Flottille de la liberté pour Gaza : "Lorsque la diplomatie d'un pays est défaillante, il faut que ce soient les citoyens qui s'y substituent", pointe Gabrielle Cathala, élue insoumise à bord du "Handala"

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Article rédigé par franceinfo - Édité par l'agence 6Medias
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Avant de larguer les amarres des côtes italiennes pour délivrer de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza, la députée La France insoumise, Gabrielle Cathala, explique dans "La Matinale" du 18 juillet sa mission à bord du "Handala", navire de la Flotille de la liberté, qui succède au "Madleen", intercepté mi-juin par Israël.

Députée La France insoumise du Val-d'Oise, Gabrielle Cathala se dirige vers Gaza avec sa collègue insoumise, l'élue européenne Emma Fourreau, à bord du "Handala", un navire de la Flottille de la liberté partant d'Italie, vendredi 18 juillet, pour l'enclave palestinienne. Une nouvelle traversée dans le but de délivrer de l'aide humanitaire aux Gazaouis, qui fait suite au périple de l'eurodéputée insoumise Rima Hassan et de la militante écologiste Greta Thunberg à bord du "Madleen", intercepté par Israël en juin. Gabrielle Cathala répond aux questions de Brigitte Boucher avant son départ, dans "La Matinale" du 18 juillet.

Ce texte correspond à la retranscription d'une partie de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.

Brigitte Boucher : Vous partez d'Italie après l'échec de Rima Hassan. C'est quoi le but de cette traversée ?

Gabrielle Cathala : Le but de cette traversée, il est comme les précédentes flottilles, puisqu'on a beaucoup parlé du "Madleen", mais le "Handala" est le 37e bateau de la Flottille de la liberté. Le but est de briser le blocus humanitaire illégal qui est mis en place par Israël depuis 2007 à Gaza. On en parle beaucoup depuis le génocide commencé en octobre 2023, mais ce blocus est là depuis près de 20 ans. Le but est donc de le briser, et de briser le silence sur le génocide pendant l'été, de continuer à le visibiliser. Et, preuve que ça marche, puisque s'il n'y avait pas cette flottille, je n'aurais pas été votre invitée ce matin et nous n'aurions pas parlé du génocide à Gaza. Nous faisons cette mission aussi pour visibiliser le sort des enfants Gazaouis, puisque je crois qu'il n'y a rien de pire au monde qu'être un enfant à Gaza, et d'apporter une aide qui est certes symbolique vu la taille de notre bateau, mais qui est quand même nécessaire, puisqu’à la frontière égyptienne, il y a plus de quatre mois d'aide alimentaire qui est bloquée par Israël. Notre but est de montrer qu'on peut aller jusqu'à Gaza.

"Le Madleen n'est pas arrivé jusqu'aux côtes de Gaza, mais pour moi, la mission était déjà réussie"

C'est la preuve aussi que ça ne marche pas, puisque c'est la 37e flottille de la liberté qui part et ce blocus humanitaire, il est toujours en cours. Est-ce que ce n'est pas vain, cette ultime traversée ?

Non, ce n'est pas vain, puisque nous continuerons à partir tant qu'aucun bateau n'arrivera pas jusqu'aux côtes de Gaza. Le "Madleen" n'est pas arrivé jusqu'aux côtes de Gaza, mais pour moi, la mission était déjà réussie. La Flottille de la liberté a toujours revendiqué le fait qu'elle était une opération politique, une opération pacifique de militants non violents qui aident à visibiliser le blocus illégal israélien. C'est ça qu'il faut faire. Ce qu'il faut montrer, c'est que depuis près de 20 ans, Israël mène une politique qui est totalement contraire au droit international, en empêchant les Gazaouis de subvenir à leurs propres besoins par ce blocus, qui est contraire à tous les traités internationaux. Et quand vous nous dites que l'opération à laquelle a participé Rima Hassan a été un échec, ce n'est pas le cas, puisqu'elle a permis de rappeler au monde entier que les violations du droit international sont journalières, notamment lorsque le bateau a été lui-même arrêté en eaux internationales, que son équipage a été kidnappé, puis détenu arbitrairement en Israël pendant plusieurs jours, avant qu'ils soient ensuite expulsés, chacun vers son pays. Donc, des bateaux continueront à partir, et beaucoup de gens l'ignorent, mais en 2010, plusieurs bateaux ont réussi à atteindre la bande de Gaza et, lorsqu'ils l'ont atteinte, non seulement ils ont pu délivrer de l'aide, mais ils ont été accueillis avec une grande émotion par des centaines de Palestiniens qui étaient au port. Nous espérons que la même chose va se passer. Je reçois, comme les autres membres de l'équipage, des dizaines de messages de Palestiniens qui nous disent qu'ils nous attendent sur les côtes. Notre but, c'est d'arriver, ce n'est pas d'intérioriser que nous allons être arrêtés par l'armée israélienne dans des zones internationales.

Est-ce que cette diplomatie parlementaire, on pourrait dire, puisque ça vous concerne, elle ne gêne pas aussi la diplomatie présidentielle qui revient au chef de l'État ?

Non, je pense qu'elle ne la gêne pas. Justement, je crois que notre action fait honneur à la France. D'ailleurs, un sondage est sorti sur le "Madleen", montrant qu'une majorité de Français soutenaient cette action menée par des militants pour la paix. La diplomatie française, aujourd'hui, elle est inaudible. Regardez, mardi, l'Union européenne a été incapable de suspendre l'accord commercial qu'elle a avec Israël, alors qu'en juin, un rapport de l'Union européenne montrait qu'Israël viole l'article 2 de cet accord d'association sur le respect des droits humains. Donc, la diplomatie française, depuis 21 mois, elle a été incapable de reconnaître l'État palestinien, elle a été incapable de décréter un embargo sur les armes, elle a été incapable de respecter correctement le statut de Rome et l'établissement de la Cour pénale internationale, puisque Netanyahou a survolé trois fois notre espace aérien, et que la diplomatie française a inventé une immunité en droit international qui n'existe pas, qui ne s'applique pas à Vladimir Poutine et qui ne devrait pas s'appliquer à Benjamin Netanyahou. Et donc, je crois que nous menons une action comme des syndicalistes peuvent le faire, vous savez, lorsque notre pays est incapable de décréter un embargo sur les armes et que plusieurs cargos ont été bloqués à Marseille et dans d'autres ports français par des syndicalistes, de la même manière que du transport d'armes a été bloqué à Roissy aussi. Lorsque la diplomatie d'un pays est défaillante, il faut que ce soient les citoyens et son peuple qui s'y substituent.

"Notre bateau s'appelle le 'Handala', du nom d'un dessin très célèbre en Palestine"

Qu'est-ce que vous transportez sur votre bateau et à combien de personnes cela pourrait bénéficier ?

Nous transportons l'équivalent de 800 kilos d'aide sur le bateau. C'est un petit chalutier, le Handala, qui est un tout petit peu plus grand que le Madleen, mais qui reste un bateau très modeste. Nous transportons des produits d'hygiène, nous transportons de la nourriture, nous transportons du lait infantile qui est bloqué, parce que le lait infantile est actuellement bloqué par Israël comme l'aide alimentaire. Nous transportons également des jouets pour les enfants, parce que notre mission s'adresse avant tout aux enfants de Gaza. C'est pour ça que l'aide qui est à bord serait avant tout destinée aux enfants. Notre bateau s'appelle le "Handala", du nom d'un dessin très célèbre en Palestine : un petit garçon qui est de dos, et qui se retournera que lorsque la Palestine sera libre. Le dessinateur qui a réalisé cet enfant a lui-même été assassiné. C'est pour cela que notre mission s'adresse aux enfants, et que le nom de notre bateau porte également un nom d'enfant.

L'Espagne a reconnu la Palestine, c'était il y a quelques mois maintenant, avec l'Irlande, la Norvège, un certain nombre de pays européens qui, ensemble, s'étaient réunis pour la reconnaître. La France a tenté de le faire, c'était en juin dernier. Elle a été, d'une certaine manière, soufflée, avec la guerre en Iran. D'abord, d'une part, êtes-vous en contact avec le ministère des Affaires étrangères pour savoir si cette affaire va être suivie ? Et d'autre part, est-ce que vous souhaitez la reconnaissance de la Palestine par la France le plus vite possible ? Et de quelle façon ?

Évidemment, je souhaite la reconnaissance de la Palestine depuis toujours. Ce débat existe depuis plus de 20 ans maintenant. D'ailleurs, François Hollande promettait aussi de reconnaître la Palestine en 2012, cela fait des années que plusieurs chefs d'État ont trahi cette promesse. Monsieur Macron aurait pu reconnaître la Palestine en juin, malgré l'attaque en Iran faite par Israël. Il ne l'a pas fait sous pression des États-Unis et d'Israël, parce que, depuis longtemps, nous sommes devenus les vassaux des États-Unis, et nous n'osons plus porter une diplomatie indépendante et non alignée. Monsieur Macron attend maintenant le Royaume-Uni pour reconnaître la Palestine, mais il n'a pas besoin d'attendre. Aujourd'hui, nous sommes isolés sur cette question-là, puisqu'il faut le rappeler, 148 États dans le monde, dont de nombreux États européens, reconnaissent déjà la Palestine, et ce sont les pays occidentaux qui sont les plus isolés sur cette question.

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