Charia: à l’origine, la «voie indiquée par Dieu» (1re partie)
En Occident, le mot charia est chargé de connotations passionnelles et de fantasmes, au vu, notamment, de son application dans des pays comme l’Arabie Saoudite ou le Pakistan. Mais on ne sait pas toujours exactement ce qu'il recouvre. Explications avec Eric Chaumont, chargé de recherches au CNRS. Première partie : le sens profond du mot charia.
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Commençons par l’étymologie du mot sharî‘a qui est très éclairante pour un lecteur occidental habitué à des traductions très réductrices de cette notion essentielle en islam. Le substantif sharî‘a est construit sur la racine sh-r-‘ et, comme tel, il ne se lit qu’une seule fois dans le Coran (Cor. sourate 45, verset 18). Mais il a pour synonyme shir‘a – construit sur la même racine - qui lui aussi ne se trouve qu’une seule fois dans le Coran (5, 48). Ce dernier verset se lit ainsi : «A chacun de vous Nous avons assigné une voie (shir‘a) et un chemin (minhâj).» Pour faire bref, la sharî‘a/shir‘a/shar‘ est une voie indiquée par Dieu que les croyants sont invités à suivre corps et âme sur le mode impératif, le mode de l’obligation.
Deux précisions. Primo, il existe, selon tous les légistes musulmans, plusieurs sharias, plusieurs «voies révélées». Chaque communauté, ayant été gratifiée d’une révélation par l’intermédiaire d’un Messager, a sa propre sharia et, dans les sciences religieuses musulmanes, ces sharias sont qualifiées par le nom du Messager en question : la sharia d’Abraham, la sharia de Moïse, la sharia de Jésus, etc. Il en existe plusieurs dizaines, même une sharia de Marie.
«La sharia de Muhammad/Mahomet», qui vient «confirmer» (saddaqa) les précédentes, s’en distingue sur un point essentiel dans les représentations musulmanes : elle est la dernière à avoir été révélée et ne sera suivie d’aucune autre. Elle est le reflet de la volonté finale de Dieu et Muhammad est «le sceau de la prophétie»/«le sceau des Prophètes» (khâtim al-anbiyâ’). Le plus souvent, auprès des théologiens-légistes musulmans, il en a été tiré la conclusion que «la sharia de Muhammad» abrogeait toutes les précédentes.
Corps et âmes
Secundo, la sharia s’adresse aux corps et aux âmes. Le second volet, le volet «intérieur» de cette «Voie», qui se traduit en une éthique spirituelle intérieure, voire en une mystique, est invariablement considéré comme plus important pour le croyant que ne l’est son volet «extérieur» qui concerne ses actes physiques et qui s’est actualisé dans ce qu’on appelle «le droit musulman». C’est dire qu’on se trompe lourdement en pensant, comme c’est si souvent le cas, que le «sharaïsme» (mot dérivé de sharia et qui désigne le système «légal» musulman) se réduit à un légalisme.
En résumé, la centralité de la sharia en Islam a naturellement engendré d’une part, une spiritualité fécondée par le soufisme, et, d’autre part, un droit «religieux» : les deux faces d’une même médaille.
On peut aller plus loin. La sharia, et le droit qui en découle, sont religieux mais pour une majorité de musulmans, la première constitue le cœur de la religion, de la révélation, sa moelle. C’est tellement vrai que dans les sciences religieuses musulmanes, le mot shar‘ — un autre mot tiré de la racine Sh-R-‘ et qui désigne lui aussi la sharia — est souvent utilisé comme synonyme de wahy, «révélation». Pour un musulman, la révélation, c’est avant tout la révélation de la sharia, le contenu proprement théologique, dogmatique, de la révélation étant de moindre importance.
Les réponses ont été rédigées par Eric Chaumont, chargé de recherche au CNRS, IREMAM-MMSH, Aix-en-Provence
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