Haut-Karabakh : pourquoi l'Arménie redoute que le sud du pays soit à son tour convoité par l'Azerbaïdjan
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Le président Ilham Aliev convoite depuis longtemps la région de Syunik, et ce, avec l'appui de la Turquie. De leur côté, les alliés de l'Arménie ne semblent pas tous sur la même longueur d'onde.
L'Azerbaïdjan ira-t-il plus loin ? Depuis la victoire de Bakou sur le Haut-Karabakh, les habitants du sud de l'Arménie craignent que la région de Syunik soit désormais dans le viseur du président Ilham Aliev. Une telle continuité territoriale renforcerait en outre le lien entre l'Azerbaïdjan et la Turquie. C'est d'ailleurs depuis le Nakhitchevan que le président Recep Tayyip Erdogan a célébré la "victoire" au Haut-Karabakh de son plus proche allié, y voyant de "nouvelles opportunités" pour la région. Franceinfo vous explique pourquoi l'inquiétude est de plus en plus grande à Erevan.
Parce que l'Azerbaïdjan veut relier son territoire au Nakhitchevan
L'Azerbaïdjan possède depuis un siècle le Nakhitchevan, une région montagneuse qui n'a pas de continuité avec le reste du pays et qui est enclavée entre l'Arménie, la Turquie et l'Iran. En 1921, Staline en avait fait une république socialiste soviétique autonome, avant de la rattacher à l'Azerbaïdjan en 1923, retrace La Croix. Le territoire, qui s'étend sur 5 500 km2, est majoritairement peuplé d'Azéris.
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Le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, a toujours réclamé une voie de communication terrestre qui passerait par l'Arménie, afin de rejoindre le Nakhitchevan. Après la victoire de Bakou lors de la guerre de 2020 entre le Haut-Karabakh et l'Azerbaïdjan, les deux pays s'étaient entendus sur le principe de cette route. Selon l'accord de cessez-le-feu, établi via la médiation de la Russie, l'Arménie promet de garantir la sécurité des transports, sous le contrôle des autorités russes. Cependant, cette entente a provoqué la colère de milliers de manifestants arméniens qui y ont vu une capitulation de leurs dirigeants.
Alors que ce corridor est resté pour l'heure à l'état de projet, Ilham Aliev souhaite de plus qu'il dispose d'un statut extraterritorial. Dès lors, les biens et personnes y circulant ne seraient pas soumis à la loi arménienne, en dépit de leur passage dans le pays. "Pour les Arméniens, ce serait le début de la fin parce qu'ils seraient entourés d'ennemis mortels et coupés de la frontière avec l'Iran", a prévenu, mi-septembre, sur franceinfo Tigrane Yégavian, chercheur en relations internationales et spécialiste de la région.
Toutefois, une attaque de Bakou dans le sud de l'Arménie afin de constituer cette route par la force "semble peu probable dans un avenir proche", selon Armine Margaryan, ancienne cheffe de cabinet du Conseil de sécurité de l'Arménie. L'Azerbaïdjan risquerait alors d'entrer en conflit avec les Occidentaux. "Après l'invasion de l'Ukraine, l'Occident a démontré sa très forte hostilité envers les entorses au respect de l'intégrité territoriale des pays", rappelle-t-elle dans La Croix.
Parce que la Turquie soutient les ambitions de l'Azerbaïdjan
La Turquie, grande alliée de Bakou dans la région, se montre particulièrement favorable au projet de corridor. Le 25 septembre, cinq jours après l'offensive menée par l'Azerbaïdjan au Haut-Karabakh, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et Ilham Aliev se sont rencontrés au Nakhitchevan. Les deux dirigeants devaient officiellement lancer la construction d'un gazoduc de 85 km entre l'est de la Turquie et le Nakhitchevan, et inaugurer un complexe militaire. Mais selon des médias turcs cités par l'AFP, ils devaient aussi discuter de l'ouverture du "corridor de Zanguezour", du nom du massif montagneux qui dessine une frontière naturelle entre le Nakhitchevan et la province arménienne de Syunik.
Son tracé longerait la frontière avec l'Iran au sud de l'Arménie, via la ville de Meghri. Après la guerre de 2020, les Arméniens s'inquiétaient déjà du sort de cette localité. "Si nous abandonnons l'Artsakh [le nom du Haut-Karabakh pour les Arméniens], nous abandonnerons Meghri, et ensuite Erevan", avait prévenu le président de l'Assemblée nationale arménien, une déclaration rapportée à l'époque par la diplomatie française (PDF). Aujourd'hui, les habitants de cette commune se sentent menacés et certains se disent prêts à prendre les armes pour se défendre.
Pour Ankara, en plus de renforcer les échanges économiques avec Bakou, ce couloir lui permettrait d'étendre son influence vers tous les Etats turciques, dont les langues partagent les mêmes racines que le turc. Outre l'Azerbaïdjan, c'est le cas de l'Ouzbékistan, du Kazakhstan et même d'une partie de l'ouest de la Chine, développe France Inter.
"Personne ne sait exactement à quoi pourrait ressembler ce corridor, mais les observateurs craignent que la jonction se fasse tout simplement par l'annexion du sud de l'Arménie, la région de Syunik, déplore auprès de franceinfo Taline Ter Minassian, spécialiste des Etats post-soviétiques et enseignante à l'Institut national des langues et civilisations orientales. Il s'agirait d'un scénario terrible, d'une violation assez massive de l'intégrité territoriale de l'Arménie. D'autant plus qu'une agression militaire fragiliserait la position de l'Azerbaïdjan dans le processus de paix encadré par les Occidentaux avec l'Arménie."
Parce que les alliés de l'Arménie sont divisés quant au soutien à apporter
Face à cette menace, les alliés de l'Arménie se disent prêts à la soutenir, mais sans réelle unité. "La France est très vigilante à l'intégrité territoriale de l'Arménie, car c'est ça qui se joue", a assuré Emmanuel Macron dans un entretien télévisé le 24 septembre. En visite à Erevan, la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, a annoncé mardi que Paris avait "donné son accord" pour la livraison de matériel militaire à l'Arménie, afin de renforcer sa défense face à l'Azerbaïdjan.
Les Etats-Unis se montrent plus timides. "Pour l'heure, nous sommes très concentrés sur la situation humanitaire", a fait savoir mardi John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain, cité par l'AFP.
De son côté, la Russie, pourtant alliée historique d'Erevan, s'éloigne peu à peu de l'Arménie. Cette dernière l'accuse de l'avoir abandonnée en n'assurant pas la sécurité du Haut-Karabakh, comme le prévoyait l'accord de cessez-le-feu de 2020. La reprise de ce territoire par l'Azerbaïdjan "était inévitable", a jugé jeudi Vladimir Poutine, tout en précisant que l'Arménie était "toujours" l'amie de Moscou.
Seul l'Iran, où vit une importante minorité azérie (au nord du pays), reste farouchement opposé au projet d'un corridor dans le sud de l'Arménie. Téhéran se méfie des velléités des nationalistes qui voudraient créer ainsi un "Grand Azerbaïdjan". Comme le rappelle La Croix, l'Iran propose à la place une route qui passerait à l'intérieur de ses frontières et qui resterait sous son contrôle.
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