Paul Hubert: pour comprendre la QE (quantitative easing) de la BCE
La BCE devrait se lancer dans la politique monétaire non conventionnelle. En décidant un programme d’assouplissement quantitatif (QE, quantitative easing en anglais), la banque centrale européenne enverrait un message anti-déflation aux Etats et aux marchés. Paul Hubert, chargé d’études à l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), nous explique l’intérêt d’une telle politique.
Il s’agit de créer de la monnaie pour acheter des titres souverains, à savoir des emprunts d’Etat. Ce genre de politique se décide quand la politique traditionnelle des banques centrales -agir sur les taux directeurs- ne fonctionne plus.
Pour mener une telle politique, la Banque centrale européenne a deux possibilités : soit elle achète ces titres directement aux Etats, lors de leur émission; soit elle les achète sur les marchés financiers. Dans les deux cas l’effet n’est pas le même. En achetant les titres sur les marchés, l’argent reste sur les marchés financiers et les effets sur l’économie réelle dépendent donc de ce que les banques et fonds d’investissement font de ces liquidités.
Si les titres sont achetés directement aux Etats, l’Etat en question doit voir baisser ses taux d’emprunts et peut donc économiser sur le coût de financement de sa dette. L’argent dégagé peut alors servir à alimenter l’économie réelle, par des investissements notamment.
Le deuxième effet d’une telle politique est l’effet « signal ». Cet effet dépend beaucoup de la taille de l’opération (on parle d’une opération allant de 500 à 1000 milliards d’euros). Cet effet consiste à persuader les marchés que tout est fait pour lutter contre la déflation et en faveur de la relance.
A court terme, le principal effet est d’agir sur la confiance des investisseurs et de convaincre les acteurs économiques de la volonté de lutter contre la déflation. Le deuxième effet est une baisse des taux d’intérêts et donc des coûts de financement, et, dans un troisième temps, il s’agit d’un soutien à la croissance et aux prix.
Pour que cette politique fonctionne, il faut que les Etats européens relâchent leur politique d’austérité. On peut faire le parallèle avec l’argent déversé par la BCE sur les banques qui n’a pas servi finalement à octroyer des crédits aux ménages et entreprises et donc à soutenir l’économie réelle. Si les gouvernements ne peuvent pas utiliser les fruits de cette politique monétaire -la baisse des taux d’intérêts et donc de la charge de la dette dans leur budget- pour l’utiliser dans l’économie réelle, cette politique non conventionnelle pourrait ne pas fonctionner. Cet argent bon marché octroyé aux Etats doit être réinvesti. Pour cela, il faut relâcher les contraintes d’austérité.
On ne sait pas encore quelles seront les modalités de cette QE. Mais, il serait assez inutile que la BCE achète de la dette allemande ou même française, ces deux pays connaissant déjà des taux extrêmement bas. En revanche, elle devrait acheter des titres des pays du Sud, qui pourraient ainsi se financer plus facilement.
La BCE devra aussi décider des modalités de financement de cette opération. Sera-t-il à la charge des banques centrales nationales, sera-t-il mutualisé par la BCE ?
Quels seraient les risques d’une telle politique ?
Les principales risques de ce genre de politique est celui de l’inflation. Mais ce risque n’existe pas dans la situation actuelle. La croissance est très faible, le chômage élevé. Ajoutez à cela que le prix des matières premières baisse, on est loin d’un risque inflationniste.
On peut évoquer aussi des risques de bulles, si l’argent ne circule pas, si les sommes injectés sont investis sur les marchés financiers. Mais si la BCE achète les titres souverains directement auprès des gouvernements, ce risque n’existe pas.
Troisième conséquence, cette politique devrait entraîner une pression à la baisse de l’euro, qui pourraient entraîner des réactions d’autres pays.
D’autres pays ont mené des politiques monétaires non conventionnelles. Difficile de juger de l’efficacité des QE menés par le Royaume Uni, les USA (où le bilan de la Fed a augmenté d’environ 3,5 mille milliards de dollars entre 2008 et 2014) mais il est certain que sans ces politiques, leurs situations seraient plus mauvaises.
L’exemple du Japon le montre. Pour être intervenu trop tard, quand la déflation était déjà installée, le pays a connu une décennie de stagnation. Espérons que l’Europe a retenu la leçon.
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