: Reportage Moins d'un euro de loyer par an : en Bavière, les plus anciens logements sociaux du monde

C'est un lieu unique en Allemagne : la Fuggerei d'Augsbourg, en Bavière, à une heure de Munich. Ce complexe de petites maisons accueille en plein cœur de la ville 150 personnes dans le besoin. Le site a été créé en 1521 et il s'agit des plus anciens logements sociaux du monde. Leur particularité : le loyer est très modique, identique à celui d'il y a 500 ans.

Le buste du fondateur trône dans le jardin et son portrait est accroché dans presque chacun des 142 logements. Jakob Fugger, commerçant fortuné et bienfaiteur. C'est lui qui a fixé, il y a 500 ans, le montant du loyer. "88 centimes par an, explique Daniel Hobohm, l'administrateur. À l'époque, c'était un florin rhénan. On l'a converti en euro et depuis, on ne l'a jamais augmenté. Les résidents doivent faire trois prières par jour. Cela fait aussi partie du loyer, en quelque sorte."

Trois critères pour sélectionner les résidents

Rosie, dynamique octogénaire, occupe depuis 16 ans le premier étage de l'une des maisons aux murs ocres et volets verts. La retraitée touche 784 euros de pension mensuelle. "Je n'avais pas d'autre alternative, confie-t-elle. Sans la Fuggerei, je dormirais sous les ponts, c'est aussi simple que ça. C'est génial ce que Jakob Fugger a imaginé il y a 500 ans. Habiter ici, c'est comme gagner au loto."

Les candidats doivent patienter trois à cinq ans avant d'obtenir un logement. C'est Doris Herzog qui est chargée d'examiner les dossiers. "Il y a trois critères, détaille-t-elle. Il faut habiter à Augsbourg depuis au moins trois ans, être catholique - je demande à la paroisse si la personne est enregistrée comme membre de la communauté catholique - et être dans le besoin."

"Je suis très reconnaissante"

Après trois ans d'attente, Angelika, 61 ans, vient d'emménager dans un appartement du rez-de-chaussée. Dans le jardin qu'elle entretient soigneusement, la retraitée fait pousser des rosiers, du lilas et des hibiscus. Elle se réjouit : "On n'entend que le gazouillis des oiseaux. C'est très calme alors que nous sommes en plein centre-ville. Je suis très reconnaissante ... Le fondateur a demandé de dire trois prières par jour, mais moi j'en fais au moins dix, pour le remercier d'avoir pensé à ceux que le destin a frappés et qui ne vont plus aussi bien."

Parfois, grâce à un héritage ou à un emploi, la situation économique d'un résident s’améliore. Dans ce cas, la personne est priée de laisser sa place. Les droits d'entrée des visiteurs, les dons et l'exploitation de vastes parcelles forestières qui appartiennent aux descendants de Jakob Fugger permettent de continuer à faire vivre le site, 500 ans après sa création.