"C'est dangereux ! Revenez en sécurité !" : des gendarmes filmés en train de taillader un bateau de migrants près de Boulogne-sur-Mer
Si ces méthodes ne sont pas nouvelles, elles font débat tant en France qu'au Royaume-Uni, où plus de 20 000 personnes sont déjà arrivées clandestinement cette année à bord de petites embarcations.
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Devant les caméras de la BBC, des gendarmes français interviennent en force pour empêcher des migrants d'embarquer sur un canot pneumatique en direction du Royaume-Uni. Selon le journaliste britannique Andrew Harding, l'opération a eu lieu sur la plage d'Ecault (Pas-de-Calais), à quelques kilomètres au sud de Boulogne-sur-Mer, dans une zone très fréquentée par les passeurs et les migrants en quête d'un moyen de traverser la Manche. Si les images ne sont pas datées, cette intervention a eu lieu vendredi 4 juillet, soit le même jour que la diffusion du reportage, a appris franceinfo de sources concordantes.
Depuis le début de l'année 2025, plus de 20 000 personnes ont gagné les côtes anglaises sur des embarcations de fortune, selon les données des autorités britanniques. Ce périple est extrêmement risqué, car il a lieu dans un détroit très fréquenté et sur des canots de plus en plus chargés.
Un bateau lacéré et sorti de l'eau
Les pieds dans l'eau, l'équipe de la BBC assiste d'abord à une scène chaotique, où des dizaines d'hommes et de femmes tentent de grimper à bord d'une embarcation déjà pleine. Peu de temps après, des gendarmes arrivent en buggy sur la plage et décident d'intervenir. A la différence de certains policiers, photographiés en tenue anti-émeute (boucliers et casques lourds) dans l'eau lors d'une intervention similaire mi-juin, les gendarmes retirent leur gilet pare-balle avant de se ruer dans l'eau pour empêcher le départ du canot. "C'est dangereux ! Revenez en sécurité !", crie l'un des militaires dans un mélange de français et d'anglais, alors qu'un de ses collègues tranche le boudin une première fois à l'aide d'un couteau.
A mesure que le canot s'affaisse, les personnes à bord descendent dans l'eau qui leur arrive au niveau des cuisses. "Pourquoi ? Pourquoi ?", crient certains migrants, visiblement excédés. Tous ne sont pas équipés de gilets de sauvetage. Au moins deux femmes sont visibles au milieu du groupe d'hommes, qui finissent par repartir vers les dunes. Revenus sur la plage, les gendarmes tailladent l'embarcation à plusieurs endroits avant de la sortir de l'eau.
Interrogé par des journalistes, le ministère de l'Intérieur a assuré lundi faire "confiance au préfet et aux forces de sécurité intérieure" déployées sur cette opération. "Les gendarmes sont intervenus pour porter secours à un bateau en détresse, à quelques dizaines de mètres de la plage. Le bateau, surchargé, s'enfonçait, et des migrants tentaient de monter à l'arrière au risque d'être happés par l'hélice. Les gendarmes, avec de l'eau jusqu'aux genoux, sont intervenus pour sauver les personnes en péril, tirer le bateau jusqu'à la plage et le neutraliser", a justifié le ministère.
Des méthodes "vues fréquemment ces dernières années"
Depuis 2022 et la montée en flèche du nombre de tentatives de traversée clandestine de la Manche vers le Royaume-Uni, les forces de l'ordre peinent à enrayer ce phénomène. Avec environ 150 km de littoral entre Dunkerque (Nord) et Le Touquet (Pas-de-Calais), la zone à surveiller est immense. "Les passeurs adaptent sans cesse leurs techniques et trouvent toujours un endroit d'où partir", expliquait fin juin à franceinfo la préfecture maritime (Prémar) de la Manche et la mer du Nord. Dans la majeure partie des cas, les groupes de migrants poussent le canot fraîchement gonflé et motorisé vers la mer, avant de prendre le large, le plus souvent à l'aube. "On sait désormais que certains se font emmener par des bateaux venus d'un peu plus loin, qui viennent les chercher directement dans l'eau", ajoutait la Prémar.
Cette pratique, surnommée "taxi boat" ("bateau taxi" en anglais) outre-Manche, peut avoir plus de chance de réussite car les policiers et gendarmes français sont moins enclins à intervenir dans la "zone grise" de la côte, là où la mer est peu profonde. Ce qui n'empêche pas les forces de l'ordre de se mouiller régulièrement. Les coups de canif ou de cutter dans les boudins, "c'est quelque chose que l'on voit fréquemment ces dernières années et qui a été documenté par de nombreux photographes de presse", rappelle Charlotte Kwantes, de l'association Utopia 56, qui apporte une aide humanitaire aux migrants de la région. Les interceptions de petits bateaux vont parfois plus loin, avec l'usage de canots semi-rigides et de gaz lacrymogène en pleine mer, comme l'a révélé Le Monde dans une enquête en mars 2024.
Malgré les risques de chute, de naufrage et de noyade, les autorités françaises font peu à peu évoluer leurs techniques d'intervention, comme le réclame avec insistance le Royaume-Uni depuis plusieurs années. En février, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, s'est dit favorable à l'interception des taxi boats jusqu'à 300 mètres des côtes. Pour faire bouger la doctrine française, une mission interministérielle a été confiée au secrétariat général de la mer (SGMer), qui dépend du Premier ministre, avec des "orientations attendues dès le milieu de l'été", a appris fin juin franceinfo auprès du gouvernement.
Macron en visite d'Etat mardi
Vendredi, jour de diffusion du reportage de la BBC, Londres s'est félicité d'un "durcissement" des méthodes côté français. Pour le gouvernement de Keir Starmer, l'immigration illégale est un sujet prioritaire et devrait occuper une place centrale lors de la visite d'Etat d'Emmanuel Macron au Royaume-Uni à partir de mardi. Afin de juguler les traversées clandestines, le pays verse chaque année plus de 180 millions d'euros à la France, essentiellement pour financer les efforts sécuritaires.
Pour Charlotte Kwantes, ces scènes "ahurissantes" ne sont pas dues au hasard. "Une dame qui était sur ce bateau nous a dit que les gendarmes les avaient ouvertement laissés embarquer, avant de revenir pour faire des images avec la BBC", accuse-t-elle, faisant valoir qu'en l'espace de cinq jours, du 30 juin au 4 juillet, "plus de 2 000 personnes sont arrivées de cette façon au Royaume-Uni". Plus précisément, 2 014 migrants, selon les chiffres du gouvernement britannique.
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