Iran: les juifs, des citoyens comme les autres ?
Le nouveau président iranien, Mohamed Rohani, a condamné à l’ONU «tout crime contre l’humanité, y compris les crimes commis par les nazis envers les juifs». Une orientation nouvelle après les saillies négationnistes de son prédécesseur, Mahmoud Ahmadinejad. La communauté juive iranienne est l’une des plus importantes du Proche-Orient après Israël. Coup de projecteur sur une situation complexe.
Tout au long de son mandat (2005-2013), Mahmoud Ahmadinejad a multiplié les provocations antisémites et négationnistes. En 2006 a ainsi été organisée à Téhéran une conférence sur l’Holocauste au cours de laquelle il a qualifié de «mythe» le génocide des juifs. Mohamed Rohani prend donc le contre-pied de son prédécesseur. Pour venir à l’ONU, il avait ainsi emmené avec lui à New York le seul représentant juif au Majlis (Parlement iranien), Ciamak Morsadegh.
En septembre 2013, le nouveau président a aussi créé la surprise en souhaitant, via un tweet, une bonne fête de Roch Hachana à la communauté juive, suivi par le ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. «Nos concitoyens juifs sont une minorité reconnue en Iran», a expliqué le ministre dans des propos cités par le Tehran Times. «Nous n’avons jamais été contre les juifs. Nous nous opposons aux sionistes qui constituent un petit groupe», a-t-il ajouté.
Ces propos s’inscrivent dans le climat de détente entre l’Iran et l’Occident, apparue depuis le changement effectif de pouvoir à Téhéran en août 2013. Evolution illustrée par la conversation téléphonique, le 27 septembre, entre Mohamed Rohani et son homologue américain, Barack Obama, pour la première fois depuis 1979. Ce faisant, le régime islamiste n’a fait que réaffirmer la place de la communauté juive, reconnue comme minorité par la Constitution de 1979, au même titre que les chrétiens et les zoroastriens. A l’inverse des bahaïs, victimes de persécutions.
Estimée entre 80.000 et 100.000 personnes avant la révolution de 1979, la communauté juive compte aujourd’hui, selon les statistiques officielles, 8500 membres. Mais pour l’Association nationale des juifs d’Iran, leur nombre seraient plus important : ils seraient ainsi environ 10.000, certains préférant taire leur religion. Malgré le départ de la majorité d’entre eux depuis 1948 (création de l’Etat d’Israël), ils constitueraient, en dehors d’Israël, la plus importante communauté juive du Proche-Orient avec celle de Turquie. Ils se répartissent entre Téhéran, la capitale, Ispahan (centre) et Shiraz (sud).
Discriminations
Selon archéologues et historiens, les juifs sont installés dans le pays depuis la plus haute antiquité. Notamment depuis la libération, par le souverain perse Cyrus le Grand en 539 avant notre ère, des Hébreux prisonniers à Babylone. L’égalité des droits avec les autres citoyens iraniens est reconnue dans la Constitution de 1906. Pendant le régime du shah, l’Iran est étroitement lié à Israël. Une alliance remise en cause après l’instauration de la République islamique : à partir de 1979, la lutte contre l’Etat hébreu devient l’un des piliers de sa politique étrangère. Le nouveau régime va jusqu’à nier son droit à l’existence.
Dans ce contexte, les juifs peuvent vite devenir des suspects. En 1999, 13 d’entre eux, originaires de Shiraz, sont arrêtés pour espionnage au profit d’Israël et des Etats-Unis. Risquant la peine de mort, ils seront libérés quatre ans plus tard après le lancement d’une campagne internationale.
La situation de la communauté est donc tout sauf aisée. Les juifs «font toujours l’objet d’agressions antisémites», affirme France 24. Propos démentis par le président de l’Association nationale des juifs d’Iran, Homayoun Sameyah, cité par Le Monde : «En France (…), la communauté juive a eu beaucoup de problèmes. En Turquie, en Egypte, les synagogues sont régulièrement attaquées, incendiées. Dieu merci, en Iran, aucune minorité religieuse n’a eu ce genre de problème».
Une chose est sûre : les israélites sont victimes de discriminations. Il leur est ainsi impossible d’accéder à des responsabilités gouvernementales, à la haute fonction publique ou à des postes d’officiers dans l’armée. Pour cette raison, ils travaillent souvent dans le secteur privé.
Liberté de culte et «profil bas»
Dans le même temps, si l’on en croit les témoignages cités sur internet, les juifs d’Iran bénéficient de la liberté d’exercer leur culte. On trouve ainsi dix synagogues à Téhéran. «La communauté juive vit, travaille et pratique son culte dans une relative tranquillité», rapportait (en 2009) le journaliste du New York Times Robert Cohen.
«Les juifs d’Iran sont traités correctement. Ils ont une vie communautaire organisée et sont libres de pratiquer leurs rituels religieux et de vaquer à leurs affaires», constatait en 2007 le quotidien israélien Haaretz. Dans le cadre de leur pratique religieuse, ils peuvent même boire un peu de vin alors que celui-ci est officiellement banni dans le pays. Pendant le culte, les femmes sont même autorisées à se dévoiler. Mais comme le montre un reportage du Monde, celles-ci ne le font pas en présence de musulmans ou d’étrangers.
D’une manière générale, «les juifs d'Iran assurent être bien intégrés. Outre les synagogues, ils gèrent des écoles, une bibliothèque et un hôpital, en partie financé par des fonds publics, qui soigne en majorité les musulmans», rapporte une dépêche AFP datée du 25 septembre 2013.
Il n’en reste pas moins que la communauté doit faire «profil bas». Il lui est ainsi interdit de pratiquer son culte devant des audiences musulmanes.
Quelles relations avec Israël ?
Pour autant, le nœud du problème reste le lien avec Israël. «Lorsqu’on est juif en Iran, le plus dur est de subir la mauvaise compréhension du problème israélo-palestinien. Beaucoup de juifs iraniens souffrent d’animosités à leur égard à cause de cet amalgame», témoignait en 2012 l’un d’entre eux dans Le Point.
Dans ce contexte, les voyages en Israël sont interdits. Ils sont mêmes passibles de cinq ans de prison. Pour autant, «comme souvent en Orient, quand il s’agit de la sphère privée, la règle n’est pas vraiment respectée», selon l’article du Monde déjà cité. Il suffit de prendre deux avions, «en passant par une escale "alibi" comme la Turquie, et les douaniers israéliens apposent les cachets d’entrée et de sortie sur une feuille de passeport "volante"».
Au-delà, un juif iranien doit apprendre à pratiquer l’esquive et l’art de la dialectique… Par exemple sur l’Holocauste. En témoigne ce fidèle dont les propos ont été recueillis par Le Monde lors d’une fête religieuse. Interrogé sur ce très délicat sujet, celui-ci «balbutie, tétanisé : "Nous n’avons pas beaucoup d’informations sur l’Holocauste. Cet évènement s’est apparemment passé pendant la deuxième guerre mondiale. Comme nous étions en Iran, loin du conflit mondial, et que l’Iran était un pays neutre, nous ne pouvons pas savoir ce qui s’est passé en Allemagne"»…
Il n’est donc pas forcément facile d’être juif dans la République islamique. Le climat nouveau engendré par les propos de Mohamed Rohani est-il alors susceptible de faire évoluer la situation d’une communauté séculaire ? «La réalité de la civilité iranienne à l’égard des juifs en dit plus sur l’Iran, sa civilisation et sa culture, que toute la rhétorique enflammée» de l’ère Ahmadinejad, ose croire le journaliste américain Roger Cohen. Même s’il est encore trop tôt pour le dire, une page est peut-être en train de se tourner.
Etre juif en Iran
Radio Canada, 30-7-2010
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