Barreaux sciés, attente au péage et voitures brûlées... Ce que révèlent les premiers éléments de l'enquête sur l'attaque d'un fourgon pénitentiaire dans l'Eure
Surnommé la "Mouche", Mohammed Amra est au cœur de l'enquête. S'il n'était pas un détenu particulièrement scruté, son niveau de surveillance venait tout juste d'être réévalué.
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Après le choc, les explications. Ou du moins la recherche d'explications. Après l'attaque d'un fourgon pénitentiaire au niveau du péage d'Incarville (Eure) sur l'A154, qui a fait deux morts et trois blessés parmi les agents pénitentiaires, mardi 14 mai, les enquêteurs tentent de retracer le fil des évènements. Au cœur de l'enquête : Mohamed Amra, le détenu de 30 ans toujours en cavale.
Si la traque policière a commencé, les enquêteurs ont pu commencer à se faire une idée de ce guet-apens meurtrier. Dès l'attaque, la juridiction nationale spécialisée de la lutte contre la criminalité organisée (Junalco) du parquet de Paris s'est saisie de l'enquête, et ses magistrats se sont rendus sur place. Le parquet de Paris a également saisi l'Office central de lutte contre la criminalité organisée (OCLCO) et la police judiciaire de Rouen. L'enquête porte sur les infractions de meurtre en tentative de meurtre en bande organisée, évasion en bande organisée, acquisition et détention d'arme de guerre, association de malfaiteurs en vue de la commission d'un crime.
La voiture attendait le convoi
Grâce aux témoignages recueillis au péage d'Ircanville entre Rouen et Evreux, et grâce aussi aux vidéos, les enquêteurs ont découvert le déroulé de cette attaque hors-norme. L'une des vidéos montre ainsi l'ensemble de la séquence, qui dure près de trois minutes : vers 11h au niveau du péage, on voit le convoi de la pénitentiaire franchir doucement la barrière du péage. À peine passés, le fourgon et la voiture avec le logo de l'administration se retrouvent face à une Peugeot noire, qui vient en sens inverse. Le véhicule percute le fourgon dans lequel se trouve le détenu Mohamed Amra.
D'après les premiers éléments de l'enquête, cette voiture noire était là depuis quelques minutes et attendait le convoi. En sortent alors deux hommes en tenues sombres, armés et encagoulés, tandis que surgissent de l'arrière d'autres malfaiteurs. Selon nos informations, ils sont équipés de gilets pare-balles et de fusils d'assaut type kalachnikov. Ce que ne montre pas la vidéo, c'est qu'une seconde voiture, derrière, a permis au commando de prendre le convoi en "sandwich". C'est à ce moment précis qu'un ou deux agents de la pénitentiaire sont alors exécutés, analyse un connaisseur de l'affaire, interrogé par franceinfo. Des agents ont visiblement riposté sans qu'on sache s'ils ont blessé l'un des malfaiteurs, repartis avec le détenu.
Berlines allemandes
Reste des zones d'ombre, à commencer la motivation de cette attaque sanglante. À ce stade, personne ne peut dire combien d'hommes composaient exactement cette équipe d'assaillants. Même les enquêteurs sont incertains, confrontés à des témoignages contradictoires. Mais ils en sont convaincus : cette évasion a été particulièrement préparée par une équipe très bien renseignée. Si la traque ne se concentre plus seulement en Normandie, les enquêteurs se penchent depuis l'attaque sur les véhicules abandonnés par le commando.
"Deux véhicules ont été retrouvés brûlés à proximité des communes d'Houtteville et Gauville-la-Campagne" dans l'Eure, a indiqué mardi soir lors d'une conférence de presse la procureure de la République de Paris, Laure Beccuau. "Les auteurs ont également manifestement tenté de mettre le feu au véhicule abandonné à la barrière de péage" et "ces véhicules font actuellement l'objet de tous les prélèvements et les recherches nécessaires", a ajouté Laure Beccuau. Ces deux berlines allemandes brûlées sont scrutées par la police scientifique, en plus de l'enquête, pour tenter d'identifier le parcours du commando et ses éventuelles planques.
La priorité des enquêteurs est de retracer l'itinéraire des fuyards, d'identifier les éventuels lieux où ils pourraient se cacher et les complicités dont ils peuvent bénéficier vu le niveau de préparation de l'opération.. Les forces de l'ordre se demandent également si les malfaiteurs ont déjà pu franchir une frontière. L'enquête se fait ainsi déjà en lien avec d'autres pays, "une coopération internationale" a été évoquée par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin.
"On se doutait qu'il était capable de tout"
Dans la journée de mardi, tous les policiers de France ont reçu la fiche de recherche de Mohamed Amra, alias "La Mouche". S'il n'est pas considéré comme dans le haut du spectre du banditisme, il est présenté comme quelqu'un de violent. "On se doutait qu'il était capable de tout", résume un policier, interrogé par franceinfo. Avec 13 condamnations et des mises en examen dans des affaires de meurtre - dont l'un peut-être commandité depuis sa cellule -, ce trafiquant rouennais était détenu pour tentative de meurtre, selon une source proche du dossier. Autre élément qui intrigue les enquêteurs : de sources concordantes, le détenu avait tenté lundi de scier les barreaux de sa cellule. Il avait alors été repéré et envoyé en quartier disciplinaire.
La "Mouche" vient d'ailleurs d'être condamnée à 18 mois de prison ferme début mai par le tribunal correctionnel d'Evreux pour vols aggravés. Il est également mis en examen à Marseille pour enlèvement et séquestration ayant entraîné la mort dans une affaire de livraison de drogue entre la cité phocéenne et la Normandie. Selon la chancellerie, le détenu était écroué à la maison d'arrêt d'Evreux et était en cours d'extraction pour se rendre au tribunal judiciaire de Rouen. Contrairement à ce qui était indiqué dans un premier temps par le parquet de Paris, cet homme n'était pas classé détenu particulièrement signalé (DPS), selon l'administration pénitentiaire. Il était classé "escorte 3", selon cette même source, ce qui signifie cinq agents dont un officier.
L'un des deux agents morts "laisse une femme et deux enfants qui devaient fêter leur 21e anniversaire dans deux jours, l'autre laisse une femme enceinte de cinq mois", a déploré Eric Dupond-Moretti, le ministre de la Justice lors d'un rapide point presse à Paris. Avant de promettre que les malfaiteurs seront "interpellés, jugés et châtiés à la hauteur du crime qu'ils ont commis".
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