Prostitution de mineurs : "On est dans une forme de glamourisation de la prostitution dans la société", dénonce l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains

La hausse de la prostitution des mineurs est un phénomène "accentué par les réseaux sociaux, l'outil numérique et c'est valable aussi pour la prostitution des majeurs".

Article rédigé par franceinfo
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La prostitution des jeunes filles a été multiplié par dix en 10 ans, en France. (CHRISTOPHE MORIN / MAXPPP)
La prostitution des jeunes filles a été multiplié par dix en 10 ans, en France. (CHRISTOPHE MORIN / MAXPPP)

"On est dans une forme de glamourisation de la prostitution dans la société", analyse, mardi 4 février, sur France Inter, Lénaïg Le Bail, cheffe de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH). En France, la prostitution des mineurs augmente, surtout celle des filles qui sont entre 10 000 et 15 000 dans le pays, un chiffre multiplié par dix en 10 ans.

Les victimes utilisent plutôt des termes comme "escorting", "michetonnage", des mots plus "sexy que prostitution, moins infamant et plus tendance", explique Lénaïg Le Bail. Les victimes "ne se considèrent donc pas comme victimes", poursuit-elle "parce qu'on est dans des mécanismes d'emprise, de vulnérabilité, d'exploitation". Les proxénètes, eux, "sont dans une démarche de protection, d'aide et d'assistance" vis-à-vis de ces jeunes filles qu'ils exploitent en réalité. Lénaïg Le Bail parle d'une emprise "particulièrement forte". Les victimes ont donc généralement besoin "d'un temps assez long pour se rendre compte de la situation dans laquelle elles sont et qu'elles puissent même être en mesure de témoigner".

"Les victimes sont de plus en plus invisibles"

Les enquêtes sont également plus difficiles à mener "parce que les victimes sont de plus en plus invisibles", détaille Lénaïg Le Bail. Elles sont plus difficiles à repérer "à la fois pour les forces de l'ordre mais aussi pour les voisins, pour les associations, pour tous les acteurs". Une situation qui se remarque "avec la dématérialisation du proxénétisme" mais aussi depuis la crise sanitaire : "On a de moins en moins de prostitution sur la voie publique, aujourd'hui elle est logée, elle a lieu dans des espaces privés, fermés comme des hôtels ou des logements loués pour une courte durée sur des plateformes en ligne". D'ailleurs, rappelle Lénaïg Le Bail, "les propriétaires doivent être vigilants parce que mettre à disposition un lieu dans lequel va s'exercer la prostitution, c'est du proxénétisme". Si quelque chose est détecté, il faut donc le signaler aux autorités, insiste la cheffe de l'OCRTEH.

Cette hausse de la prostitution des mineurs est un phénomène "accentué par les réseaux sociaux, l'outil numérique et c'est valable aussi pour la prostitution des majeurs", explique Lénaïg Le Bail. Toutes les étapes de l'exploitation sont "dématérialisées", aussi bien le recrutement que la mise en relation avec les clients qui se fait là encore en ligne. Les proxénètes qui exercent un contrôle sur les victimes "le font aussi via ces outils numériques".

"Internet, les réseaux sociaux favorisent la mauvaise rencontre numérique"

Les victimes mineures sont de plus en plus jeunes, "la majorité a entre 15 et 17 ans mais on a de plus en plus de dossiers dans lesquels on a des victimes de 12-13 ans". Concernant les modes opératoires des organisations criminelles pour mettre sous emprise les victimes et les faire entrer dans un engrenage prostitutionnel, ils sont nombreux. "Internet, les réseaux sociaux favorisent la mauvaise rencontre numérique, qui est plus difficile à détecter". Certaines victimes se retrouvent parfois dans un engrenage "avec l'envoi de photos ou de vidéos nues qui va engendrer un chantage". Certaines victimes sont recrutées "par des intermédiaires qu'elles pensent être de confiance, parfois dans les foyers d'aide sociale à l'enfance".

La majorité des victimes sont donc des filles "souvent en rupture sociale, scolaire, familiale, qui peuvent être placées". "Mais, nuance Lénaïg Le Bail, aujourd'hui ce type de phénomène peut arriver à tout le monde, on a de plus en plus de victimes venant de tous les milieux sociaux y compris des milieux favorisés avec des parents présents".

La cheffe de l'Office rappelle enfin qu'en cas de détection d'une situation de prostitution ou d'exploitation sexuelle d'un mineur "il faut déposer plainte pour qu'une enquête puisse être ouverte. Nous travaillons aussi côté police et gendarmerie en lien étroit avec des associations pour qu'il y ait un suivi et un accompagnement sur le long terme de ces victimes".

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