Reportage "Une spirale protectionniste qui ne fera qu’augmenter le prix des voitures" : en Allemagne, le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche inquiète l'industrie automobile

À plusieurs reprises, Donald Trump a menacé d’augmenter les droits de douane sur les produits européens. Une mesure qui pourrait peser lourdement sur l’économie allemande, et en particulier sur le secteur automobile.

Article rédigé par Sébastien Baer
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le logo Volkswagen sur une tour à Wolfsburg, en Allemagne, lors de son Assemblée générale, le 29 mai 2024. (JULIAN STRATENSCHULTE / DPA VIA MAXPPP)
Le logo Volkswagen sur une tour à Wolfsburg, en Allemagne, lors de son Assemblée générale, le 29 mai 2024. (JULIAN STRATENSCHULTE / DPA VIA MAXPPP)

Il promet monts et merveilles aux Américains... et inquiète une partie du reste du monde. Avant l'investiture de Donald Trump, lundi 20 janvier 2025, de nombreuses questions se posent. À commencer par l'économie : à quelques jours d'un nouveau mandat à la Maison-Blanche, le président élu brandit la menace d'une guerre commerciale.

À plusieurs reprises, Donald Trump a menacé d'augmenter les droits de douane sur les produits européens. Une mesure qui pourrait peser lourdement sur l'économie allemande - la première en Europe - et en particulier sur le secteur automobile. Et pour cause : les Etats-Unis absorbent, à l'export, le plus de voitures "Made in Germany". L'an passé, les constructeurs allemands ont exporté 15% de leur production vers les Etats-Unis, soit 400 000 BMW, Audi, Mercedes ou autres Volkswagen.

"Si un pays impose des droits de douane, l'autre réagira également"

Impossible, donc, de se passer de ce marché, affirme Hildegard Müller, la présidente de la puissante association de l'industrie automobile allemande (VDA). "Aux Etats-Unis, notre filière fait travailler 140 000 personnes et nous produisons également là-bas 900 000 véhicules. De nombreux emplois, aussi bien aux États-Unis qu'ici, dépendent de nos bonnes relations commerciales. Si un pays impose des droits de douane, l'autre réagira également. C'est une spirale protectionniste qui ne fera qu'augmenter le prix des voitures. Et ce n'est pas possible", tranche-t-elle.

Qui a peur du retour de Donald Trump ? C'est le titre d'une enquête réalisée, il y a quelques semaines, par l'institut économique IFO de Munich. Le bilan est clair : une entreprise sur deux a répondu positivement. Les chefs d'entreprise redoutent notamment les droits de douane qui rendront leurs produits moins compétitifs.

"L'Allemagne est très visible aux Etats-Unis en tant que puissance économique. Les Mercedes, les Audi, les BMW sont partout sur les routes… et cela dérange Donald Trump.

Clemens Fuest

à franceinfo

Pour Clemens Fuest, directeur de l'institut IFO, la politique économique de Donald Trump pourrait faire chuter de 15% les exportations de voitures allemandes : "Pour lui, les emplois qui servent à produire ces biens devraient se trouver aux Etats-Unis. Et son plan, c'est d'inciter les entreprises allemandes à investir aux Etats-Unis, précisément parce qu'elles ont peur des droits de douane."

Se mettre en quête de nouveaux clients

De quoi ne pas arranger les affaires des constructeurs automobiles allemands. Ils sont déjà confrontés à des problèmes en cascade : la concurrence chinoise, les coûts élevés de la main-d’œuvre, le ralentissement du commerce mondial, licenciements et fermetures d'usines se multiplient… En 2024, les ventes de voitures électriques ont chuté de 27%.

Pour se donner un peu d'air, les industriels doivent se rendre moins dépendants des Etats-Unis, recommande Jens Südekum, professeur d’économie à l’université Heinrich-Heine de Düsseldorf : "Si le marché américain devient plus difficile, l'industrie automobile allemande, et plus globalement l'Union Européenne, vont se mettre en quête de nouveaux clients, ailleurs dans le monde. On vient par exemple de conclure un accord de libre-échange avec les pays sud-américains du Mercosur et aussi avec le Japon… Cela aide un peu, bien sûr, mais cela ne peut pas compenser entièrement les pertes en Chine et aux Etats-Unis", reconnaît-il, toutefois. 

Les économistes sont divisés sur la réponse que l’Union Européenne doit apporter face aux menaces de Donald Trump. Certains plaident pour une riposte et des mesures de rétorsion. Autrement dit, la mise en place, au niveau européen, de mesures douanières qui viendraient taxer les produits américains. A l’inverse, Rolf Langhammer, de l’Institut de l’économie mondiale de Kiel, préconise la prudence. "Il faut attendre de voir s’il met vraiment en œuvre les mesures qu’il a annoncées. Tant qu’il ne s’agit que de menaces, il faut attendre. Donald Trump connaît la force du marché intérieur européen et l’importance qu’il revêt pour les investisseurs américains. Pour l’instant, c’est lui le plus fort. Tant que les effets négatifs de sa politique ne se font pas sentir sur le marché américain. Mais à long terme, les effets seraient négatifs également pour les Etats-Unis", estime-t-il.

Les quatre années du mandat "Trump II" pourraient coûter à l'Allemagne 180 milliards d'euros et un point de croissance, d’après la Bundesbank, la banque fédérale allemande. Une sombre perspective, alors que l'Allemagne vient d'enchaîner deux années de récession. 

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