"Menace grave" ou victime "d'une famille tyrannique" ? La justice examine la demande d'expulsion en Algérie d'une "revenante" de Syrie
Une jeune femme de 24 ans, rapatriée de Syrie en janvier, est aujourd'hui menacée d’expulsion vers l’Algérie, où elle n’est jamais allée. Le préfet du Nord est venu en personne défendre sa position mercredi à l’audience devant la commission d’expulsion du tribunal administratif de Lille.
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Une jeune femme rapatriée de Syrie en France est menacée désormais d'expulsion. Sana (le prénom à été modifié), âgée aujourd'hui de 24 ans, a été emmenée sur le territoire de l'Etat islamique par sa mère, radicalisée, qui l'avait auparavant déscolarisée deux ans sans que cela n'alerte l'Education nationale ni les services sociaux. Sana est l'une des rares "revenantes" à ne pas être poursuivie par la justice française. Malgré cela, le préfet du Nord souhaite son expulsion vers l'Algérie, le pays de ses parents. Pays où elle n'est jamais allée.
Sana, victime d'angoisses, a été hospitalisée dans la nuit et n'a pu se présenter mercredi 13 septembre à l'audience à Lille, mais le préfet, lui, était là. Il est rare qu'un préfet se déplace en personne. "Je viens moi-même sans hésitation", a répété Georges-François Leclerc devant les trois magistrats. Selon lui, Sana est certes née en France, mais ses parents algériens n'ont jamais rempli les formulaires qui lui auraient permis de devenir française à 13 ans.
Un rapport à l'islamisme ambigu, estime le préfet
"Le droit, c'est le droit", commente-t-il et il invite les juges à prendre "de la distance face au narratif développé par la défense". Pour lui, Sana est "une menace grave pour l'ordre public et la République française". Car si la justice n'a engagé aucune poursuite contre elle, le préfet juge tout de même son rapport à l'islamisme ambigu. Il s'appuie sur des rires exprimés au cours des quatre jours de garde à vue devant les services de renseignement à son retour en France en janvier. Le préfet estime qu'elle a été élusive dans ses réponses et n'a pas condamné suffisamment les actes terroristes. Il souligne qu'elle appartient à une famille roubaisienne dont "23 membres sont partis au jihad", insiste-t-il.
Pour Georges-François Leclerc, Sana a accompagné sa mère en Syrie et s'est mariée à un combattant là-bas. "Un départ et un mariage forcé à 15 ans, c'est synonyme de viol pour une enfant qui n'avait jamais même embrassé un garçon", réplique l'avocate de la jeune femme. "Tous les enfants qui grandissent dans une famille d'assassins ne sont pas des assassins", lance Marie Dosé. Cette dernière cite de nombreux passages des auditions où "oui, sa cliente a ri, mais c'est un mécanisme de défense bien connu des psychiatres", insiste-t-elle. Avant d'expliquer qu'"elle a rarement vu une revenante autant coopérer, au contraire, avec les services de renseignements, et même condamner les horreurs notamment du 13-Novembre". Les agents du renseignement viennent encore lui rendre des visites régulièrement à Lille car son témoignage est "précieux pour eux", ajoute l'avocate.
Elle a "dénoncé les coups" de sa mère
Cette jeune femme se décrit comme une résiliente qui a survécu à l'Etat islamique. Dans un texte lu par son avocate, Sana déclare : "J'ai grandi en France dans une famille tyrannique. J'ai subi la guerre, l'enfer... Mes seuls moments d'espoir, c'est quand je pensais à l'école en France quand j'étais petite et comme tous les autres élèves." Sana n'avait été reconnue par sa mère que deux mois après sa naissance, elle a "dénoncé ses coups, ses humiliations, sa déscolarisation à 13 ans, son enfermement". Son avocate explique que "c'est précisément la haine qu'elle a nourri contre cette mère et son idéologie qui lui a permis de rester combattive".
Aujourd'hui, Sana s'est portée partie civile contre elle et veut changer de nom de famille. Ses deux filles de 5 et 7 ans, nées en Syrie, sont son moteur. Elles ont été placées en famille d'accueil à Lille. Elle les voit chaque semaine. Les voir s'épanouir en France lui donne son énergie. Parmi les derniers arguments développés par le préfet du Nord : Sana intéresserait la justice allemande. Mais "comme simple témoin, certainement pas pour la mettre en cause", précise Me Dosé, sidérée de devoir apporter cette précision essentielle.
Le préfet explique enfin qu'un des éducateurs qui suit Sana ne veut plus travailler avec elle car il la jugerait "affabulatrice". Aucun document n'est versé toutefois pour étayer cette affirmation. Le responsable de l'association, financée par la préfecture, qui accompagne la jeune femme est présent dans la salle. Il dément fermement.
Sur ces échanges, la commission s'est retirée. Elle rendra son avis le 27 septembre. Un avis qui est consultatif. Si elle devait être renvoyée en Algérie, Sana mettrait pour la première fois les pieds dans ce pays où elle ne connaît personne. Le préfet estime qu'elle pourrait y être expulsée avec ses deux filles.
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