: Vidéo "Manipuler le passé est un outil dangereux qui, bien souvent, prépare le pire" : les fake news historiques prolifèrent sur les réseaux sociaux
Par conquête idéologique ou volonté de faire le buzz sur la toile, de nombreuses vidéos déforment des faits historiques. Dans une société où les contenus générés par intelligence artificielle (IA) sont de plus en plus réalistes, certains internautes sèment le trouble.
"Le fer de la tour Eiffel provient d'Algérie", "les nazis étaient de gauche", "l'URSS offrait une meilleure vie à tous"… Les manipulations de l'histoire progressent en ligne, alors que de nombreux complots, bien connus des historiens, refont surface sur la toile dans une version digitale.
Une étude menée en 2022 par l'Unesco et le Congrès juif mondial, en partenariat avec les Nations Unies, met ainsi en lumière l'ampleur alarmante du révisionnisme historique sur les réseaux sociaux. Les chercheurs ont analysé plus de 4 000 contenus liés à l'Holocauste sur cinq plateformes : Facebook, Instagram, TikTok, Twitter et Telegram. L'étude soulève que sur Telegram, jusqu'à 49% des publications niaient ou déformaient les faits historiques. Sur TikTok, ce taux atteignait 17% en moyenne, avec des pointes à 26% pour les contenus en français. Même sur des plateformes réputées plus modérées comme Facebook et Instagram, respectivement 8% et 3% des contenus étudiés véhiculaient une forme de négationnisme.
Ces données confirment que les algorithmes de ces plateformes, souvent guidés par l'engagement plutôt que par la véracité, laissent prospérer des récits révisionnistes dans des proportions préoccupantes.
Yann Bouvier s'est spécialisé dans le fact-checking. Connu sous le nom de @yanntoutcourt, il rassemble une communauté de plus d'un million d'abonnés sur TikTok et Instagram. Grâce à une légitimité professionnelle de chargé d'enseignement en Master d'histoire publique, et chercheur associé au CMMC (Centre de la Méditerranée moderne et contemporaine), il est désormais un créateur de contenu très actif en ligne.
Ces derniers mois, il a vu déferler de nouveaux contenus "pseudo-historiques" générés par des intelligences artificielles. Lui, ne considère pas que ces vidéos relèvent systématiquement d'un agenda politique car l'argument lucratif entre en compte. Plusieurs plateformes dont TikTok rémunèrent les créateurs en fonction du nombre de vues.
Mais Yann Bouvier remarque aussi que de nombreux contenus "pseudo-historiques sont des contenus sous-tendus par des idées et des propos ultra-conservateurs". Pour lui, cela reflète le discours de l'extrême droite française sur le déclin français, "l'idée de revenir à une situation passée qui serait enviable". Pour porter cet argument, "il faut vendre le passé et donc le simplifier". Mais ces "déformations historiques à des fins politiques, on en observe partout", y compris à gauche et dans la majorité présidentielle.
"Manipuler le passé à des fins politiques, c'est vieux comme l'écriture historique. Ces procédés existaient déjà à l'époque médiévale ou à l'époque moderne pour justifier une prise de pouvoir ou encore pour justifier la mise à l'écart des opposants."
Yann Bouvier, chercheur associé au CMMCà franceinfo
Il explique également que les réseaux sociaux offrent aujourd'hui "des caisses de résonance formidables à ces discours" car les plateformes permettent aux vidéos d'être diffusées massivement. Yann Bouvier appelle à la vigilance. Il souligne le temps et l'énergie nécessaire pour lutter contre ces contenus mensongers, en gardant en tête que ces derniers "poursuivent des visées".
Le professeur tient toutefois à souligner que "personne n'est à l'abri de déformer le passé et tout le monde s'y adonne". Il tient à "combattre l'outil" et considère que "manipuler le passé, c'est un outil dangereux qui, bien souvent, prépare le pire”.
En 2024, l'Unesco a proposé une formation à destination des influenceurs du monde entier pour lutter contre la désinformation et les discours de haine en ligne. Plus de 9 000 créateurs se sont portés volontaires, originaires de 160 pays. Disponible sur internet dans quatre langues, le programme d'apprentissage "How to be a trusted voice online", à traduire : "comment être une voix de confiance en ligne", découle d'une enquête datant de novembre 2024. Selon l'Unesco, deux tiers des influenceurs ne vérifient pas leurs sources, mais veulent apprendre à le faire.
"On sait qu’il est possible de faire changer d’opinion quelqu’un quand on sait ce qu’il pense. Surtout quand ce “quelqu’un” ne sait pas que nous le savons."
Thomas Huchon, journaliste spécialiste des fake newsà franceinfo
Professeur à Sciences Po Paris et journaliste, Thomas Huchon met en garde contre la manipulation et souligne que le fonctionnement des algorithmes est "totalement invisible pour nos yeux". Concrètement, il y a un lien entre les contenus auxquels nous sommes confrontés en ligne et les idées ou opinions que nous avons, explique aussi l'auteur de Résister aux fake news.
Thomas Huchon met en cause plusieurs responsables de la prolifération de ces fausses informations : des mouvements complotistes, mais également les acteurs politiques ou les Etats eux-mêmes. "Je pense bien entendu à la Chine et à la Russie dans ce jeu-là. Mais je pense aussi à Donald Trump et à son mouvement MAGA (Make America Great Again)", précise-t-il.
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