Qu'est-ce qu'un émir ? Un chef de groupe mais aussi un prince
Le terme «émir» (qui a donné «amiral» en français) est un terme très courant en terre d’islam. Il désigne aussi bien les chefs d’Etat du Golfe que les responsables de groupes salafistes comme Aqmi. L’éclairage de l’anthropologue Edouard Conte, directeur de recherches au CNRS *.
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Le terme arabe «émir», dérivé de «amara», qui signifie «ordonner», «commander», «intimer», désigne celui qui exerce un commandement, à savoir un gouverneur, prince ou membre d’une maison régnante, un chef militaire, local, de groupe ou de communauté, voire celui qui dirige un groupe de pèlerins vers La Mecque. Ce terme au large champ référentiel désigne aussi de manière honorifique ceux que l’on considère être des descendants du Prophète.
Il a été porté par tous les califes depuis Omar ibn al-Khattâb (579-644), le deuxième calife, jusqu’à la disparition du califat en 1924. Aussi a-t-il été adopté par des chefs d’entités politiques, souvent à caractère étatique, de l’Asie centrale jusqu’au Nord Nigéria et à la Mauritanie, les souverains des Émirats arabes unis portant toutefois le titre de cheikh.
«Le terme émir ne désigne pas une fonction proprement religieuse»
Le souverain saoudien, ‘Abdâllah, est un émir, car prince, fils d’‘Abd al-‘Azîz Âl Sa‘ûd (1876-1953), fondateur du troisième état saoudien (1), mais il est aussi mâlik, roi. En tant que tel, il est «protecteur des lieux saints», tandis que les rois du Maroc, considérés comme descendants du Prophète, ou chérifs, et portent le titre d’«amîr al-mu’minîn», c’est-à-dire «commandeur des croyants».
Ainsi, si le terme émir ne désigne pas une fonction proprement religieuse, les prérogatives ou devoirs de ceux qui l’exercent peuvent s’étendre au domaine de la foi. Inversement, le calife, successeur ou vicaire du Prophète, était investi d’un pouvoir temporel aussi bien que spirituel en tant que dirigeant de la umma ou communauté universelle des musulmans ; il était aussi bien «commandeur des croyants» que sultân, c’est-à-dire monarque exerçant une autorité suprême.
La légitimité d’un émir émane, du moins en théorie et à une échelle moindre, d’une communauté de musulmans définie territorialement ou généalogiquement. La qualité ou fonction d’émir, ainsi que le territoire sur lequel cette dernière s’exerce, est désignée par le terme imârah, ou émirat.
«Aucune règle de succession»
La fonction peut – ou peut ne pas – être héréditaire, car aucune règle de succession précise ne prévaut en pays d’Islam. Certes, divers potentats «laïcs» arrivés au pouvoir par des coups d’États, tels Hâfez al-Assad, Saddam Husayn ou Mu‘ammar al-Qaddâfi, cherchent, parfois avec succès, de transmettre un pouvoir illégitime à leur fils. Mais, plus généralement, tout descendant, frère, voire cousin, d’un monarque peut se réclamer du pouvoir, quitte à imposer cette prétention par la force, ainsi qu’atteste la fréquence des conflits dynastiques entre agnats (2) depuis le renversement des Ommeyades (661-750) par les Abbassides.
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Dans le contexte contemporain, usage politique est fait des notions connexes d’émirat et de califat par des groupes d’insurgés islamistes. Ainsi, les Talibans proclamèrent l’«émirat islamique d’Afghanistan» sous l’«amîr al-mu’minîn» Muhammad Umar (1996 à 2001), tandis qu’émergea au Pakistan un «émirat islamique du Waziristan» en 2006, ou qu’Abdelmalek Droukdel fut institué «émir» d’AQMI en 2007. L’objectif ultime ou affirmé de tels acteurs est le rétablissement du califat.
(1) L’Arabie saoudite moderne
(2) descendants d’une même souche masculine, NDLR
* Le texte a été relu par Edouard Conte. Le titre, les intertitres, le chapeau, les paragraphes, les liens et les notes sont de la rédaction de Géopolis
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