Reportage "Une telle attitude, c'est de la duplicité" : 80 ans après le bombardement d'Hiroshima, des survivants déplorent la remilitarisation du Japon

Le concept de dissuasion nucléaire et le réarmement sont vécus comme une trahison par les "hibakusha", ces survivants des bombardements atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki, les 6 et 9 août 1945. Certains y voient même une allégeance aux Etats-Unis.

franceinfo - Karyn Nishimura

Radio France

Publié le 05/08/2025 12:24

Temps de lecture : 3min

Une personne regarde une photo de la ville d'Hiroshima dévastée par la bombe atomique, lors d'une exposition au musée du mémorial de la Paix de Hiroshima (Japon), le 5 août 2025. (FRANCK ROBICHON / MAXPPP)

Il y a 80 ans, les villes japonaises d'Hiroshima et de Nagasaki étaient intégralement détruites par deux bombes atomiques les 6 et 9 août 1945. Il reste au Japon 99 000 survivants, les "hibakusha", en moyenne âgés de plus de 86 ans. Ces victimes ne comprennent pas la position du gouvernement japonais, qui défend l’idée d’un réarmement et d’un renforcement de la dissuasion sous le parapluie nucléaire américain.

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Kunihiko Sakuma avait neuf mois quand la bombe atomique a été larguée sur Hiroshima, le 6 août 1945. Quatre-vingts ans après, il poursuit un objectif : "Le gouvernement japonais doit signer le traité onusien d’interdiction des armes nucléaires." Mais, abrité sous le parapluie nucléaire américain, censé le protéger face à la Chine, la Russie et la Corée du Nord, le Japon, tout en disant vouloir bannir les armes atomiques, refuse de participer à ce traité. Pour ne pas fâcher les Etats-Unis : "C’est une subordination. Une telle attitude, c’est de la duplicité".

Kunihiko Sakuma dans son bureau, devant ses archives, dont une carte de l’impact des radiations sur la ville de Hiroshima, en juin 2025, à Hiroshima (Japon). (KARYN NISHIMURA / RADIO FRANCE / FRANCEINFO)

Autre survivante irradiée, Sumiko Yamada déplore aussi cette allégeance de l’exécutif nippon aux Etats-Unis : "Sans même des excuses des Etats-Unis pour la bombe atomique, le gouvernement japonais leur obéit". Ces victimes de la bombe atomique reprochent au gouvernement de participer ainsi à la course au réarmement au lieu de dialoguer. "Comment créer une situation qui n’entraîne pas la guerre ? D’abord avec la diplomatie."

"Penser que l’on peut maintenir la paix par dissuasion grâce à la possession d’armes nucléaires ne tient pas debout."

Kunihiko Sakuma, survivant de l'attaque de Hiroshima
à franceinfo

Il n’y a pas que les victimes âgées qui donnent de la voix. Même si le maire de Hiroshima tente de faire taire les activistes les jours de commémorations, des jeunes comme Miho Tanaka, fondatrice de l'organisation militante Kakuwaka Hiroshima, est révoltée. "Les survivants, appelés 'hibakusha', ont lutté toute leur vie pour la suppression des armes nucléaires. Mais le gouvernement ne les écoute pas, au contraire, il agit en faveur des attentes des Etats-Unis, je trouve cela tellement lamentable, tacle-t-elle. La menace nucléaire continue de grandir, le Japon dit qu’il veut l’abandon total des armes nucléaires, mais ça, c’est la surface. Quand il s’agit d’engager une politique concrète en ce sens, un retrait s'opère, c’est vraiment décevant. On veut que le gouvernement signe le traité d’interdiction des armes nucléaires, c’est tout. C’est juste une décision politique qui, avec une réelle volonté, pourrait être prise tout de suite."

Le concept de dissuasion nucléaire et le débat naissant sur l’installation d’armements atomiques au Japon sont, pour les irradiés, une totale hérésie et une trahison.