"Une situation inadmissible" : le procès de l'attentat déjoué en 2017 à Marseille est renvoyé à cause du "manque de moyens de la justice"
Après quelques semaines d'audience, le procès de Clément Baur, Mahiedine Merabet et dix autres hommes à la cour d'assises spéciale de Paris pour un attentat déjoué en 2017 à Marseille a été renvoyé jeudi.
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Un procès pour terrorisme entièrement renvoyé après plus de deux semaines d'audience. C'est le procès dit "Baur-Merabet", procès de l'attentat déjoué à Marseille qui visait un meeting de Marine Le Pen en pleine campagne présidentielle 2017. Pourquoi ce renvoi jeudi 26 janvier après plus de deux semaines de débats ? Tout simplement parce que la Cour n'est plus au complet : une des cinq juges de la cour d'assises spéciales de Paris a dû être hospitalisée. Elle sera indisponible plusieurs semaines.
La maladie de l'une des juges assesseurs a donc suffit à faire s'effondrer tout une audience. Le plus souvent pour les procès longs, des juges suppléants sont désignés. Ils assistent aux audiences mais à l'issue ne participe pas aux délibérations. Ils sont là en somme au cas où un juge titulaire ferait défaut, tomberait malade : une grippe, une jambe cassée, etc. La présidente de ces assises spéciales du procès Baur-Merabet avait demandé un ou plusieurs juges assesseurs suppléants. La cour d'appel de Paris n'a pas pu accéder à cette demande "faute de magistrats disponibles".
Du temps perdu
À l'audience jeudi matin, la présidente a eu des mots vifs : "Je tiens avant tout à présenter toutes mes excuses pour cette situation inadmissible. Je ne suis pas maître des moyens humains alloués à cette juridiction. Il est inadmissible que nous soyons tous mis devant le fait accompli." Résultat donc, beaucoup de temps perdu pour beaucoup de monde. La nouvelle date du procès est encore inconnue. Dès lundi, après la suspension, la présidente avait évoqué la possibilité d'un renvoi et avait précisé que le planning de la cour d'assises spéciale était "complet jusqu'à l'été et construit pour la rentrée et jusqu'à Noël".
Il faudra alors tout reprendre à zéro. Coup dur pour les accusés. Leurs avocats oscillent entre écœurement et colère. "La justice n'a pas été en mesure de mettre tous les moyens pour que ce procès puisse se tenir dans de bonnes conditions, dénonce Maître Raphaël Kempf qui représente l'un des principaux accusés, Mahiedine Merabet. Nous avions des accusés qui attendaient d'être fixés sur leur sort depuis de très nombreuses années. Mon client est détenu depuis presque six années, ce qui est extrêmement long."
"Dans ce pays qui théoriquement respecte les droits de l'homme, on a des personnes présumées innocentes qui restent en prison six années dans des conditions extrêmement difficile. Mon client a fait une grande part de sa détention à l'isolement. Il y a un sentiment de gâchis, de tristesse et de grande déception."
Raphaël Kempf, avocatà franceinfo
La conséquence, ce sont de longs mois supplémentaires très vraisemblablement en détention provisoire pour plusieurs des accusés. Ils ont demandé à la Cour de les remettre en liberté.
Un nouveau signe du manque de moyens de la justice française
Ce report d'un procès sensible et médiatique fait réagir bien au-delà de la salle d'audience de ces assises spéciales. De nombreux magistrats, avocats y voient un nouveau signe du manque de moyens de la justice française, souffrant de 30 ans d'abandon, pour reprendre une formule souvent utilisée. "Cela jette une lumière crue sur le manque de moyens de la justice, déplore Aurélien Martini, secrétaire général adjoint de l'union syndicale des magistrats. Plus personne n'est à l'abri en termes de juridiction et plus aucun dossier n'est préservé. C'est un dossier de très haute intensité, d'une gravité certaine."
"C'est un procès comme beaucoup de procès en matière de terrorisme : ce sont des vitrines de l'institution judiciaire parce que ça parle au grand public, c'est plus médiatisé que les autres affaires. Même dans une juridiction qui a des moyens en termes humains par rapport à d'autres juridictions, on se heurte à ces questions de manque de magistrats pour tenir les audiences."
Aurélien Martini, Union syndicale des magistratsà franceinfo
Du côté de la chancellerie, on observe évidemment cette situation délicate. On rappelle que le Garde des sceaux a promis l'embauche d'ici cinq ans de 1 500 magistrats. Des recrutements notamment de ce qu'on appelle des magistrats placés, c'est-à-dire sans poste fixe, capable d'effectuer des remplacements et notamment des missions de suppléants lors de procès longs ou sensibles.
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