Contrôles plus fréquents, méfiance en hausse... La relation police-population continue de se dégrader, selon un rapport de la Défenseure des droits
Le rapport analysant les contrôles d’identité et dépôts de plainte met en avant une accentuation de la "dualisation" des interactions avec "certains groupes sociaux", comme les personnes en situation de handicap ou personnes perçues comme non blanches. Seule la moitié de la population se déclare "confiante ou rassurée".
Un rapport de la Défenseure des droits, intitulé Relations police/population : contrôles d’identité et dépôts de plainte et publié mardi 24 juin, met en lumière une "dualisation" des interactions entre les citoyens et les forces de l'ordre en France, avec "certains groupes sociaux" qui "bénéficient de relations conformes au code de déontologie tandis que d’autres apparaissent davantage confrontés à des comportements inappropriés voire discriminatoires".
Les contrôles d'identité ont fortement augmenté ces cinq dernières années, avec "une forte augmentation de la proportion de personnes ayant fait l'objet d'un contrôle", notamment chez les cadres +81%, les 55-64 ans (+148%) et chez les "personnes perçues comme blanches exclusivement" (+79%). Au total, près d'un quart des Français déclare avoir été contrôlé (26%).
Tutoiement, brutalité... Des comportements "inappropriés"
Cependant, les inégalités demeurent. Les "jeunes hommes perçus comme noirs, arabes ou maghrébins ont 4 fois plus de risque d’avoir été contrôlés que le reste de la population" et "12 fois plus de risque de faire l'objet d'un contrôle poussé, à savoir fouille, palpation, conduite au poste ou injonction à quitter les lieux". De plus, "19% des personnes contrôlées" déclarent des comportements "inappropriés" de la part des forces de sécurité, tels que le tutoiement (14%), les provocations ou insultes (7%), et les comportements brutaux (7%).
Ces attitudes sont "deux fois plus souvent rapportées par les personnes perçues comme noires, arabes ou maghrébines" (30% contre 15%). Par ailleurs, "les personnes qui se déclarent non-hétérosexuelles ont 50% de risque en plus d'être confrontées à des comportements inappropriés lors d'un contrôle". Seules "8% des personnes contrôlées ayant fait l’objet de comportements inadaptés ont tenté de faire reconnaître cette situation", illustrant un "non-recours toujours prégnant".
Des "refus de dépôt de plainte"
Le dépôt de plainte peut également être source de frictions. En 2024, 34% des personnes interrogées ont déposé plainte ou une main courante au cours de cinq dernières années. Mais "21% des personnes ayant souhaité déposer une plainte ou une main courante déclarent de mauvais comportements des forces de sécurité à cette occasion et 21% se sont heurtées à un refus de dépôt de plainte". Ce refus, pourtant "interdit par la loi", affecte davantage "les personnes en situation de handicap (37%)", celles "portant un signe religieux (33%)", les personnes "au chômage (30%)", celles "résidant dans un quartier prioritaire (30%)" ou "perçues comme noires, arabes ou maghrébines (28%)". Les personnes en situation de handicap ont deux fois plus de risque d'être exposées à des comportements inappropriés, comme les jeunes et les personnes perçues comme non blanches (+80% de risque).
Ces expériences au contact de l'institution sont en lien étroit avec la confiance de la population dans les forces de l'ordre. Si "50% de la population se dit confiante ou rassurée" en présence des forces de l'ordre sur la voie publique, ce chiffre chute après une expérience négative. Par exemple, "59% des personnes qui ont déclaré avoir vécu des discriminations lors d’un contrôle de police indiquent se sentir inquiètes ou méfiantes" en présence des forces de sécurité.
En conclusion, la Défenseure des droits souligne que ces "expériences négatives" sont "loin d'être anodines" et "entretiennent un lien étroit avec une moindre confiance accordée aux forces de sécurité". Elles "peuvent conduire à une escalade des tensions en contexte d’intervention", puisque "16% des personnes se déclarant méfiantes en présence des forces de sécurité ont protesté pendant un contrôle ; ce n’est le cas que de 4% des personnes se disant confiantes ou rassurées".
Mettre en place une "traçabilité" des contrôles d'identité
L'objectif de la parution d'un tel rapport est d'établir un état des lieux pour ensuite proposer une série de mesures. "C'est bien en menant des enquêtes comme ça, en essayant d'évaluer les difficultés, qu'on arrive à proposer des solutions très concrètes", explique sur France Inter la Défenseure des droits Claire Hédon. Parmi ces propositions, "la question de la formation est essentielle", indique-t-elle, invitant notamment à expliquer plus clairement la justification, les raisons, du contrôle d'identité.
Une autre recommandation concerne la "traçabilité" des contrôles d'identité. "Nous demandons une traçabilité globale pour évaluer le nombre de contrôles d'identité et leur efficacité" mais aussi une "traçabilité individuelle car les gens qui sont contrôlés n'ont pas de preuve qu'ils ont été contrôlés et il n'y a pas de recours possible", poursuit Claire Hédon. Cela peut par exemple passer par un "déclenchement systématique des caméras-piétons".
"Renforcer les moyens donnés aux forces de l'ordre"
Enfin, la Défenseure des droits invite à renforcer les moyens donnés aux forces de l'ordre afin d'améliorer les prises en charge. "Je ne nie pas les difficultés auxquelles sont confrontées les forces de sécurité et la qualité de l'accueil en commissariat et gendarmerie dépend aussi des moyens qui sont donnés et de la qualité des bâtiments, ne serait-ce que cela si on veut accueillir correctement" les usagers, souligne-t-elle.
Ce rapport sur les relations police/population est le premier volet d'une enquête plus large qui s'intéressera ensuite aux services publics et aux droits des usagers, puis aux discriminations et enfin aux droits des enfants.
Méthodologie
L'enquête a été menée par Ipsos auprès de "5 030 personnes" âgées de 18 à 79 ans résidant en France métropolitaine, entre octobre 2024 et janvier 2025, en utilisant un protocole similaire à celui de 2016 mais enrichi de nouvelles thématiques. Le Défenseur des droits veille au respect de la déontologie par les acteurs de la sécurité, il est "l'organe externe de contrôle de la déontologie des forces de sécurité".
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