Vidéo Assassinat de Samuel Paty : les minutes de silence "n'apportent clairement rien aux élèves", déplore la sœur de l'enseignant

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Article rédigé par France 2 - Édité par l'agence 6Medias
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Cinq ans jour pour jour après l'assassinat de son frère par un jeune islamiste radicalisé, Gaëlle Paty présente son livre dans le "20 Heures", "Un procès pour l'avenir", sur les sept semaines de procès des accusés impliqués dans la mort du professeur d'histoire-géographie, qu'elle a suivi fin 2024.

Cinq ans après l'assassinat de Samuel Paty, enseignant en histoire-géographie, tué près de son collège à Conflans-Sainte-Honorine, par un jeune tchétchène islamiste radicalisé, sa sœur, Gaëlle Paty, revient dans le "20 heures" du 16 octobre sur l'issue du procès en décembre dernier dans un livre, Un procès pour l'avenir (publié aux éditions Flammarion), coécrit avec l'historienne Valérie Igounet et illustré par Guy Le Besnerais. Elle y raconte les sept semaines décisives du procès fin 2024 auxquelles elle a assisté.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.


Léa Salamé : Ce livre, vous le dites d'emblée, il est pour les jeunes. C'est pour ça que vous l'avez écrit et c'est pour ça que vous le publiez, pour eux, pour la jeunesse.

Gaëlle Paty : Oui, je l'écris pour les jeunes, pour leurs enseignants, les collégiens, les lycéens, quelque part pour qu'il y ait un outil pour raconter cet engrenage mortifère qui a conduit à la mort de Samuel, parce qu'il n'est pas mort par hasard. C'est important de rappeler les responsabilités de la famille qui a lancé la cabale sur les réseaux sociaux. C'est important de rappeler le rôle des réseaux sociaux. C'est important de rappeler ce que veut dire le mot laïcité dans nos écoles. L'idée, c'était d'avoir un ouvrage qui permette aux enseignants de s'appuyer dessus, notamment grâce au dessin et à un format qui est quand même assez léger à lire, enfin léger dans le sens facile à lire, pour pouvoir être abordé avec des jeunes.

Il est facile à lire, comme vous dites, et il y a de très beaux dessins. Ce procès, vous l'attendiez depuis quatre ans, depuis l'assassinat de votre frère. Vous dites dans le livre : "J'avais bloqué toute ma vie à ce mur du procès." Vous étiez tous les jours à l'audience et vous racontez tous les sentiments qui vous ont traversée face aux accusés. Qu'est-ce que ce procès vous a appris ?

J'ai eu ce besoin d'assister à cette semaine et j'ai eu besoin ensuite de détricoter ce qu'il s'était passé en moi pendant ces sept semaines, parce qu'on parle beaucoup d'émotions, mais c'est compliqué de les détricoter ensuite. Ce que cela m'a apporté, d'abord une compréhension exacte des faits, une compréhension partielle des personnes qui sont à l'origine de cet engrenage et des responsabilités de chacun, même s'il reste des parties d'ombre, évidemment, puisqu'ils se sont enfermés dans une logique de non-responsabilité et de déni total. Ils sont revenus sur leurs déclarations en garde à vue. On n'a pas avancé sur la compréhension exacte. Ça m'a permis de me plonger dedans, complètement.

"Certains ont encore peur, je les comprends"

Et ça vous a permis de commencer à faire votre deuil ?

Oui, exactement, parce que ça m'a permis de trouver un sens. Ce n'est pas un pardon, ce ne sont pas des excuses, mais c'est bien comprendre pour être capable de regarder en face. C'était tellement lourd à porter. C'était compliqué pour moi de regarder en face. Là, maintenant, je suis capable d'en parler facilement. Je suis capable d'écrire ces lignes que je n'aurais pas été capable d'écrire avant et maintenant je suis capable aussi d'avancer et de me dire maintenant que ça va mieux. Quelque part, il faut qu'on en fasse quelque chose.

Ce livre, il est aussi, je le disais, pour les jeunes, mais il est aussi pour les enseignants. Vous dites que beaucoup d'enseignants ont encore peur, peur de parler de la laïcité, peur que l'Éducation nationale ne les soutienne pas.

Certains ont encore peur, je les comprends. Parfois, les situations sont très complexes et très compliquées dans certains établissements scolaires. D'autres s'emparent, rentrent dans l'action, engagent leur classe dans des projets, notamment avec leurs collègues. Quelque part, je pense que c'est important pour eux de sortir de leur périmètre de classe où les choses peuvent être très compliquées.

Et d'ailleurs, vous dites sur les minutes de silence qui étaient organisées avant-hier pour Samuel Paty et pour Dominique Bernard, assassinés trois ans après lui, vous dites qu'elles sont un peu inutiles.

Oui, parce qu'elles ne sont pas accompagnées de supports pédagogiques, d'un discours construit dans les établissements. Elles sont un peu la moindre des choses qu'on doit faire, mais elles n'apportent clairement rien aux élèves et elles peuvent mettre en difficulté les enseignants.

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