Les camps de détention en Russie héritiers du passé stalinien
Les Pussy Riot ont été condamnées pour "hooliganisme" et blasphème. Leur peine : deux ans de prison dans un centre de détention dont l'organisation s'inspire des Goulags. Description du système pénitentiaire russe.
Dans les camps, la journée commence au petit matin. Vêtues du même uniforme sombre, coiffées des mêmes foulards, les femmes s'alignent dans la cour pour être comptées, hiver comme été. Les habits personnels sont interdits.
Les prisonnières travaillent dans l'usine du centre de détention moyennant un salaire misérable qui sert à acheter des produits de première nécessité dans l'épicerie du camp. Les détenues confectionnent des uniformes pour l'administration pénitentiaire, l'armée, le ministère de l'Intérieur, entre autres...
Le nombre de visites est restreint au minimum. Six courts rendez-vous par an et quatre un peu plus longs, au cours desquels, les condamnées peuvent se retrouver dans une pièce séparée avec leur conjoint ou leur famille; c'est leur seul moment d'intimité. Elles sont souvent recluses loin de leur domicile, les camps étant isolés. Il en existe 46 dans toute la Russie, selon l'administration pénitentiaire.
Les autorités pénitentiaires ne font aucune différence entre les prisonnières. Ainsi, des voleuses, des tueuses et des coupables de crimes mineurs partagent leurs vies derrière les barbelés ou dans des baraquements de 100 à 200 lits.
Les différents camps pour les femmes
Pour le moment, les Pussy Riot ne savent pas dans quel camp elles purgeront leur peine. Elles ont fait appel et il est hors de question qu'elles demandent la grâce de Vladimir Poutine, le président russe.
Les femmes condamnées vivent dans des camps à «régime ordinaire», le régime le moins strict. Seules celles qui brisent la loi du camp risquent «le trou»; l'isolement total qui peut aller de quelques semaines à six mois. Mais il existe également des «camps de résidence», où les détenus se déplacent dans une zone définie sans surveillance.
«Ce n'est pas le cas pour les hommes, dont leur vie en prison est organisée en quatre régimes différents qui va du moins sévère à l'isolement total (régime spécial)», raconte Alban Mikoczy, le correspondant de France 2 à Moscou.
La prison de la ville de Vladimir est la plus redoutée de Russie. RT octobre 2007.
Tortures et exactions
En effet, il existe une différence sensible entre les camps de femmes et les camps d'hommes qui vivent dans un environnement beaucoup plus violent où les gangs des prisons font la loi.
En moyenne, 35 ou 45 détenus s'entassent dans des baraques faites pour accueillir 15 personnes. Les repas ? Une espèce de bouillie trois fois par jour, comme le raconte le documentaire la marque de Caïn sorti en 2010. Des cas aigus de tuberculose qui résistent aux médicaments, ne sont pas rares.
Parfois, les atrocités vécues par les meurtriers, violeurs, arnaqueurs et trafiquants de tous poils franchissent les épais murs des prisons et deviennent une affaire publique. En 2010, une vidéo a filtré de la colonie pénitentiaire de Donskoï, située à 200 km de Moscou : un condamné pour meurtre accusait les gardes de torture.
Ses ongles avaient été arrachés car il refusait de révéler des informations sur ses codétenus. Les autorités du camp affirmaient qu'une mycose en était responsable. Des militants des droits de l'homme qui avaient filmé les déclarations du détenu ont demandé une expertise médicale. Elle a livré une toute autre conclusion : les ongles avaient été effectivement arrachés.
Plusieurs vidéos ont contribué à l'accélération des réformes du système carcéral. RT, février 2010.
«Nos prisons sont inhumaines»
Même Dimitri Medvedev, le président russe à l'époque, a réagi à cette affaire qui n'est pas un cas isolé : «Nos prisons sont inhumaines, comme les Goulags de Staline».
Il a promis d'améliorer le système carcéral et les conditions de détention. Une trentaine de hauts fonctionnaires ainsi que le ministre de la Justice avaient été renvoyés. Depuis, des modifications ont été faites. Les peines les plus légères peuvent être, par exemple, purgées chez soi. «Mais l'idée de prison collective reste», nuance Alban Mikoczy. Le système carcéral est défini par les opposants du régime comme un Etat dans l'Etat.
En 1930, des monastères sont devenus des prisons pour récidivistes, transformées peu à peu en Goulags. A l'époque, les prisons devaient contribuer à l'essor industriel soviétique. Les prisons actuelles ne remplissent plus ce rôle. Mais elles ne tiennent pas non plus leur promesse de «rééduquer» les condamnés. Les programmes de réinsertion sont inexistants.
L'arrestation de Garry Kasparov filmée par un amateur.
Ainsi va la vie de 640 000 prisonniers russes, dont 47 200 femmes, selon le Service fédéral des peines. L'opposant russe et ancien champion d'échecs Garry Kasparov pourrait venir grossir les rangs des détenus. Il est accusé d'avoir mordu un policier. Il risque cinq ans de camp.
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