: Reportage Guerre en Ukraine : quand les gamers deviennent de redoutables pilotes de drones
Pour combattre l'armée russe, l'Ukraine fait appel à des dronistes, positionnés à distance du front. Parmi les meilleurs, figurent des spécialistes de jeux vidéo, que franceinfo a rencontrés.
C'est un sous-sol, en Ukraine, à 5 kilomètres du front de l'Est. Le lieu exact est tenu secret. Quelques matelas sont posés à même le sol. Les regards se tournent rapidement vers les trois écrans d'ordinateur installés sur deux bureaux en lambris écorné. Pas de gilet pare-balles pour ces soldats : ils portent un treillis et un sweat à capuche. Adossé à un mur, lunettes de gamer sur le nez, l'un d'entre eux commente en direct ses attaques. Drôle d'endroit pour mener une guerre. Pourtant, c'est depuis ces caches que se joue en grande partie l'avenir de l'Ukraine, dans les mains d'une armée de dronistes. Un responsable ukrainien, cité par le New York Times, a ainsi expliqué que les drones causaient désormais 70% des blessures aux Ukrainiens et Russes.
Maksym, dit "Shanovnyi" ("le vénérable"), ne se rend jamais sur le champ de bataille, mais il voit tout par écran interposé. A 32 ans, c'est un as des jeux vidéo, qui n'avait pas prévu de rejoindre l'armée. Fin 2023, il se promène avec son chien dans les rues de Lviv, sa ville natale, lorsqu'il est interpellé par des recruteurs et immédiatement enrôlé. "J'aurais dû être dans l'infanterie, un soldat au sol, raconte le jeune homme à franceinfo, mais durant mon entretien avec l'armée, j'ai expliqué que j'étais très doué aux jeux vidéo. Je leur ai dit : 'Confiez-moi la responsabilité de drones et je serai vraiment efficace'." S'ensuit une formation militaire de base d'un mois dans les centres dit "Polygones", puis une spécialisation de droniste de la même durée. Aujourd'hui, Maksym et son frère d'armes, surnommé "Léopard", enchaînent les rotations : trois à cinq jours sur leur position d'attaque, puis trois jours de repos.
"Pour moi, le repos, c'est jouer au jeu vidéo"
Près de cinq millions de joueurs en Ukraine
A plus de 600 kilomètres du front, nous descendons dans un autre sous-sol. Le nom affiché sur la porte d'entrée est évocateur : "Checkpoint", comme ces points de contrôle militaires qui coupent les routes ukrainiennes. Sur les murs, on voit un lance-roquettes et un signe "attention aux mines". Pourtant, dans ce sous-sol de Kiev, on ne trouve pas de dronistes militaires, mais des gamers. Ceux-là jouent avec ardeur et une certaine fébrilité.
Ils sont pressés, il ne leur reste plus que quelques heures avant le couvre-feu. Ils fuient les horreurs de la guerre en jouant à des jeux vidéo ultra-violents. Ou peut-être se préparent-ils ? La lumière est tamisée, d'un bleu électrique. Les explosions rougeoyantes sur les écrans éclairent les visages des gamers.
Ce jour-là, une petit dizaine de jeunes hommes jouent en duo à Counter-Strike. Avec leurs armes automatiques, ils nettoient les rues d'une ville dévastée par la guerre, reproduite avec une précision déconcertante. Difficile de ne pas penser, en les voyant, à Maksym et "Léopard", si habiles dans cette guerre virtuelle. Comme eux, ils sont entre quatre et cinq millions de gamers en Ukraine, selon les sources. Une aubaine pour l'armée ukrainienne.
L'un des jeunes joueurs se méfie de notre présence. Il sait que les recruteurs sont à l'affût. "Mon père est déjà dans l'armée. Moi, je n'ai que 20 ans, je ne vois pas vraiment ce que je pourrais offrir à l'armée, nous dit-il. Nous les jeunes, nous voulons bâtir notre vie, nous voulons vivre ! Je ne suis vraiment pas prêt pour la ligne de front." Un joueur de 23 ans, prénommé Maksym lui aussi, estime lui qu'il sera "prêt, le moment venu". Le joueur vient dans cette salle deux fois par semaine. Il le sait : alors que l'armée peine à remplir ses rangs, il rejoindra peut-être à son tour l'une de ces caches où les rois du joystick traquent les soldats russes. "Je connais un grand nombre de gamers qui sont désormais engagés dans l'armée, dit-il. Ils sont pilotes de drones et cela leur donne un avantage. Je sais que ce moment viendra pour moi, c'est sûr."
Regardez l’intégralité de ce reportage dans la vidéo ci-dessus.
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