Ce que l'on sait de la mort en direct du streameur français Jean Pormanove, victime régulière de sévices filmés
Le quadragénaire était connu pour sa participation à des vidéos diffusées en ligne, dans lesquelles il était filmé en train de subir des humiliations physiques et psychologiques durant des heures. La justice a ouvert une enquête.
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Il était connu sur internet sous les pseudonymes Jean Pormanove ou JP. Le streameur français Raphaël Graven, âgé de 46 ans, est mort lundi 18 août, a annoncé sur Instagram l'influenceur Naruto, protagoniste des vidéos qui mettaient en scène le quadragénaire se faisant frapper et humilier par d'autres personnes. Le parquet de Nice a ensuite confirmé le décès d'un homme de cet âge "lors d'un live streaming". La ministre déléguée chargée du Numérique, Clara Chappaz, a dénoncé sur X "une horreur absolue" et condamné la diffusion des images violentes dans lesquelles il apparaissait. Franceinfo fait le point sur ce drame, alors qu'une enquête a été ouverte.
Un streameur connu pour subir des violences filmées pendant des heures en direct
En décembre 2024, Mediapart avait mis en lumière l'existence des vidéos violentes auxquelles Jean Pormanove participait. Elles étaient diffusées sur Kick, une plateforme australienne, grande concurrente du leader mondial du live streaming Twitch, et aux règles de modération plus souples. Sur la chaîne Lokal, suivie par des centaines de milliers d'abonnés et désormais suspendue, JP était filmé en train de subir des humiliations physiques et psychologiques à longueur de longues séquences vidéos, notamment de la part de deux partenaires connus sous les noms de Naruto et Safine. Des scènes de strangulations, de coups, de jets d'eau, d'insultes...
"C'était du contenu très trash, comme les gens disent, mais on assumait totalement. (...) C'était quand même assez contrôlé, scénarisé, mais on faisait en sorte que ça paraisse spectaculaire. Ça restait dans le cadre du divertissement et du streaming. On était vraiment à des années-lumière de penser qu'il pouvait arriver quelque chose comme ça", a expliqué mercredi sur RTL Gwen, frère de Naruto, qui prenait part aux directs.
Un autre homme, surnommé Coudoux, en situation de handicap et sous curatelle, était également régulièrement frappé, précisait en 2024 Mediapart. Le site relevait que les deux hommes s'étaient dits à plusieurs reprises consentants pour participer à ces vidéos, mais que les images les montraient aussi craquant à plusieurs reprises, face aux brimades dont ils étaient la cible.
Les personnes qui visionnaient les images pouvaient interagir avec les streameurs et leur offrir des dons, ce qui permettait aux protagonistes de ces directs d'être rémunérés pour leurs contenus violents. Créée en 2022, la plateforme australienne offre une politique de rémunération bien plus avantageuse que ses concurrents. Selon le parquet, Coudoux "évoquait des montants pouvant atteindre 2 000 euros par mois", tandis que "Jean Pormanove mentionnait des sommes à hauteur de 6 000 euros".
Les spectateurs semblaient raffoler de cette mécanique de violence. Ils multipliaient dans l'espace de conversation les insultes visant les personnes en situation de handicap, et encourageant les gestes brutaux à l'égard de JP et de Coudoux.
Sa mort a été filmée en direct
La mort du streameur est survenue en direct, rapporte Mediapart. La vidéo diffusée en live lundi sur Kick, et largement partagée depuis, montre JP allongé inanimé sous une couette dans un lit, avec deux autres hommes, dont l'un jette une petite bouteille d'eau en plastique dans sa direction. Plus tôt dans le direct, Jean Pormanove était une nouvelle fois victime de violences en direct, Naruto lui ayant asséné "une claque (...) provoquant la colère de Raphaël Graven, avant de le frapper de nouveau à plusieurs reprises quelques minutes plus tard, tout comme d'autres participants du direct", relate Mediapart.
Le modérateur de la chaîne Lokal, sur la plateforme Kick, qui diffusait les images mettant en scène Jean Pormanove et Naruto, a ensuite confirmé son décès auprès des internautes, relate le site. Le parquet de Nice a également confirmé à franceinfo "le décès d'un homme de 46 ans lors d'un live streaming" à Contes (Alpes-Maritimes), sans préciser son identité.
Une enquête a été ouverte et une autopsie sera réalisée
Le parquet a annoncé avoir ouvert une enquête en recherche des causes de la mort et ordonné une autopsie, qui doit être réalisée jeudi. Les investigations ont été confiées à la police judiciaire de Nice, qui a déjà effectué "de nombreuses saisies de matériels et vidéos", ajoute le parquet. Plusieurs auditions de personnes présentes au moment du décès ont été faites "sans qu'à ce stade, elles ne permettent de donner une orientation quant aux causes de celui-ci", précise le parquet dans une communication datée de mercredi.
L'avocat de Naruto a déclaré mardi à l'AFP que son client n'avait "aucune responsabilité" dans le décès de Jean Pormanove. Yassin Sadouni a par ailleurs fait savoir dans un communiqué son intention de déposer plainte après une "campagne de cyberharcèlement" subie par son client depuis lundi soir. "Toutes les scènes qui pourraient s'apparenter à de la maltraitance sont en réalité issues d'un script", a assuré à franceinfo Kada Sadouni, avocat de Safine. Il s'agit "de mises en scène préparées et où toutes les parties sont consentantes", ajoute-t-il, précisant que son client "était très ami avec le défunt".
A la suite de l'article de Mediapart en 2024, le parquet de Nice avait déjà ouvert une enquête, notamment pour "violences volontaires en réunion sur personnes vulnérables (...) et diffusion d'enregistrement d'images relatives à la commission d'infractions d'atteintes volontaires à l'intégrité de la personne". Naruto et Safine avaient été placés en garde à vue, puis relâchés, et du matériel de tournage avait été saisi. Le parquet a rappelé mercredi que Coudoux et JP "contestaient fermement être victimes de violences, indiquant que les faits s'inscrivaient dans des mises en scène visant à 'faire le buzz' pour gagner de l'argent". "L'un et l'autre indiquaient n'avoir jamais été blessés, être totalement libres de leurs mouvements et de leurs décisions et refusaient d'être examinés par un médecin et un psychiatre", précise ce communiqué. L'enquête était toujours en cours.
L'Arcom saisie par le gouvernement
La ministre déléguée chargée du Numérique, Clara Chappaz, a annoncé sur le réseau social X avoir saisi l'Arcom, l'autorité de régulation du secteur, et effectué un signalement sur la plateforme Pharos, dont les agents examinent les contenus et comportements illicites en ligne. La ministre ajoute avoir "contacté les responsables de la plateforme [Kick] pour obtenir des explications".
En février, la Ligue des droits de l'homme (LDH) avait déjà saisi l'Arcom pour dénoncer "la modération laxiste de Kick" face à de "véritables violences pouvant correspondre à des qualifications pénales". Cette saisine était restée "sans aucune réponse", a précisé la LDH à Mediapart. Interrogée par le média en ligne, l'Arcom n'a pas précisé quelles suites avaient été données à cette démarche. Elle assure néanmoins qu'elle s'est rapprochée de l'Office anti-cybercriminalité pour vérifier si le streameur "avait, par le passé, demandé le retrait de contenus sur Kick.com".
L'autorité de régulation indique aussi avoir pris contact avec plusieurs homologues. En Allemagne, la Bundesnetzagentur a, en janvier, "adressé à Kick.com une requête lui demandant de désigner un représentant légal et un point de contact pour les autorités, comme l'exige le Règlement sur les services numériques".
Mercredi, suite à la mort de Jean Permanove, l'Arcom a réagi dans un communiqué. Elle annonce avoir identifié un représentant légal de Kick basé à Malte, et ajoute être entrée en contact avec cette personne "afin d'obtenir des informations détaillées sur les moyens dédiés par le service à la modération francophone, ainsi que sur le cas spécifique de la chaîne 'Jeanpormanove'".
Interrogé par l'AFP sur cette affaire, un porte-parole de Kick a répondu mardi : "Nous sommes profondément attristés par la perte de Jean Pormanove". "Nous examinons de toute urgence les circonstances et collaborons avec les parties prenantes concernées (...). Les règles de la communauté Kick visent à protéger les créateurs, et nous sommes déterminés à les faire respecter sur l'ensemble de notre plateforme", précise aussi ce dernier dans un mai. Kick a par ailleurs annoncé sur X mercredi que les "costreameurs ayant participé à cette diffusion en direct ont été bannis dans l'attente de l'enquête en cours."
"Les plateformes ont une responsabilité immense dans la régulation des contenus en ligne afin que nos enfants ne soient pas exposés à des contenus violents. J'appelle les parents à la plus grande vigilance", a également réagi la haute-commissaire à l'Enfance, Sarah El Haïry, sur X, parlant d'un drame "horrifiant".
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