Luaty Beirao et les autres, ces rappeurs qui font peur aux présidents africains
Leur art leur donne une prédisposition naturelle à entraîner les foules, surtout les jeunes. En mettant cette qualité au service de la société civile, ces rappeurs-militants ont réussi à renverser des régimes au Sénégal et au Burkina Faso. En Angola, l'artiste Luaty Beirao et 14 autres militants, qui souhaitent eux aussi le départ du président dos Santos, croupissent dans les geôles angolaises.
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Le rappeur Luaty Beirao, alias Ikonoklasta, est dans le collimateur du régime angolais depuis ces cinq dernières années. L'un des leaders du mouvement des «Indignados» («Indignés» en portugais), qui réclament depuis 2011 le départ du président José Eduardo dos Santos au pouvoir, a été arrêté le 20 juin 2015, avec 14 autres militants. «Ils sont accusés par le ministère public de rébellion et de tentative de renversement du président», rapporte l’AFP. Luaty Beirao et ses co-détenus seront jugés du 16 au 20 novembre 2015.
Pour protester contre sa détention provisioire qui a excédé le délai légal de 90 jours, le musicien a fait une grève de la faim de 36 jours à laquelle il a mis un terme le 27 octobre 2015 à la demande de sa famille et de co-détenus. Il était hospitalisé depuis quelques jours et Amnesty nternational avait estimé son état «critique» dans un communiqué publié le 20 octobre 2015. L'artiste a déjà été arrêté plusieurs fois pour des motifs plus ou moins fondés.
En Angola, les mouvements de soutien au groupe de militants ont été réprimés par le pouvoir, rapporte RFI. Mais ils sont relayés en Europe, notamment en Angleterre, en Allemagne et au Portugal. Dans ce dernier pays, plusieurs rassemblements ont été organisés le 22 octobre 2015 afin de réclamer la libération de l'opposant. Les manifestants ont également invité les autorités portugaises à intervenir dans ce dossier. L'ambassadeur du Portugal en Angola a rendu visite à Luaty Beirao. Une démarche synonyme d'ingérence pour le régime angolais qui s'estime victime d'une campagne de «diabolisation» orchestrée par Lisbonne.
Tombeurs de Wade et de Compaoré
Le régime angolais a des raisons de s'inquiéter. La mobilisation des rappeurs, alliés à d'autres acteurs de la société civile, pour évincer des dirigeants politiques à été couronnée de succès sur le continent. Au Sénégal et au Burkina Faso, ces artistes-militants ont fini par obtenir gain de cause. Lancé en janvier 2011 par les rappeurs du groupe Keur Gui et le journaliste Fadel Barro, le mouvement «Y'en a marre» a réussi à faire tomber le régime du président Abdoulaye Wade, l'ancien président sénégalais qui briguait en 2012 un nouveau mandat en dépit des limites imposées par la Constitution. Une décennie plus tôt, plein d'espoir, c'était les mêmes rappeurs et les mêmes jeunes qui l'avaient porté au pouvoir.
En Afrique, le mouvement citoyen sénégalais a depuis fait des émules et son expertise est sollicitée. «Y' en a marre a accompagné le Balai citoyen au Burkina Faso. On a échangé nos expériences et on les a soutenus. C’est une belle coordination sud-sud. On fait appel à nous jusqu’au Burundi, même aux îles Comores, c’est beaucoup de responsabilités», a confié Fadel Barro, le coordinateur du mouvement sénégalais à Afrik.com.
Inspirés par leurs alter ego sénégalais, le rappeur Smockey et le reggaeman Sams K Le Jah ont fondé au Burkina Faso le Balai citoyen. Le mouvement se montrera tout aussi efficace pour mettre fin aux vingt-sept ans de règne de Blaise Compaoré qui part en exil le 31 octobre 2014. La mobilisation citoyenne, portée entre autres par le Balai citoyen, en fera tout autant quand le Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l'ancienne garde présidentielle de Blaise Compaoré, tentera de compromettre la transition démocratique. Le général Gilbert Diendéré prend le pouvoir le 16 septembre 2015 pour finalement le rendre quelques jours après (le 23 septembre 2015), sous la pression de population burkinabè.
Le rap, mélodie de la démocratie
En Tunisie, c'est également sur des airs de rap que le départ de Ben Ali a été scandé. Celui d'un chanson du musicien El General (ou General Lebled). «L’hymne du printemps arabe n’est autre que son rap anti-Ben Ali, Rais Lebled, sorti fin 2010, qui lui a valu une arrestation par le régime dictatorial. Ses mots, repris jusqu’à la place Tahrir en Egypte, dénoncent la dureté de la vie : "Monsieur le président, ton peuple est en train de mourir (…) Un père ne fait pas de mal à ses enfants, c’est un de ceux-là qui te parle de sa douleur, nous vivons comme des chiens, la moitié des Tunisiens vit dans la crasse et se nourrit de bols de souffrance"», rappelle L'Humanité.
En 2011, l'artiste tunisien figurait dans le top 100 des personnalités les plus influentes du magazineTime, «une grande fierté pour lui, ses parents et ses trois frères et sœurs», poursuit le quotidien français. Le rap a toujours été une musique de constestation. Sur le continent africain, où la démocratie est souvent une exception, ses ambassadeurs sont les nouveaux chantres de la bonne gouvernance.
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