Elève en prépa, mouvance incel, couteaux... Ce que l'on sait du projet d'attentat masculiniste déjoué après l'arrestation d'un étudiant de 18 ans

Article rédigé par franceinfo
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Le jeune homme a été interpellé à proximité d'un lycée à Saint-Etienne (Loire) en possession de deux couteaux le 27 juin 2025, selon une source judiciaire. (ARTHUR NICHOLAS ORCHARD / HANS LUCAS / AFP)
Le jeune homme a été interpellé à proximité d'un lycée à Saint-Etienne (Loire) en possession de deux couteaux le 27 juin 2025, selon une source judiciaire. (ARTHUR NICHOLAS ORCHARD / HANS LUCAS / AFP)

Le mis en cause a été interpellé par la DGSI près d'un lycée de Saint-Etienne le 27 juin, selon une source judiciaire. Il était en possession de deux couteaux.

C'est une première pour le Parquet national antiterroriste (Pnat). Un étudiant de 18 ans a été mis en examen pour association de malfaiteurs terroriste après avoir été interpellé par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) le 27 juin, a appris franceinfo auprès du Pnat, mercredi 2 juillet, confirmant une information de l'AFP. Il s'agit de la première saisine de cette juridiction "concernant un individu se revendiquant exclusivement" du courant de pensée incel, a confirmé une source proche de l'enquête. Soupçonné d'avoir voulu attaquer des femmes, le jeune homme a été mis en examen et placé en détention provisoire mardi à Paris. Voici ce que l'on sait de cette affaire.

Un jeune homme interpellé en possession de deux couteaux

Selon nos informations, l'arrestation du suspect a eu lieu vendredi. Il a été interpellé à proximité d'un lycée à Saint-Etienne (Loire) en possession de deux couteaux, affirme une source judiciaire à France Télévisions. Le jeune homme est étudiant en classe préparatoire de chimie dans ce même établissement et a pour projet de devenir ingénieur, a appris France Télévisions auprès de plusieurs sources proches du dossier.

D'après des sources proches du dossier à l'AFP, le suspect, dont la famille réside dans la région stéphanoise, voulait s'en prendre à des femmes. Il a été mis en examen mardi pour "association de malfaiteurs terroriste en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes". D'allure juvénile et timide, le visage presque glabre et le corps fluet, vêtu d'un tee-shirt bleu marine, le mis en cause a comparu mardi soir devant un juge des libertés et de la détention, qui l'a incarcéré, a rapporté un journaliste de l'AFP. 

Contactée par franceinfo, Maria Snitsar, décrit un "adolescent perdu, en souffrance, mal dans sa peau, qui est, à [son] avis, très fragile". Il est toutefois "épaulé par sa famille" et peut compter sur "des parents présents qui l'accompagnent et sont très touchés par ce qui se passe". A sa connaissance, son casier judiciaire "ne porte trace d'aucune mention". "Une information judiciaire vient d'être ouverte, on va partir sur une enquête qui va durer plusieurs mois", détaille l'avocate.

Un suspect qui se revendique de la mouvance incel

Le Pnat a confirmé l'ouverture d'une information judiciaire "du chef d'association de malfaiteurs terroriste en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes" qui vise un "jeune homme de 18 ans, se revendiquant de la mouvance incel". Ce terme, issu de l'expression anglophone involuntary celibate (célibataire involontaire), désigne "une forme d'antiféminisme qui s'appuie sur l'idée que les hommes souffrent à cause des femmes et des féministes, parce que la société serait trop féminisée et que les femmes y prendraient trop de place", selon Mélissa Blais, sociologue spécialiste des mouvements antiféministes.

Plusieurs sources proches du dossier précisent à France Télévisions que le mis en cause "a compulsé des vidéos masculinistes, notamment sur le réseau social TikTok", confirmant une information de l'AFP.

“Le fait d’être sur les réseaux sociaux a nécessairement joué un rôle. Maintenant, il va falloir déterminer dans quelle proportion."

Maria Snitsar, avocate du mis en cause

à franceinfo

Depuis quelques mois, la mouvance masculiniste prend de plus en plus d'ampleur sur les réseaux sociaux, particulièrement sur TikTok. "Les influenceurs masculinistes vendent un idéal : le rêve de l'ascension sociale, de la richesse et de la réussite via la "revirilisation" des hommes", d'après Mélissa Blais, contactée par franceinfo.

Un cas inédit pour le Parquet national antiterroriste

"Il s'agit de la première saisine du Pnat concernant un individu se revendiquant exclusivement de la mouvance incel", confirme une source proche de l'enquête. Si cette idéologie avait déjà été mentionnée dans deux affaires traitées par le parquet antiterroriste, elle n'en constituait qu'un élément secondaire. L'un de ces cas, en 2023, concernait un jeune homme issu de l'ultradroite soupçonné de préparer des actions violentes. L'autre affaire, déjà jugée, impliquait quatre mis en cause, parmi lesquels l'un envisageait de partir en Syrie et deux autres faisaient l'apologie d'Hitler et du nazisme. Deux d'entre eux adhéraient par ailleurs à l'idée complotiste du "grand remplacement" et admiraient les auteurs de tueries de masse attribuées à l'extrême droite.

Dans le cas du dossier de l'étudiant en chimie, le mobile semble se concentrer sur la haine des femmes. La mouvance incel s'inscrit dans une longue tradition de violence misogyne. 'Il a commencé à se développer dans les années 1980, et s'est surtout fait connaître dans les années 2000, dans des pays où le mouvement féministe était fort et audible, comme en Australie, en Angleterre, aux Etats-Unis et au Canada", retrace Mélissa Blais. 

En 1989, un homme de 25 ans, revendiqué "antiféministe", avait ouvert le feu à l'école polytechnique de Montréal, tuant 13 étudiantes et une secrétaire, avant de se suicider. L'attentat, l'une des pires tueries de l'histoire du Canada, avait profondément ébranlé ce pays. La série Netflix Adolescence, diffusée au printemps et qui a connu un grand succès, a également mis en lumière ces influences toxiques et misogynes auxquelles sont exposés les jeunes hommes en ligne.

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