"Il nous reste les mots", le dialogue bouleversant entre le père d'une victime et celui d'un terroriste du Bataclan
Le livre sort jeudi en librairie et raconte la rencontre entre Georges Salines, le père d'une victime du Bataclan, et Azdyne Amimour, celui d'un des trois terroristes du commando.
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C'est un dialogue incroyable, parfois dérangeant, porteur en tous cas de tolérance. Il nous reste les mots sort jeudi 9 janvier en librairie (éditions Robert Laffont). Ce livre est le fruit de la rencontre entre deux pères Georges Salines, qui a perdu sa fille Lola au Bataclan le 13 novembre 2015, et Azdyne Amimour, père de l'un des trois terroristes du commando de la salle de concert.
Ils sont assis côte à côte dans un café près de la gare de Lyon, où ils nous ont donné rendez-vous. Deux pères que tout semble opposer, deux "endeuillés" disent-ils d'une même voix, avec en commun la perte d'un enfant du même âge, 28 ans, cette terrible nuit du 13 novembre.
Deux pères victimes
Lorsque Azdyne Amimour demande à Georges Salines de le rencontrer, le père de Lola lui pose cette seule question : "Pourquoi ?" L'homme d'origine algérienne lui répond : "Parce que je me sens aussi victime par rapport à mon fils." Une réponse qui ne choque pas Georges Salines. "J’avais publié un livre qui s’appelle L’indicible de A à Z où j’avais dit que les familles de jihadistes sont aussi des victimes, se souvient le père de Lola. Je le savais pour avoir rencontré des mères qui avaient perdu leur enfant en Syrie et j’avais pu toucher du doigt leur détresse. À vrai dire, je pense que les terroristes, qui sont totalement coupables et à qui je ne pardonne rien, sont aussi des victimes de leur propre folie. Ils ont perdu leur vie en poursuivant une chimère".
C’est le père d’un terroriste mais il ne partage pas du tout ses idées ou sa démarche. Je n’ai aucune raison de ne pas le rencontrer
Georges Salines, père de l'une des victimes du Bataclanà franceinfo
Il y a trois ans, ils se voient pour la première fois dans un café de la place de la Bastille, à Paris. Les deux pères, évidemment, appréhendent cette impensable rencontre. "Au départ, j’étais inquiet, je ne savais pas comment il allait prendre la chose, se rappelle Azdyne Amimour. Dès les premiers mots, j’ai lu sur son visage ses traits de caractère et donc il m’avait mis à l’aise." Lors de cette première rencontre, le père du terroriste montre une photo de son fils à l'âge de 12 ans. "On voit la photo d’un petit garçon propre sur lui, mignon, auquel on a envie de faire une bise, décrit Georges Salines. Ce que ça m’a apporté, c’est d’essayer d’être capable de ne pas réduire cette vie à son acte final. Personne ne peut être réduit à ce qu’il a fait de pire dans sa vie. Je sais que je suis sorti de cette entretien totalement bouleversé."
Un acte politique
Au fil des rencontres le dialogue se tisse, Georges Salines veut comprendre comment de jeunes Français ont pu en venir à commettre de tels crimes, pour mieux prévenir la menace terroriste. Le choix de publier leurs échanges, c'est aussi un acte plus politique. "Le père d’un terroriste, est-ce qu’on a quelque chose à lui reprocher ou pas ? Est-ce qu’il est responsable automatiquement, ou pas toujours, dans certains cas ? Est-ce qu’on peut parler avec lui ? s'interroge Georges Salines. Si le père d’une victime peut parler avec le père d'un terroriste, je dois pouvoir parler avec mon voisin musulman, on peut discuter. Cette démarche-là, cette capacité à voir l’autre comme un être humain, ça participe à la résilience. Ceux qui s’abandonnent à un acte de vengeance, ils vont mal."
Un acte de résilience pour Georges Salines, une forme de thérapie pour Azdyne Amimour, rongé par la culpabilité. "Je pensais que d’avoir évité tout ce que j’avais subi dans ma vie, c’était déjà 90% de la réussite de l'éducation de mon fils, explique le père du terroriste. Mais après, il y a des choses qui nous échappent."
Je sais que j’ai failli quelque part mais je n’arrive pas à trouver. Le 'pourquoi ?', ça me hante, jusqu’à présent.
Azdyne Amimour, père de l'un des terroristes du Bataclanà franceinfo
Il nous reste les mots, comme le clame le titre de ce livre, est un dialogue "fraternel" disent les deux hommes, et même d'une certaine façon salvateur.
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