Offensive israélienne sur la ville de Gaza : "Il n'y a qu'un homme qui peut arrêter Nétanyahou, il s'appelle Donald Trump", réagit Thierry Breton, ex-commissaire européen au Marché intérieur

Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min - vidéo : 22min
Article rédigé par franceinfo - Édité par l'agence 6Medias
France Télévisions

Invité de "Tout est politique" mardi 16 septembre, l'ancien commissaire européen au Marché intérieur et ancien ministre de l'Économie, Thierry Breton, réagit notamment à l'offensive d'Israël sur Gaza-ville pour en prendre le contrôle.

L'offensive israélienne dans la ville de Gaza fait réagir à travers le monde. Des quartiers et immeubles ont été détruits dans des bombardements dans la nuit du lundi 15 au mardi 16 septembre, et les frappes se poursuivent. Pour en parler, Thierry Breton, ancien commissaire européen au Marché intérieur et ex-ministre de l'Économie, est l'invité de Gilles Bornstein dans "Tout est politique" ce mardi soir. Il dénonce notamment "une tragédie" et des "atrocités" que seuls les États-Unis pourraient arrêter.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.


Gilles Bornstein : Est-ce que vous diriez qu'il y a ce soir une sorte de soutien indéfectible de Donald Trump à Benyamin Nétanyahou ?

Thierry Breton : Bien sûr. Et ce n'est pas d'aujourd'hui, malheureusement. C'est une tragédie, ce sont des atrocités. Et, vous venez de le dire, dans votre question, il n'y a qu'un homme sur cette planète qui peut arrêter Benyamin Nétanyahou, il s'appelle Donald Trump. Pour quelqu'un qui est à la recherche, si l'on a bien compris, des honneurs de Stockholm, c'est mal parti.

Du prix Nobel de la paix, pour être clair.

C'est mal parti. De même qu'il n'y a qu'un homme qui peut arrêter Vladimir Poutine, c'est toujours le même. Et depuis huit mois, on voit ce qui se passe tant sur le front en Ukraine qu'à Gaza, évidemment, comparaison n'est pas raison, mais derrière, il y a des victimes des deux côtés et on attendrait que cet homme bouge un peu, mais il ne bouge pas. Les deux, dont je viens de parler, on sait que rien ne les arrêtera et qu'ils ne s'arrêteront pas.

Nathalie Saint-Cricq : Là, il n'y a qu'une solution ; considérer d'une part, notre impuissance, et de l'autre, en attendant que Donald Trump disparaisse ou que Poutine disparaisse, ou que Nétanyahou disparaisse... On fait quoi maintenant ?

Thierry Breton : Eh bien, il faut continuer à faire en sorte de parler à Monsieur Trump, d'essayer de lui démontrer ce qui se passe.

Vous avez vu l'initiative européenne, quand on s'est déplacé à plusieurs, et qu'on nous a annoncé un potentiel sommet, une potentielle rencontre entre Vladimir Poutine et Zelensky...

Mais je ne suis plus aux affaires, ça ne vous a pas échappé.

Non, mais vous l'avez été suffisamment pour savoir à quel point l'Europe peut être efficace, ou non, dans un temps ?

Exactement. Et ça ne vous a peut-être pas échappé que, voyant les choses telles qu'elles évoluaient, en tout cas, telles qu'elles se dessinaient, en ce qui me concerne, j'ai estimé que je n'étais plus en mesure d'exercer les fonctions que je pensais devoir exercer. Et ce, en fonction, précisément et notamment, de tout ce que vous venez de dire.

Gilles Bornstein : Vous avez dit à l'instant qu'il y a un seul homme au monde qui peut arrêter cela, c'est le président Trump. Est-ce que cela signifie que nous sommes complètement impuissants et que le président Macron, quand il reconnaît l'État palestinien, quoi qu'il fasse, ça ne change pas grand-chose ?

Thierry Breton : Pas complètement impuissant, bien entendu, et je n'ai pas dit ça, mais sur ces deux théâtres d'opérations...

Qu'est-ce qu'on peut faire de plus, qu'est-ce qu'il peut faire de plus ?

Il est absolument évident qu'aujourd'hui, il faut qu'on puisse vraiment discuter avec l'ensemble des pays qui sont concernés. Alors, bien sûr, on a vu ce qu'il s'est passé à l'ONU. C'est une bonne initiative, mais c'est une initiative, on le sait, qui ne va pas aboutir dans les médias. Il faut mettre évidemment des conditions pour pouvoir reconnaître les deux États.

"Pourquoi nous faisons-nous si mal, si peu entendre désormais en Europe ?"

Il faudrait suspendre l'accord d'association entre l'Europe et Israël. Beaucoup demandent sa suspension. Vous y êtes favorable ?

Ça a été évidemment évoqué, ça a été évoqué depuis longtemps.

Vous, vous y seriez favorable ?

Mais il y a un moment où, de toute façon, c'est dans les textes, donc il faut appliquer les textes. À partir du moment où il y a précisément des situations qui sont telles qu'elles se déroulent, les textes qui nous unissent, qui nous lient, sont là. Ils ne sont pas appliqués, donc il faut les appliquer. Et quand on applique les textes, évidemment, ça se traduit...

La diplomatie française, à ma connaissance, ne réclame pas la suspension de cet accord d'association. Est-ce qu'elle est trop pusillanime ?

Non mais, encore une fois, la diplomatie française doit faire entendre sa voix auprès de l'Union européenne et de la Commission européenne. Et qu'est-ce que je dis aujourd'hui ? C'est que, je le déplore, du reste, et on va sans doute en parler un petit peu. Pourquoi, au fond, pourquoi la France, qui est quand même un très grand pays, nous sommes la septième puissance économique mondiale, nous sommes l'un des pères fondateurs de l'Europe... Au fond, la question qu'il faut nous poser, c'est pourquoi nous faisons-nous si mal, si peu entendre désormais en Europe ?

Nathalie Saint-Cricq : Le "désormais" remonte à quand ?

Thierry Breton : Le "désormais" remonte pour moi à partir de 2012, si vous voulez que je chiffre. Pourquoi dis-je cela ?

Gilles Bornstein : L'élection de François Hollande ?

Thierry Breton : Non, pas du tout, ça n'a rien à voir. À partir de 2012, nous signons le pacte de stabilité revisité qui impose à tous les États membres, après les deux crises que nous avons traversées, notamment la crise des dettes souveraines, de ne pouvoir faire que 0,5 % de déficit structurel par an. En déficit pour le budget, et si jamais on a plus de 60 % de dette, de baisser tous les ans de un vingtième le différentiel entre l'état de la dette et les 60 %. Tout le monde le signe. Depuis 2012, tous les ans, l'Allemagne respecte le traité. Depuis 2012, tous les ans, la France ne respecte pas le traité. Je le dis bien, tous les ans. Et qu'est-ce qui se passe ? Il se passe que la divergence qui a commencé à s'accentuer massivement à partir de 2007, là, c'est l'élection de Nicolas Sarkozy. Lorsque je quitte Bercy, l'endettement de la France est de 63 % par rapport au PIB, celui de l'Allemagne de 67 %. Après le quinquennat de Nicolas Sarkozy, il monte à 91 %, 80 % pour l'Allemagne seulement, pour les deux mêmes crises, des deux côtés du Rhin. Et depuis, la France perd son crédit, parce qu'encore une fois, elle ne tient plus sa parole. Ça se traduit d'abord politiquement, mais ça se traduit aussi évidemment par une situation d'endettement aujourd'hui où nous sommes à 115 %, 114 %, et bientôt 115 %, et en route pour les 120 %, contre 60 % pour l'Allemagne.

Nathalie Saint-Cricq : Vous considérez que la situation actuelle en France est dramatique, si j'ai bien compris ? La note de Fitch, ce n'est pas simplement quelque chose de périphérique ? Ça correspond à un véritable affaissement de l'économie française ?

Thierry Breton : Ce qui est dramatique, c'est que nous ne parvenons pas à expliquer ce qui s'est passé. Et c'est ce que, de là où je suis, je m'efforce de faire, faire de la pédagogie pour expliquer à nos compatriotes. Est-ce que François Bayrou a essayé d'expliquer cela pendant neuf mois ? Oui, mais ça n'a pas suffi visiblement. Mais encore fallait-il le faire ? Est-ce qu'il faut le lui reprocher ? Je ne suis pas de ceux-là, car j'estime qu'effectivement, il est absolument indispensable d'expliquer à nos compatriotes. Alors, qu'est-ce qu'on veut expliquer, si vous permettez ? Une chose extraordinairement simple. Aujourd'hui, pour faire fonctionner notre pays, on engrange 1 500 milliards d'euros par an d'impôts et taxes. Aujourd'hui, pour faire fonctionner l'ensemble de notre vivre ensemble, notre État-providence, notre État, les collectivités locales, on dépense 1 670 milliards. C'est donc 170 milliards de plus que ce nous gagnons. Et ça dure comme ça depuis des années. La question, évidemment, qu'il faut se poser, c'est : est-ce que ça va continuer à durer éternellement ? La réponse, c'est non.

Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.