Sommet de l'Otan : "Aujourd'hui, l'Europe n'est pas prête pour la guerre, c'est donc difficile de faire porter la voix de la paix", pointe Roland Lescure, vice-président de l'Assemblée nationale
Invité des "4 Vérités" sur France 2, jeudi 26 juin, Roland Lescure, vice-président de l'Assemblée nationale et député EPR des Français en Amérique du Nord, revient sur l'issue de la guerre entre l'Iran et Israël et le rôle prépondérant des États-Unis. Il estime que l'Europe n'est pas assujettie aux décisions de Donald Trump.
L'Europe a-t-elle perdu sa place au sein de l'Otan ? Après l'intervention militaire et les manœuvres diplomatiques menées par Donald Trump en Iran, les États-Unis se sont présentés en leader au sommet de l'Otan, aux Pays-Bas, où les pays membres ont acté une augmentation de leur budget en termes de défense.
Le journaliste Jeff Wittenberg interroge, dans l'interview des "4 Vérités" ce jeudi 26 juin, Roland Lescure, le vice-président de l'Assemblée nationale et député Ensemble pour la République, sur l'avenir diplomatique de l'Hexagone, et de l'Union européenne, dans cette nouvelle conjoncture.
Ce texte correspond à la retranscription d'une partie de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.
Jeff Wittenberg : Bonjour Monsieur Lescure. C'est vous qui présidiez mercredi soir cette séance à l'Assemblée nationale qui a, elle aussi, été victime de la météo et de ces orages dont on a parlé, puisqu'il y a eu une fuite, même à l'Assemblée, qui a suspendu les débats. Plus de peur que de mal, on a donc une Assemblée qui n'est pas totalement étanche.
Roland Lescure : Oui, elle prend l'eau. Mais c'est évidemment plus anecdotique qu'autre chose. C'est ce qui arrive quand vous travaillez dans un bâtiment qui a plus de trois siècles. La réalité, c'est que les dégâts sont... énormes, notamment en dehors de Paris. D'ailleurs, j'ai échangé avec les équipes d'Enedis ce matin. Il y a encore des milliers de Français et de Françaises qui sont privés d'électricité. On sait qu'il y a un bilan très grave, au moins deux morts.
Pas de dégâts graves à l'Assemblée en tout cas ?
À l'Assemblée, non. Il y a un bâtiment qui va être fermé quelques jours pour des raisons de sécurité électrique. Mais en revanche, on a évidemment des phénomènes climatiques violents qui sont de plus en plus nombreux, qui sont de plus en plus fréquents. Donc quand j'entends ce qu'on appelle le "backlash environnemental", je me méfie. Soyons, je dirais, extrêmement déterminés à continuer à lutter contre le phénomène de réchauffement climatique, et les politiques environnementales, qui sont en plus de bonnes politiques économiques. Donc il ne faut pas opposer l'un à l'autre. Il faut les continuer parce que, très souvent, on nous rappelle à la réalité.
Sur le fond de ce débat qui avait lieu mercredi soir à l'Assemblée sur l'Iran, sur la guerre israélo-iranienne, chacun a défendu ses positions. Sans surprise, la gauche a condamné les interventions, les frappes israéliennes et américaines. La droite les a applaudies. Finalement, est-ce que ce débat a servi à quelque chose puisqu'il n'y avait pas de vote ?
Oui, moi je pense d'abord qu'il était très utile, car ça a permis au gouvernement d'informer l'Assemblée. Il a duré jusque très tard. On était encore sur les bancs à une heure du matin avec des ministres qui répondaient à toutes les interpellations. Il y a quelques nuances. Il y a, je pense, une extrême droite et une extrême gauche qui sont extrêmement campées sur des positions très fortes. Mais au sein des partis dits républicains, je pense qu'il y a des nuances. Globalement, on trouve un consensus autour du fait que la France doit porter la voix de la paix. Et elle ne doit pas le faire seule. Elle doit le faire dans une Europe qui doit s'exprimer de plus en plus fort.
"L'Europe est en train de se réveiller"
Mais est-ce que la France et l'Europe ne sont pas de simples spectatrices de ce qui se passe actuellement au Proche-Orient ; avec des acteurs qui sont aux États-Unis, évidemment les belligérants, et puis Donald Trump tout-puissant, et la France et l'Europe regardent ce qui se passe ?
Je ne suis pas d'accord avec vous, je dirais que l'Europe est en train de se réveiller, depuis des décennies.
Mais est-ce qu'elle agit ? Ce n'est pas elle qui fait les frappes, ni qui les empêche...
Ça fait des milliers d'années qu'on dit : "Si tu veux la paix, prépare la guerre". Aujourd'hui, l'Europe n'est pas prête pour la guerre. Et donc, c'est difficile de faire porter la voix de la paix. L'engagement d'hier, très fort des pays européens, en partie sous la pression américaine, il faut le reconnaître. Des pays, dont la France, plaidaient pour cela depuis longtemps. On va augmenter de manière extrêmement forte l'effort des dépenses militaires pour que, ce que le président de la République appelle le pilier européen de l'OTAN, soit un vrai pilier solide à côté du pilier américain. Ça fait que les États-Unis, à eux seuls, dépensent deux fois plus que l'Union européenne sur les dépenses militaires. Et ça, ça va changer. On va rééquilibrer les choses. Mais la raison pour laquelle l'Europe va être plus forte militairement, ce n'est pas pour faire la guerre, c'est pour, au contraire, peser davantage dans les discussions internationales.
Mais vous admettez que tout cela se fait quand même sous la pression du président américain, qu'il est aujourd'hui, je le répète, celui qui décide ; on a bien vu par exemple le secrétaire général de l'OTAN et les autres chefs d'État être très sympathiques avec lui, c'est le moins que l'on puisse dire. Est-ce que Donald Trump ne fait pas, en l'occurrence, la pluie et le beau temps aujourd'hui sur la météo mondiale ?
Les États-Unis ont toujours été le pilier majeur de l'OTAN. Ce qui est vrai, ce qui a changé, c'est le moins qu'on puisse dire, c'est la forme et la manière dont le président des États-Unis traite ses alliés, change d'avis régulièrement, avec un vocabulaire pour le moins fleuri.
Et personne ne lui répond vraiment, personne ne lui tient tête.
En fait, ce n'est pas tout à fait vrai. Le président de la République lui a répondu dans le Bureau ovale, le Premier ministre canadien lui a répondu aussi. Mais c'est vrai que, quand on a quelqu'un comme Donald Trump, on ne le traite pas tout à fait comme un leader comme les autres. Mais au fond, l'essentiel, quand même, c'est qu'il nous respecte. Ça commence. Moi, je l'ai vu en réunion avec le président de la République, je le répète, le Premier ministre canadien, le chancelier allemand...
Excusez-moi de vous couper, mais le chancelier allemand, par exemple, n'est pas d'accord avec le président français lorsqu'il dit qu'Israël a fait le sale boulot en Iran.
Avec l'Allemagne, on est d'accord sur l'essentiel. Il y a des nuances sur l'appréciation. Sur l'essentiel, l'Allemagne est en train de changer, de faire un virage à 180° après des décennies d'une politique dite pacifiste où, effectivement, le bouclier de l'Allemagne, c'était l'Amérique. On va investir des centaines de milliards d'euros, et notamment en Allemagne, pour renforcer la politique de défense européenne. On va construire des chars, j'espère un avion de chasse, ensemble avec l'Allemagne. Donc oui, il y a parfois des nuances sur l'appréciation de tel ou tel événement, et ce n'est pas un petit événement comme les attaques d'Israël sur l'Iran. Mais le droit international, tout le monde appelle à son respect en Europe, et on a une France et une Allemagne qui sont plus alignées que jamais.
Une dernière question sur Donald Trump. Est-ce sérieux lorsqu'on imagine qu'il pourrait obtenir le prix Nobel de la paix, vu tout ce qu'il réalise en ce moment ?
Je suis convaincu que ça fait des mois qu'il y pense. En fait, ça fait même des années. Il est un peu jaloux, Monsieur Trump. Et quand il a vu Barack Obama avoir le prix Nobel de la paix, c'était il y a plus de 15 ans, je pense que ça lui a donné des idées. Il a fait campagne sur : "Je serai le président de la paix". On ne peut pas dire que ce soit un grand succès aujourd'hui. Mais quand les États-Unis agissent avec un arsenal militaire extrêmement fort, ça a de l'impact. On verra ensuite. J'espère qu'on aura la paix, évidemment entre Israël et l'Iran, à Gaza. Il y a des horreurs qui se passent tous les jours. J'espère que les otages seront libérés. Et si les États-Unis font une partie du travail pour arriver à tout ça, je dirais merci, Monsieur Trump. Je suis prêt à le dire.
"Je vais continuer à travailler, y compris avec la gauche"
En France, François Bayrou va s'exprimer tout à l'heure à 17h. Qu'en attendez-vous ? Est-ce qu'il peut sortir de son chapeau le texte miracle qui fera oublier l'échec de la réforme des retraites, qui est aussi d'abord son échec, l'échec de sa méthode, en tout cas ?
Il n'y a pas de baguette magique sur les retraites et on voit bien que, malgré des partenaires sociaux qui étaient prêts à négocier, on a du mal à trouver des solutions. Je suis intimement persuadé qu'il y aura un débat sur les retraites en 2027, qu'il faut essayer de faire atterrir les choses dans les jours qui viennent. Il va être temps de passer à autre chose, et pas parce que ce n'est pas un sujet important, mais parce qu'on a un monde qui est en plein bouleversement, on a un budget à voter. Moi, j'espère que les partis dits républicains vont être responsables à l'occasion de ce budget. Il y aura un débat sur le financement des retraites, on l'aura en 2027. On va essayer de conclure et j'espère qu'on le fera, mais si on n'y arrive pas, il faudra passer à autre chose.
François Bayrou se retrouve dans la position de Michel Barnier, il dépend du bon vouloir du RN, qui dit que cette fois-ci il, ne votera pas la censure, mais qu'il se réserve pour le prochain budget. Finalement, est-ce qu'il n'y a pas aujourd'hui une crainte ? Est-ce que François Bayrou est sur la sellette en tant que Premier ministre ?
Évidemment, la stabilité du gouvernement reflète une Assemblée nationale complètement fracturée, qui, en passant, reflète aussi une France qui est divisée. Et donc, c'est difficile de gouverner aujourd'hui. Quand on voit qu'il y en a beaucoup qui surtout se focalisent sur la présidentielle. On a un nouveau candidat à la présidentielle tous les jours. Je trouve qu'on a un Premier ministre qui se focalise sur le budget, sur la capacité à gouverner, sur une volonté de faire avancer sur les retraites, c'est déjà pas mal. Évidemment, vous l'avez dit, à partir du moment où le Parti socialiste dit "maintenant, je ne soutiens plus le gouvernement, jamais, je vais censurer tous les jours", on a un problème. Moi, j'en appelle à la responsabilité de tout le monde, on a besoin d'avancer.
Qu'est-ce qu'il reste du socle commun entre votre parti, Ensemble pour la République, et la Droite Républicaine qui a voté, par exemple, sur les questions énergétiques avec le Rassemblement national ? Aujourd'hui, le parti d'Éric Ciotti, l'UDR, va proposer des textes qui seront peut-être en partie votés par la droite. Est-ce qu'il y a encore un socle commun ?
Éric Ciotti, en tout cas, sa stratégie est claire, c'est d'être le trait d'union entre la droite républicaine et l'extrême droite. Moi, je suis convaincu qu'il y a une alternative à ça. Et cette alternative, il faut la construire. Je vous confirme que ce n'est pas facile tous les jours, mais je vais continuer à travailler, y compris avec la gauche, d'ailleurs.
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