Un professionnel "aguerri" victime "d'une attaque de drones russes" : ce que l'on sait de la mort du photojournaliste Antoni Lallican en Ukraine

Selon l'ONG Reporters sans frontières, le photojournaliste de 37 ans faisait partie d'un groupe qui accompagnait une brigade blindée ukrainienne. Plusieurs ONG demandent une "enquête rapide" sur cette attaque.

Article rédigé par Thibaud Le Meneec - avec AFP
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Le photojournaliste Antoni Lallican parle de son travail en Ukraine lors du festival Solidays, en 2022. (YOUTUBE / SOLIDAYS)
Le photojournaliste Antoni Lallican parle de son travail en Ukraine lors du festival Solidays, en 2022. (YOUTUBE / SOLIDAYS)

"C'est la première fois qu'un journaliste est tué par un drone en Ukraine", selon les Fédérations européenne et internationale des journalistes (FEJ-FIJ). Le Français Antoni Lallican, qui collaborait régulièrement pour Mediapart, est mort vendredi 3 octobre dans la région du Donbass, alors qu'il était en reportage auprès des forces ukrainiennes.

L'ONG Reporters sans frontières (RSF) a demandé une "enquête rapide" "en lien avec le parquet français" pour faire la lumière sur les circonstances de la mort de ce photojournaliste de 37 ans, le 22e à trouver la mort depuis le début du conflit, en février 2022. Franceinfo revient sur ce drame, qui provoque la colère de Paris et Kiev.

Une "attaque de drones russes" dans un village du Donbass

Antoni Lallican a été tué vendredi matin dans la région du Donbass, dans l'est de l'Ukraine, "par un drone russe près de Droujkivka, malgré l'inscription PRESSE sur son gilet", a assuré le ministre des Affaires étrangères ukrainien, Andriï Sybiga. "La Russie continue de délibérément cibler les journalistes (...). Nous ferons tout pour que les responsables répondent de leurs actes", a-t-il ajouté. Le journaliste ukrainien Georguiï Ivantchenko a également été blessé lors de cette attaque.

Selon les autorités ukrainiennes, Antoni Lallican faisait partie d'un groupe de journalistes qui accompagnaient une unité de la 4e brigade blindée ukrainienne. Il "a été tué à la suite d'une frappe ciblée d'un drone FPV (First Person View) ennemi", a écrit cette brigade sur Facebook. Les deux journalistes circulaient "dans une voiture identifiée presse quand ils ont été atteints", d'après RSF.

Le photojournaliste a été "victime d'une attaque de drones russes", a également confirmé Emmanuel Macron sur X, en adressant ses "condoléances émues à sa famille, à ses proches, ainsi qu'à tous ses confrères qui, au péril de leur vie, nous informent et témoignent de la réalité de la guerre".

Plusieurs ONG réclament une "enquête rapide" sur cette attaque

Dans un communiqué, vendredi soir, RSF a appelé "à une enquête rapide et indépendante pour faire toute la lumière sur les circonstances de cette frappe ciblée de drone". L'organisation rappelle que "les journalistes doivent bénéficier d’une protection renforcée en zone de guerre et que les Etats comme les forces armées doivent respecter strictement le droit international humanitaire". De même, les FEJ-FIJ, ainsi que le Syndicat national des journalistes (SNJ), "condamnent ce crime de guerre et appellent les autorités à ouvrir une enquête afin d'identifier les responsables".

Un photojournaliste "extrêmement rigoureux", habitué des terrains de guerre

Pharmacien de formation, avant une reconversion dans le photojournalisme à l'âge de 30 ans, Antoni Lallican travaillait pour plusieurs médias français (Le Monde, Le Figaro, Libération, Paris Match...) et étrangers (Der Spiegel, Die Welt, Le Temps...). La rédaction de Mediapart, avec laquelle il collaborait également, a rendu hommage à "un photographe formidable et un excellent collègue".

Il était employé depuis 2018 par l'agence de photographie Hans Lucas, mais pas pour cette mission, d'après son président, Wilfrid Estève. "C'était quelqu'un qui était extrêmement rigoureux, précautionneux, aguerri. C'était vraiment quelqu'un qui était solide", selon ses mots sur France Inter, samedi matin. Dès mars 2022, "il documentait le siège de Kiev et n'a cessé, depuis, de témoigner de la réalité de la guerre et de ses conséquences sur les populations civiles. Comme nombre de ses collègues, il était détenteur d'une carte de presse ukrainienne", a souligné l'agence Hans Lucas sur Instagram.

"En janvier, il a remporté le prix Victor-Hugo 2024 de la photographie engagée pour son reportage saisissant 'Soudain, le ciel s'est assombri'" sur l'Ukraine", ont souligné dans un communiqué les fédérations FEJ-FIJ et le SNJ. Attaché aux "problématiques sociales et sociétales des zones de conflit", selon ces organisations, le trentenaire, basé à Paris, s'était aussi rendu cette année en Syrie, et auparavant au Liban, en Haïti, en Israël ou encore dans les territoires palestiniens. "C'était son truc, il était toujours dans des coins un peu particuliers", ont témoigné ses parents, samedi.

Au moins 14 journalistes tués en Ukraine depuis 2022

Le nombre des journalistes tués en Ukraine depuis le début de la guerre, en février 2022, varie en fonction des sources. Selon l'Unesco, 22 journalistes ont péri dans l'exercice de leur métier, 17 d'après le SNJ et les fédérations FEJ-FIJ.

Les autorités ukrainiennes ont donné des chiffres variables. "La mort d'Antoni Lallican porte à 14 le nombre des reporters tués depuis l'invasion russe à grande échelle de l'Ukraine en 2022, dont quatre avaient la nationalité française", a pour sa part relevé RSF. Parmi eux, d'autres Français : Frédéric Leclerc-ImhoffArman Soldin et Pierre Zakrzewski.

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