La mère d'un enfant mort en Syrie témoigne : "On nous dit qu'on n'a rien vu, qu'on a laissé faire, qu’on n’a pas su donner d'amour... Mais non !"
Dans son livre "Quentin, qu'ont-ils fait de toi", Véronique Roy raconte le lent processus de radicalisation qui a mené son fils jusqu'en Syrie. Elle est l'invitée de franceinfo.
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Véronique Roy, mère d'un garçon mort en Syrie, publie, jeudi 9 février, Quentin, qu'ont-ils fait de toi, chez Robert Laffont. Elle se confie, mercredi sur franceinfo, et raconte le long procesus de radicalisation qui a conduit son fils jusqu'en Syrie. "Au départ, on ne perçoit pas la nuance entre ce qui nous paraît être une pratique intégriste et la bascule vers le jihadisme et la radicalisation violente."
franceinfo : Vous écrivez ce livre à un moment où on comprend tellement peu les actes de terrorisme que l'on juge aussi les parents. C'était important de le montrer au travers de ce livre ?
Véronique Roy : C'est un trauma dans une famille quand vous avez un enfant qui part sans prévenir, qui ne vous dit pas au revoir et qui finit par mourir. On ne reverra jamais le corps, on n'a pas de sépulture. C'est sur fond de guerre, de terrorisme que l'on associe à nos enfants. Ce n'est pas forcément lié mais la peur nous invite à trouver des responsables. C'est tellement facile d'associer ces jeunes qu'on qualifie de jihadistes à des terroristes, l'actualité peut permettre de faire ce lien. Nous, quand on vit ça de l'intérieur, c'est quelque chose qui monte crescendo, qui nous est caché. On ne voit pas les signes, on ne comprend pas, on n'a pas de manuel pour nous dire comment ça se passe. Au départ, on ne perçoit pas la nuance entre ce qui nous paraît être une pratique intégriste et la bascule vers le jihadisme et la radicalisation violente.
Comment savoir que son enfant a basculé ?
C'est l'association de tout une série d'éléments, sur un an et demi. Quand on les voit a posteriori, on se dit que, oui, c'était flagrant. Et c'est pour ça que des gens disent qu'on est des parents déficients, qu'on n'a rien vu, qu'on a laissé faire, que nous avons été laxistes, trop tolérants. Des gens qui se cachent derrière internet, des blogs, nous disent : "Renie ton fils" ! Il y a aussi des gens impliqués dans la "déradicalisation", qui disent que [nous sommes] des parents qui n'ont pas su donner d'éducation, qui n'ont pas su donner d'amour. Mais non ! Le problème n'est pas là. Contrairement à ce qu'on nous dit, la radicalisation se fait au contact de quelqu'un. Dans ce "quelqu'un", il y a des amis de Quentin. D'un islam qu'il a choisi au départ, qui devait rester un islam normal, modéré, dépassionné, il a basculé, au contact d'amis radicaux, vers quelque chose de plus fondamentaliste. Et justifiant un départ vers le califat : puisque c'est prescrit, il faut le faire. Si tu es un bon musulman tu n'as pas le choix, tu dois partir.
A l'époque, vous tâtonnez beaucoup. Est-ce que vous pensez que si ça arrivait aujourd'hui, vous sauriez retenir votre enfant ?
Je ne peux pas le garantir. Le phénomène d'embrigadement est extrêmement pernicieux. Il faut éviter de basculer, faire machine arrière est difficile. Je serais plus vigilante. Aujourd'hui, on en parle plus, on en parle mieux. Il y a des choses qui n'existaient pas à l'époque, il y a le numéro vert [Stop Djihadisme, 0 800 005 696] qui n'est pas parfait mais qui a le mérite d'exister. Il permet de faire du signalement, ce n'est pas de la délation. J'aurais pu protéger mon enfant. Si la mosquée qu'il a fréquenté avait été fermée, si on avait pris la mesure de l'inquiétude et qu'on avait informé la population, oui, ça aurait fait "tilt" dans ma tête. Je me serais dit, finalement, que cette conversion n'était peut être pas anodine. J'aurais peut-être confisqué son passeport, même s'il était majeur. Et que c'est compliqué : quand on allait au commissariat, on nous disait qu'un adulte a le droit de voyager. J'aurais peut-être tenté des choses. Nous, on n'a pas voulu le braquer. On ne voyait que l'intégrisme religieux, qui nous faisait peur. Mais jamais je n'ai pensé à la Syrie.
Aujourd'hui on parle moins des jeunes qui partent que de ceux qui reviennent. Que dites-vous aux parents que vous rencontrez ?
Il faut croire au retour de son enfant. Ces jeunes sont des gens à réparer. Il faut croire à la possibilité de restaurer ces jeunes.
Quitte à les enfermer ?
Quitte à les enfermer, mais pas en prison. Il faut quelque chose d'adapté. Ce n'est pas au contact des radicaux qu'on va les sauver. Le problème c'est qu'en prison ils sont avec des radicaux, qui sont les pires parce que eux ne partent pas. Les recruteurs ne partent pas. Ce sont eux les criminels.
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