Relations russo-américaines : "C'est un renversement de l'état du monde depuis 1945", analyse l'ex-ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian

"Toutes les piques qui ont été envoyées s'adressent uniquement aux amis historiques des États-Unis", observe l'ancien chef de la diplomatie française.

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Jean-Yves Le Drian, ex-ministre des Affaires étrangères, le 19 février 2025 sur franceinfo. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Jean-Yves Le Drian, ex-ministre des Affaires étrangères, le 19 février 2025 sur franceinfo. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"On est en train d'assister à une espèce de quitus donné par les États-Unis à l'agression russe en Ukraine", constate mercredi 19 février sur franceinfo Jean-Yves Le Drian, ex-ministre des Affaires étrangères sous Édouard Philippe et nommé envoyé personnel pour le Liban par Emmanuel Macron en 2023. "C'est un renversement de l'état du monde depuis 1945", estime-t-il.

"Tout se présente comme si nous étions dans une espèce de renversement d'alliance", avance l'ancien socialiste. "Nous n'y sommes pas encore, mais je remarque que depuis que le président Trump est arrivé aux responsabilités, toutes les piques qui ont été envoyées s'adressent uniquement aux amis historiques des États-Unis, que ce soit le Canada, que ce soit le Danemark, que ce soit la Grande-Bretagne, que ce soit l'Allemagne", énumère-t-il.

Depuis son élection, Donald Trump a déclaré que le Groenland ou le Canada, devraient être des États américains, et engage des négociations directes avec Vladimir Poutine sur l'Ukraine, sans impliquer les Européens. De son côté, le vice-président américain J.D. Vance a tenu, vendredi dernier à Munich, des propos hostiles au Vieux continent.

"La loi du plus fort"

Jean-Yves Le Drian juge la situation "très inquiétante". "On est en train d'assister à la reconstitution de grandes zones d'influence dans le monde. Le président Trump considère que la partie américaine, c'est chez lui, d'où le Canada et le Golfe d'Amérique à la place du Golfe du Mexique, tout cela c'est le continent américain qui revient au XIXe siècle, et puis de l'autre côté, les Russes", à qui Donald Trump donne un blanc-seing : "Vous faites ce que vous voulez dans votre zone, on vous laisse faire, c'est la loi du plus fort", résume Jean-Yves Le Drian. "Tout se passe comme si on justifiait les opérations menées par Poutine contre la sécurité européenne", et selon lui, "il y a un accord complet entre le président Trump et Poutine pour faire en sorte que l'agression russe à l'égard de l'Ukraine soit reconnue et qu'on passe à autre chose".

Une situation qui doit être "une préoccupation lourde pour nous, Européens, et pour les Français en particulier, parce que c'est notre sécurité qui est mise en cause, donc il faut qu'on se réveille", enjoint l'ancien ministre. "C'est le moment pour les Européens d'affirmer leur force dans l'Alliance atlantique, parce que c'est leur propre sécurité qui est en jeu, c'est un moment historique, c'est le monde de 1945 qui s'écroule", juge-t-il.

"Un nouveau monde est en train de naître, de s'affirmer dans des conditions extrêmement dramatiques, en particulier pour les Ukrainiens, mais pour les autres à venir, parce que demain, ça sera peut-être la Moldavie, après-demain, ce sera peut-être l'Estonie, parce que Poutine n'arrêtera pas", avertit-il. "C'est ça la logique de Poutine : 'J'ai le temps, et j'irai au bout de mes intérêts'", lance-t-il.

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