: Reportage "On prend le risque d'être pris pour cible" : dans le quotidien d'une aide-soignante en Nouvelle-Calédonie
Alors que la situation reste "difficile" dans l'archipel, les soignants travaillent dans des conditions compliquées. franceinfo a suivi une aide-soignante à Nouméa.
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La situation reste tendue à Nouméa, où les forces de l'ordre multiplient les opérations pour faire revenir l'ordre, notamment dans les quartiers du nord de la ville où les barrages sont omniprésents. Ces troubles perturbent la vie quotidienne des habitants. Il est difficile de trouver à manger, aller travailler ou encore se faire soigner. Le Médipôle, hôpital public de Nouméa, est rendu très difficile d'accès pour le personnel et les patients en demande de soins. franceinfo a rencontré une aide-soignante en première ligne qui raconte son organisation pendant la crise.
Elle s'appelle Mélissa et dès qu'elle le peut elle va rendre visite à ses voisins les plus vulnérables. Ce jour-là elle apporte des oignons surgelés et un stock inépuisable de joie de vivre et d'énergie qui réconfortent Gracienne, 78 ans, terrée chez elle depuis le début des violences. "Il y en a beaucoup qui disent 'on va vous aider, mais je ne les vois pas'. Je suis malade et mon mari aussi", témoigne Gracienne. Mélissa, elle, jongle pour faire les courses. "Je fais les courses à pied avec un sac à dos, je vais dans les boutiques qui sont ouvertes et je fais la queue. Je suis limitée comme tout le monde en pain, en lait, donc on partage", confie-t-elle.
Dormir sur place à l'hôpital
La mère de deux garçons, soignante au Médipôle depuis 20 ans, cumule en réalité trois emplois. "Je garde des enfants et je fais auxiliaire de vie chez les personnes âgées", explique-t-elle. Mais à cause des émeutes, elle ne peut plus aller voir ces personnes âgées, c'est donc aussi une perte de salaire pour elle. À l'hôpital, les gardes de ces derniers jours ont été particulièrement éprouvantes. L'établissement surveillé par les forces de l'ordre est épargné mais il est entouré d'une succession de bâtiments brûlés ouverts aux quatre vents.
Mélissa y a dormi la semaine dernière, ce qui est plus pratique avec le couvre-feu de 18 heures à 6 heures du matin qui est toujours en vigueur. "Ça aussi ça commence à poser problème parce qu'il n'y a pas suffisamment de place. Ce n'est quand même pas fait pour. On se partage les lits, on se partage les draps. D'ailleurs on amène nos draps", décrit-elle. Désormais c'est avec une navette maritime qu'elle va travailler à l'hôpital de Nouméa à cause des multiples barrages sur les routes.
"Par contre le transport n'est pas sécurisé non plus donc à un moment donné on prend aussi le risque de se faire repérer, d'être pris pour des forces de l'ordre en civil, c'est tout à fait possible"
Mélissa, aide-soignante à Nouméaà franceinfo
Autre inquiétude : les conditions de travail dégradées, faute de personnel et d'approvisionnement en tout. "La situation est préoccupante pour nous, soignants, car on voit très bien que les difficultés s'accélèrent, on a du mal à les anticiper", confesse Mélissa. Elle évoque notamment le problème de 'l'acheminement. "L'acheminement du personnel, les produits d'hygiène, les tenues, la nourriture pour les patients, pour les soignants. On nous a demandé par exemple par mail de venir avec notre propre papier toilettes. Ce sont des choses banales et basiques mais mises bout à bout, ça crée une certaine anxiété", assure Mélissa.
Des contraintes qui se posent aussi pour les patients. "Va se poser le problème de nos vieux, de nos mamans vulnérables. On est submergés par la situation. Nos patients à domicile qui pourraient sortir c'est compliqué et s'ils sortent ils prennent des risques et on est inquiets", dit-elle.
Parmi les personnes qu'elle soigne, Mélissa a aussi reçu des émeutiers blessés lors d'affrontements. Pour eux, "beaucoup de plaies et de brûlures, quelques blessés par balle. Cela m'est arrivé de dialoguer avec eux, mais on a le sentiment que pour ceux-là il y a du regret. Ils nous disent qu'ils sont quand même bien contents d'être à l'hôpital et qu'on les ait sorti d'affaire. Ils nous rassurent en nous disant que normalement on ne devrait pas s'inquiéter, qu'ils ne viendront jamais foutre le bazar chez nous. Mais quand ils ne sont pas malades et qu'ils sont alcoolisés, est-ce que cette parole-là est fiable ?", s'interroge Mélissa.
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