Mona Eltahawy, musulmane et féministe, pour une révolution sexuelle arabe
Après la frustration que l’écrasement des printemps arabes a générée, une nouvelle et insistante prise de parole est en train de prendre le relais par la voix des femmes. De nombreuses pionnières avaient déjà fait le choix de prendre la plume pour combattre l’oppression du deuxième sexe dans le monde arabe. L’égyptienne Mona Eltahawy appelle désormais à une révolution sexuelle au Moyen-Orient.
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Après les pionnières telles que l’Egyptienne Nawal el-Saadawi, la Marocaine Fatima Mernissi et les nombreuses Libanaises telles qu'Etel Adnane, Hanane el-Sheikh ou la guerrière Joumana Haddad, qui ont levé la plume pour défendre les droits des femmes dans le monde arabe, une voix venue d’Egypte ose franchir un nouveau palier dans le combat contre le machisme des sociétés arabes et musulmanes.
Le Moyen-Orient doit faire sa révolution sexuelle
Avec son livre Foulards et hymens – Pourquoi le Moyen-Orient doit faire sa révolution sexuelle, Mona Eltahawy entre de plain-pied dans la grande bataille pour la liberté des esprits et des corps. Née dans une famille de la moyenne bourgeoisie cairote, elle grandit en Angleterre où son père poursuivait sa spécialisation en médecine avant de se retrouver en Arabie Saoudite à l'âge de 15 ans.
Un an plus tard, elle porte le hijab «parce qu’on m’a dit que c’est ainsi qu’une bonne musulmane doit se comporter». Mais aussi pour se mettre à l’abri du regard agressif des hommes «comme toute adolescente», explique-t-elle dans un entretien accordé à Soir3. Mais elle prend également très rapidement conscience de la manière dont les femmes sont traitées dans le royaume et, dix ans plus tard, elle choisit de l’enlever.
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En novembre 2011 elle retourne au Caire pour prendre part à la contestation Place Tahrir. Elle est arrêtée rue Mohamed Mahmoud en compagnie d’un ami. Le jeune homme est battu, blessé et embarqué et elle se retrouve encerclée par des policiers qui vont lui casser un bras et une main à coups de bâtons. Dans un coin isolé, les services de sécurité vont même en profiter pour l’agresser sexuellement, «leurs mains étaient partout sur moi, sur ma poitrine, sur mon corps», précise-t-elle, avant de l’emmener chez leur supérieur qui, lui, la menacera de son pistolet.
La misogynie des sociétés arabes dénoncée de l’intérieur
Aujourd’hui, à 47 ans, les cheveux teints en rouge et les bras tatoués par défi, elle n’hésite pas à user de son corps comme d’une arme pour lutter contre la misogynie de ces sociétés. Pour elle, la révolution politique qui a permis de renverser Hosni Moubarak ne suffit pas. Elle prône ouvertement, et pour la première fois dans le monde arabe, une révolution sexuelle et sociale pour évincer, comme elle dit, «le Moubarak du harcèlement dans la rue, le Moubarak dans la chambre à coucher et le Moubarak dans la tête».
Le régime d’Abdel Fattah al-Sissi n’est pas mieux à ses yeux: «Personne n’est en sécurité, il y a 40.000 prisonniers politiques dans ses geôles, il n’y a pas de presse libre et l’espace des libertés s’est considérablement rétréci.»
Les violences d’Etat contre les femmes
Elle cite volontiers les «anciennes» comme Hoda Chaaraoui, Doria Chafiq ou Khadija Riyadi qui l’ont inspirée et sur «les épaules desquelles je me suis hissée», dit-elle. «Et je prête les miennes aux jeunes femmes d’aujourd’hui» pour combattre le harcèlement sexuel des femmes par les forces de l'ordre pour les dissuader de descendre dans la rue, rejeter les mutilations sexuelles et s’opposer aux violences conjugales autorisées par les institutions.
Pour 99% des femmes en Egypte, «c’est la descente dans l’enfer du harcèlement sitôt qu’elles sont dans des espaces publics». Protégée par sa deuxième nationalité (américaine), elle se bat pour qu’elles puissent enfin sortir de leur mutisme. «Ce n’est pas une honte de survivre à une agression sexuelle, leur dit-elle, la vraie honte c’est la violence sexuelle exercée par l’Etat à l’égard les femmes.»
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