Gardiens de la révolution : "On parle peu des véritables maîtres de l'Iran", explique Armin Arefi, grand reporter et coréalisateur d’un documentaire sur le sujet

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Article rédigé par franceinfo - Propors recueillis par Lucie Chaumette - Édité par l'agence 6médias
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Invité du "11/13" de franceinfo le mardi 1er juillet, Armin Arefi, grand reporter pour Le Point, spécialiste des questions internationales au Proche et Moyen-Orient, est le coréalisateur avec Julie Lerat du documentaire intitulé "Les Gardiens de la révolution : maître de l’Iran" diffusé ce soir à 21h sur Arte. Au micro de Lucie Chaumette, il évoque les choix qui les ont poussés à choisir d’aborder cette question dans un véritable film à portée informative, inédit et unique en son genre.

Ce texte correspond à la retranscription d'une partie de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.


Lucie Chaumette : C'est la toute première fois qu'un documentaire aborde la question des Gardiens de la révolution islamique en Iran. Pourquoi avez-vous fait ce choix ? Pourquoi travailler sur eux ?

Armin Arefi : Tout simplement parce qu'on parle beaucoup de l'Iran des mollahs, des ayatollahs, de la jeunesse, des femmes, mais peu des véritables maîtres de ce pays, maîtres de la République islamique, à savoir le corps des Gardiens de la révolution islamique. Lorsque nous avons des otages français qui sont arrêtés arbitrairement en Iran, comme Jacques Paris et Cécile Kohler depuis trois ans, ce sont bien les Gardiens de la révolution qui sont derrière. Lorsque des missiles sont envoyés en direction d'Israël, comme c'est arrivé au cours de l'année dernière, et encore lors de cette guerre, ce sont les Gardiens de la révolution qui sont derrière ce programme de missiles balistiques.

Mais agissent-ils seuls ? Ou agissent-ils sur les ordres de l'Ayatollah, par exemple ?

Ils agissent justement sur ordre et avec la couverture de l'Ayatollah Ali Khamenei, le véritable chef de l'État iranien, mais c'est son bras armé. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si le fondateur de la République islamique, l'Ayatollah Khomeini, en 1979, s'est entouré de ces Gardiens de la révolution, qui étaient au départ des volontaires islamistes, et pas sauvegarder les frontières du pays. Ce rôle revenait à l'armée iranienne et à l'armée impériale du Shah, sauf qu'il n'avait pas confiance en cette armée impériale.

Il a donc créé ce corps des Gardiens de la révolution qui ont joué un rôle de premier ordre dans la défense du régime et du pays lors de la guerre Iran-Irak, mais également dans la répression de la moindre manifestation et de la moindre dissension. Ce sont eux qui sont quand même sinistrement connus en Iran comme étant les responsables de la répression gouvernementale, y compris celle qui s'est abattue sur les femmes durant le mouvement Femme, Vie, Liberté.

Un documentaire en immersion

Ce qui est intéressant, c'est que justement vous parlez de leur histoire à eux, en passant par l'histoire personnelle, soit de certains qui ont aidé à la création de ce mouvement, soit aussi de celles et ceux qui ont vécu dans leur chair la répression des Gardiens de la révolution. Pourquoi ce choix-là ? Qu'est-ce que ça apporte ?

Pour que ce soit tout d'abord beaucoup plus accessible. On a vu des images historiques des Gardiens de la révolution, de la raison de leur création, mais on ne voulait pas, avec Julie Lerat, la réalisatrice du film, faire un énième documentaire historique qui soit ennuyeux, notamment pour les plus jeunes des téléspectateurs. Ce qu'on voulait, c'était de vivre les Gardiens de la révolution comme les vivent les Iraniens au quotidien et de raconter ce corps des Gardiens de la révolution à travers les personnes françaises, iraniennes, américaines, israéliennes et des gardiens de la Révolution qui ont eu affaire un jour à ce tentacule qu’est le corps des Gardiens de la révolution islamique et qui a vu son destin basculer.

C'est pour cela que nous avons voulu vraiment raconter ce documentaire comme un film d'espionnage. D'ailleurs, c'est également ce que sont les Gardiens de la révolution aujourd'hui. Ils ont en Iran une armée terrestre, une armée navale, une armée aérospatiale, mais également des services de renseignement et même une branche d'élite, la force Al-Qods, celle qui est active et qui est derrière la création du Hezbollah, le soutien au Hamas, le soutien à Bachar el-Assad lorsqu'il était encore sur place, ou aux rebelles yéménites Houthis.

Une organisation infiltrée par le Mossad

On a beaucoup parlé ces derniers jours évidemment de la guerre entre Israël et l'Iran, de ces 12 jours de guerre avec des cibles très précises, des personnalités ou alors les Gardiens de la révolution eux-mêmes qui ont été ciblés par Israël. Ils ont été touchés, est-ce que pour autant ils ont été vaincus, ces Gardiens de la révolution ?

C'est cela qui est très intéressant. Les premières personnalités militaires qui ont été visées, qui ont été décapitées, assassinées par Israël, ce sont bien les Gardiens de la révolution, le commandement militaire de cette organisation. Donc cela a été un terrible coup, une humiliation pour une organisation qui existe depuis maintenant 45 ans, qui est née en même temps que la République islamique a été visée, et même infiltrée par le Mossad, qui sait exactement où se trouve le moindre Gardien de la révolution. Ce qu’il faut également rappeler, c’est que ce n’est pas uniquement une poignée de personnes qui dirigent les Gardiens de la révolution qui entraîne ou non la disparition de ce corps armé. Ce sont 198 000 individus qui restent aujourd’hui une armée extrêmement puissante, l’armée la plus puissante en Iran, bien plus puissante que l’armée régulière, et qui auront un rôle à jouer dans l’avenir du régime, quel qu’il soit.

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