Quatre questions sur l'amende de 3 milliards d'euros infligée par l'UE à Google, qui provoque la colère de Donald Trump
La Commission européenne a estimé que le géant américain de la tech avait abusé de sa position dominante dans le secteur de la publicité en ligne. Le président des Etats-Unis menace Bruxelles de nouveaux droits de douane.
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La fragile trêve commerciale entre l'Union européenne et les Etats-Unis sera peut-être de courte durée. L'annonce par la Commission européenne vendredi 5 septembre de sa décision d'infliger une amende de 2,95 milliards d'euros au géant américain Google a aussitôt provoqué la colère de Donald Trump. Le président américain a menacé de riposter avec des sanctions commerciales, alors qu'un accord limitant à 15% les droits de douane sur les produits européens avait été conclu fin juillet. Franceinfo vous explique cette décision et ses potentielles suites.
Qu'est-il reproché à Google ?
L'amende infligée à Google s'inscrit dans le cadre de l'article 102 sur le fonctionnement de l'UE, qui prévoit que "le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci" est "incompatible" avec ce même marché, "dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d'en être affecté".
Une enquête avait été ouverte en juin 2021, à l'initiative du Conseil des éditeurs européens (EPC). Cette organisation, qui représente les intérêts de plusieurs éditeurs de presse européens, reproche à Google d'avoir enfreint les règles de concurrence en favorisant ses propres services de publicité display en ligne au détriment des plus petits éditeurs, annonceurs et services publicitaires concurrents. Ces publicités se présentent comme des bannières et du texte qui apparaissent sur les sites web et sont personnalisés en fonction de l'historique de navigation de l'internaute.
Dans un communiqué, le Conseil des éditeurs européens a estimé que seule une cession de ces activités publicitaires pourrait mettre fin aux entraves à la concurrence commises par Google. Dans sa décision, la Commission européenne n'a pas ordonné une telle scission du groupe. Elle n'exclut toutefois pas d'y recourir si les engagements du groupe pour remédier aux atteintes à la concurrence ne lui convenaient pas. Elle a donné 60 jours à Google pour lui répondre sur ce point.
Est-ce la première condamnation de Google ?
Non, ce n'est pas la première fois que la Commission européenne, gendarme de la concurrence dans l'UE, prononce une sanction contre le géant américain de la tech. En 2018, elle lui avait infligé une amende de 4,1 milliards d'euros pour abus de position dominante du système d'exploitation Android et une autre de 2,4 milliards d'euros en 2017 pour pratiques anticoncurrentielles sur le marché des comparateurs de prix.
La firme en est par ailleurs à sa troisième amende prononcée cette semaine. Elle a été condamnée mercredi aux Etats-Unis à verser 425,7 millions de dollars (363 millions d'euros) de dommages à près de 100 millions d'utilisateurs pour atteinte à leur vie privée, selon la décision d'un jury d'une cour fédérale de San Francisco. Le même jour, Google a écopé d'une amende record de 325 millions d'euros infligée par l'autorité française de contrôle du respect de la vie privée (Cnil) pour des manquements en matière de publicités et de cookies.
Le groupe va devoir aussi rendre des comptes dans le même domaine aux Etats-Unis prochainement. Dans une affaire lancée devant un tribunal fédéral de Virginie en janvier 2023, le ministère de la Justice reproche à Google d'avoir créé un monopole sur la publicité numérique à travers des acquisitions stratégiques et des pratiques anticoncurrentielles. La sanction de la justice américaine est encore en cours d'examen, avec des audiences prévues fin septembre.
Le géant américain va-t-il payer cette amende immédiatement ?
Dans une déclaration à l'AFP, Google a critiqué cette sanction de Bruxelles et annoncé son intention de faire appel devant la Cour de justice européenne. "La décision de la Commission européenne à propos de nos services Adtech est mauvaise et nous en ferons appel. Elle nous impose une amende injustifiée et des changements qui vont nuire à des milliers d'entreprises européennes en leur compliquant la tâche pour gagner de l'argent", a déclaré Lee-Anne Mulholland, vice-présidente de Google chargée des affaires réglementaires.
"Il n'y a rien d'anticoncurrentiel à fournir des services aux acheteurs et aux vendeurs d'annonces, et il existe plus d'alternatives à nos services que jamais auparavant."
Lee-Anne Mulholland, vice-présidente de Googlecitée par l'AFP
En raison de cet appel, l'entreprise n'a pas à verser des fonds pour l'instant. Si la justice européenne confirme l'amende, celle-ci devra être réglée à la Commission et sera directement versée au budget de l'UE, comme l'explique l'institution sur son site. "Les contributions des Etats membres au budget de l'UE pour l'année suivante seront réduites en conséquence, précise la Commission. Les amendes contribuent donc au financement de l'UE et allègent la charge des contribuables." Dans le cas où les sommes ne seraient pas réglées, la Commission européenne saisirait la justice européenne.
Cette décision risque-t-elle de remettre en cause l'accord sur les droits de douane ?
C'est ce que redoutent les Européens et c'est pourquoi la Commission a rendu cette décision après une semaine d'atermoiements. "C'est une sanction qu'elle a voulu imposer discrètement mais 3 milliards d'euros, c'est considérable. C'est de nature à relancer la guerre commerciale" avec les Etats-Unis, a estimé Patrick Martin-Genier, enseignant à Sciences-Po et spécialiste des questions européennes.
La réaction de Donald Trump ne s'est pas fait attendre. Le président américain, qui avait déjà vigoureusement attaqué fin août les pays ou organisations régulant le secteur de la tech, a protesté vendredi sur son réseau Truth Social. "L'Union européenne doit IMMEDIATEMENT arrêter ces pratiques contre les entreprises américaines", a-t-il lancé, assurant que si l'UE ne revenait pas sur les amendes "injustes" infligées à Google mais aussi à Apple, il serait "contraint" de déclencher un mécanisme de droits de douane punitifs, la "Section 301". Issue de la loi américaine sur le commerce en 1974, elle autorise les Etats-Unis à prendre des sanctions unilatérales contre d'autres pays en cas de différends commerciaux.
Cette réaction de l'élu républicain de 79 ans peut surprendre, dans la mesure où la justice américaine elle-même estime que Google maintient illégalement un monopole sur la publicité numérique. Mais Donald Trump a pris fait et cause pour les poids lourds de la tech américaine, qui se sont massivement ralliés à lui depuis son retour au pouvoir. Les patrons de Google, Sundar Pichai, et d'Apple, Tim Cook, ont d'ailleurs participé jeudi soir à un dîner à la Maison Blanche.
Selon Patrick Martin-Genier, "la Commission a pris cette sanction en sachant que certains dirigeants européens seraient gênés voire hostiles", en raison des possibles représailles américaines. Et de citer le secteur automobile allemand ou de la vigne française, qui pourraient faire les frais de cette décision.
"Demain, ce qui nous guette, ce n'est pas 15%, mais 30 ou 40 voire 100% de droits de douane."
Patrick Martin-Genier, spécialiste des questions européennesà franceinfo
Une menace "inacceptable", juge Sandro Gozi, eurodéputé Renew et secrétaire général du Parti démocrate européen. Auteur d'une tribune parue vendredi dans Le Monde, il estime sur franceinfo que les géants du numérique "utilisent le président Trump contre l'Europe". "Ils sont très intéressés" par "notre marché", mais "ils voudraient le faire sans règles, explique Sandro Gozi. Ils voudraient le Far West en Europe, ceci n'est pas possible."
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