A Aberdeen, en Ecosse : "Il y a mille raisons pour notre indépendance"
Les Ecossais votent, jeudi, pour décider de leur indépendance ou du maintien de leur nation au sein du Royaume-Uni. Reportage avec des indépendantistes dans la troisième ville de la région.
Il tire sur sa première cigarette de la journée, devant son camping-car, en plein cœur d'Aberdeen. A trois jours du référendum sur l'indépendance de l'Ecosse, ce lundi 15 septembre, Dougie MacLean annonce la couleur sur son véhicule, couvert d'affiches pour le "oui" à une Ecosse souveraine. "Cela fait plus de quarante ans que je suis indépendantiste, le moment est venu", clame le chanteur, qui vient de fêter ses 60 ans.
Quelques heures plus tôt, Dougie MacLean était sur la scène du Music Hall de la ville, où il a notamment interprété son plus grand tube, Caledonia. Une chanson d'amour dédiée à l'Ecosse, diffusée depuis des décennies dans tous les pubs de la région. "J'ai écrit cette chanson en vacances sur une plage de Paimpol, en Bretagne, quand j'avais une vingtaine d'années, raconte-t-il. Cela s'est fait en dix minutes, un jour où j'avais le mal du pays. C'est devenu une sorte d'hymne écossais", défiant le seul hymne officiel, le britannique God Save the Queen.
"Il y a un déficit démocratique à Westminster"
A la sortie du concert, dimanche, un groupe de femmes militant pour l'indépendance lui a demandé de venir chanter son célèbre morceau, le lendemain, dans la rue. Rendez-vous a été pris devant le magasin Marks & Spencer sur Union Street, l'une des artères commerçantes de la troisième ville écossaise (220 000 habitants). Entre-temps, la pluie s'est invitée au spectacle, mais il en faut visiblement plus pour décourager un Ecossais venu voir Dougie MacLean.
"Cet homme est l'une des plus grandes légendes écossaises", interrompt Chris Wood, 30 ans, jusqu'alors lancé dans une discussion où il disait être "sûr à 100% que l'Ecosse irait mieux avec l'indépendance, après des années à être saignée par Westminster". Le concert que cet employé d'une entreprise pétrolière attendait est sur le point de commencer : fini les bavardages. Chris Wood enlève sa capuche et s'enroule dans un drapeau écossais, presque religieusement.
Pendant près d'un quart d'heure, la soixantaine de spectateurs reprend en boucle le refrain de Caledonia. "Cette chanson me donne envie de pleurer", confie Cryle Shand, un ancien fermier de 60 ans, devenu conseiller local dans la région d'Aberdeen. Tout en tenant trois drapeaux écossais, il essuie la buée de ses lunettes et chasse les larmes qui seraient venues se joindre aux gouttes de pluie. Cet élu du Parti national écossais (SNP) votera "oui" à l'indépendance, jeudi, "parce qu'il y a un déficit démocratique à Westminster [le Parlement britannique, à Londres], où seuls les intérêts du sud de l'Angleterre comptent", estime-t-il.
"Il y a mille raisons pour l'indépendance, mais j'en reviens toujours à cette déception à l'égard du gouvernement et du Parlement à Londres, qui sont si loin de nous, abonde Simon Gall, 29 ans, qui s'est marié quelques minutes plus tôt et a tenu à rejoindre l'événement avec sa femme vêtue d'une robe blanche. Tous les partis représentés à Westminster vont dans la même direction néolibérale. Il n'y a pas de vraie gauche, alors que les Ecossais en veulent une."
"L'Ecosse doit arrêter de se plaindre de Londres"
Surnommée la "capitale européenne du pétrole", Aberdeen est un port pétrolier qui dessert de nombreuses plateformes de la mer du Nord. Plus cosmopolite que le reste de l'Ecosse, cette ville connaît l'un des taux de chômage les plus bas du Royaume-Uni, avoisinant les 2%. Les indépendantistes misent beaucoup sur les taxes imposées aux compagnies pétrolières pour financer les premiers pas d'une Ecosse indépendante.
Comme de nombreux habitants d'Aberdeen, Gillian Martin, 45 ans, vit en partie grâce au secteur des hydrocarbures. Spécialisée dans la production vidéo, notamment pour des clips d'entreprises, elle a attendu la semaine du référendum pour prendre ses vacances d'été. Elle croit en l'avenir d'une Ecosse souveraine. "Nous sommes déjà un pays, nous agissons comme un pays", affirme cette bénévole du mouvement Les femmes pour l'indépendance.
"Nous avons déjà notre propre système de santé, d'éducation, de justice et nos institutions, avec le Parlement et le gouvernement écossais, poursuit Gillian Martin. Il s'agit à présent de récupérer les pouvoirs qui nous manquent. Et l'Ecosse pourra enfin arrêter de se plaindre de Westminster et assumer ses responsabilités."
Avant de retourner à son stand, où quelques électeurs indécis attendent peut-être d'être convaincus, Gillian Martin en revient à la chanson Caledonia. "Je rêve qu'elle devienne notre hymne national, dit-elle. Il n'y est pas question de guerre ou d'histoire comme dans d'autres hymnes, mais d'un retour à la maison, par amour. Cela ferait un bel hymne, non ?"
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