils pensent, pour que nous ne soyons pas des parias dans le monde, mais que le monde entier nous tende la main", se défend Lioudmila Vassilieva.
Il n'est pas certain qu'elle puisse être candidate au poste de gouverneur le 8 septembre. Le pouvoir russe dispose de nombreux moyens pour disqualifier les candidats d'opposition. Mais dans sa jeune équipe de campagne, ils sont nombreux à y croire. "Nous n'avons pas de gros sponsors, nous fonctionnons juste avec les dons que nous font les gens. Mais il y a de plus en plus de personnes qui nous rejoignent pour venir nous aider", explique Gleb Gorov en charge de la communication de sa campagne. "D'une façon générale, nous attirons tous ceux qui ne sont pas d'accord avec le pouvoir. Le fait que notre candidate se prononce clairement contre la guerre est évidemment très important".
Lioudmila Vassilieva assume cette position, en marchant sur un fil. Et n'hésite pas à interpeller directement le maître du Kremlin. "Je dis à Poutine : Soyez audacieux ! Lorsqu'une personne admet ses erreurs, elle retrouve sa dignité", clame-t-elle. L'élection au poste de gouverneur aura lieu en septembre. Qu'elle soit candidate ou non, Lioudmila Vassilieva aura fait entendre sa voix. Une fois encore.
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