Reportage Économie en récession, droits de douane américains : les PME allemandes tentées de délocaliser

Article rédigé par Louise Bodet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
La société Aura fabrique des systèmes de chauffage utilisés dans l’industrie, dans la région de Mannheim, en Allemagne. (LOUISE BODET / RADIO FRANCE / FRANCEINFO)
La société Aura fabrique des systèmes de chauffage utilisés dans l’industrie, dans la région de Mannheim, en Allemagne. (LOUISE BODET / RADIO FRANCE / FRANCEINFO)

Face aux difficultés de l'économie allemande, les PME, épine dorsale de la puissance exportatrice du pays, s'interrogent sur leur modèle. Exemple, dans une entreprise de la région de Mannheim, avant les élections législatives.

La société Aura est une entreprise familiale fondée il y a 40 ans, ultra-spécialisée dans un secteur de pointe. Avec ses 85 salariés, elle fabrique des systèmes de chauffage utilisés dans l’industrie. Cette entreprise située dans la région de Mannheim, dans le sud-ouest de l'Allemagne, est typique du "Mittelstand", qui désigne tant les artisans que les PME de moins de 1 000 salariés, et qui fait encore aujourd’hui la prospérité allemande. Si la société est ancrée dans un territoire, son PDG, Patric Burkhart, réfléchit à s'adapter dans une économie allemande en récession.

"En Allemagne, les perspectives industrielles s’affaiblissent, alors qu’aux États-Unis elles progressent, explique Patric Burkhart. C’est un marché en croissance".

"Avec les droits de douanes qui menacent d’augmenter, nous sommes en contact avec des entreprises mexicaines qui pourraient produire une partie de nos systèmes."

Patric Burkhart, patron de la société Aura

à franceinfo

Aura a ouvert une antenne commerciale aux États-Unis, et envisage un partenariat pour fabriquer au Mexique. "Au Mexique la main-d’œuvre est à la fois qualifiée et moins chère et, pour l’instant, il existe un accord de libre-échange entre le pays et les États-Unis qui permet d’éviter les droits de douane", fait valoir Patric Burkhart. Mais officiellement, pas question de délocaliser les emplois, au contraire : Aura cherche même de nouveaux salariés. 

"Mais jusqu’à quand ?", s’inquiète Thomas Hahl, représentant du puissant syndicat IG Metall à Mannheim. "À Mannheim, presque toutes les entreprises ont des succursales dans des pays à faible coût de main-d'œuvre. La question, c’est l’ampleur. Mannheim a été une très grande ville industrielle, mais des investisseurs internationaux ont délocalisé les emplois, c’est pour cela que les salariés ont peur quand des usines sont ouvertes ailleurs", explique-t-il.

Patric Burkhart, PDG de l'entreprise Aura, en Allemagne dans la région de Mannheim. (LOUISE BODET / RADIO FRANCE / FRANCEINFO)
Patric Burkhart, PDG de l'entreprise Aura, en Allemagne dans la région de Mannheim. (LOUISE BODET / RADIO FRANCE / FRANCEINFO)

En Allemagne, les ventes d’Aura ont baissé de moitié en trois ans, car les entreprises allemandes n’investissent plus. Prix de l’énergie, bureaucratie, infrastructures défaillantes et un modèle en crise, énumère le professeur d’économie Eckhard Janeba.

"Le modèle allemand reposait sur la délégation de notre sécurité aux Américains, l’achat d’énergie peu chère aux Russes et l’exportation de nos produits à l’étranger, notamment à la Chine, et ces trois conditions ont disparu."

Eckhard Janeba, professeur d’économie

à franceinfo

"Beaucoup de gens sentent que ce modèle ne fonctionne plus, sans forcément savoir pourquoi exactement, expose le professeur, et cela mène à la radicalisation de leur vote". Dimanche 23 janvier, se tiennent en Allemagne des élections législatives qui seront scrutées par toute l’Europe. Les sondages pour l’heure donnent une majorité aux conservateurs de la CDU/CSU. Mais l’extrême droite de l’AfD suit de près, soutenu sans fard par l’entourage du président américain, Donald Trump. Elle est créditée de 20% des suffrages, soit presque le double de son score aux dernières législatives.

L'économie défaillante, illustrée par plusieurs grands plans de réduction d'emplois ces derniers mois, notamment dans l'automobile, est l’un des deux grands thèmes de la campagne. Avec les craintes liées à l'immigration, après une série d'attentats meurtriers impliquant des étrangers.  

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