Racisme dans la police : "C'est très loin d'être un phénomène isolé", dénonce un délégué du syndicat Vigi
Pour Noam Anouar, l'administration policière "adopte une attitude de complicité passive de tous ces actes racistes". Il affirme aussi qu'il existe un deuxième groupe de forces de l'ordre sur Facebook avec des propos racistes, antisémites, sexistes et homophobes.
"C'est très, très loin d'être un phénomène isolé", a affirmé Noam Anouar, délégué du syndicat policier Vigi, sur franceinfo samedi 6 juin, après les révélations de l'enquête de StreetPress vendredi sur des messages racistes publiés sur Facebook et attribués à des membres des forces de l'ordre. Le parquet de Paris a ouvert samedi une enquête préliminaire. Pour le syndicaliste, il existe "un deuxième groupe [Facebook], beaucoup plus virulent que celui qui a été mis en lumière (...) avec des attaques extrêmement virulentes à caractère racial, sexiste, antisémite, homophobe".
Des manifestations sont prévues dans plusieurs villes françaises samedi pour dénoncer le racisme dans la police et les violences policières, le délégué du syndicat policier Vigi estime que "l'administration [de la police] adopte une attitude de complicité passive de tous ces actes, de toutes ces remarques racistes qui gangrènent notre institution". Sur franceinfo, il dénonce "une tendance idéologique d'extrême droite" qui se dessine "de façon incontestable" chez les policiers et "dans la haute hiérarchie".
franceinfo : Quelle est votre réaction, quand vous entendez des policiers dénoncer le racisme dans leurs rangs ?
Noam Anouar : De la consternation naturellement, parce que ce témoignage, j'aurais pu vous le fournir il y a une dizaine d'années et je pense que l'histoire se répète indéfiniment. Malgré les différents avertissements, les différents signalements, l'administration adopte une attitude de complicité passive de tous ces actes, de toutes ces remarques racistes qui gangrènent notre institution, même si naturellement on ne peut pas généraliser ces comportements. La police est faite d'individus multiples, mais il s'y dessine une tendance idéologique d'extrême droite de façon incontestable ces dernières années, chez la masse des gardiens de la paix, mais également dans la haute hiérarchie.
Comment se manifeste cette "complicité passive" que vous évoquez ?
J'en ai fait l'expérience. J'ai moi-même porté une affaire de racisme avec des éléments matérialisés devant l'Inspection générale de la police nationale (IGPN). Les individus dont il a été établi qu'ils étaient les auteurs de mails et d'échanges à caractère raciste ont été promus au grade supérieur et moi, j'ai été suspendu 24 mois, dont 18 avec sursis. Donc, en fait, l'IGPN et les autorités m'ont envoyé un signal très clair : on ne dénonce pas le racisme dans la police.
Il y a une omerta, une chape de plomb autour de cette question et quiconque s'aviserait de prendre la parole publiquement s'expose à des sanctions.
Noam Anouar, délégué du syndicat policier Vigià franceinfo
J'ai servi d'exemple pour mes nombreux collègues qui souffrent au quotidien de ces discriminations. Le vrai problème, fondamentalement, c'est l'absence totale de contrôle et de régulation sur ces questions-là. Malheureusement, je m'en inquiète. [Après une attaque à la préfecture de police de Paris en octobre 2019], on a appelé les collègues policiers à dénoncer les collègues musulmans sur la base de petits riens qui génèrent des drames, c'est-à-dire celui qui ne mange pas de porc, celui qui se laisse pousser la barbe, celui qui fait le ramadan. Le préfet a dit "je préfère l'injustice au drame et j'assumerai toute décision injuste". Donc à partir du moment où, dans l'histoire de France et des institutions, on fait disparaître la présomption d'innocence et un préfet, le plus haut représentant de l'État, assume la présomption de culpabilité sur une base ethnico-raciale, alors la masse [des policiers] ne peut que suivre l'exemple. Donc ce n'est pas qu'un problème de masse des gardiens de la paix de la police, c'est aussi un problème qui est lié au niveau des autorités.
Vous dîtes qu'une idéologie d'extrême droite augmente dans la profession. Comment la décelez-vous ?
Tous les sondages ont démontré une adhésion majoritaire aux thèses du Rassemblement national, même si on ne peut pas faire de lien direct avec l'extrême droite ou avec la violence raciste puisqu'il s'agit d'opinions politiques qui s'expriment dans le cadre privé. Mais à titre professionnel, notre institution se doit plus que les autres d'être neutre et exemplaire, ce qui n'est vraisemblablement pas le cas au regard de la nature des contrôles qui sont exercés. Je ne parle pas uniquement des contrôles d'identité, mais également des débits de boissons, par exemple des restaurants, des petits snacks, des sandwicheries qui vont être contrôlés, des entreprises, des chantiers, des interpellations qui sont réalisées et des verbalisations également sur les circuits routiers. Dans le ciblage et dans la façon qu'on a de regarder nos concitoyens, parfois, on peut effectivement avoir une vision discriminante de ce qui pourrait être le profil type d'un délinquant.
Connaissez-vous d'autres groupes de policiers sur les réseaux sociaux qui échangent des propos racistes ?
Oui, j'en profite pour vous faire part de l'existence d'un deuxième groupe, beaucoup plus virulent que celui qui a été mis en lumière par StreetPress cette semaine, pour lequel le ministre de l'Intérieur a saisi la justice. Je vous conseille de rester attentifs à ce qui va paraître prochainement dans la presse parce que vous verrez que c'est très, très loin d'être un phénomène isolé. C'est un groupe sur Facebook avec des attaques extrêmement virulentes à caractère racial, sexiste, antisémite, homophobe. C'est un groupe sur lequel on est cooptés, c'est-à-dire qu'on contrôle l'identité des adhérents en leur demandant leur matricule, etc. Donc, on ne peut y entrer que par cooptation et à l'intérieur, on y échange des propos qui tombent clairement sous le coup de la loi.
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