Plus de 700 parties civiles, un milliard d'euros de préjudice : début ce lundi du procès hors norme de la société Apollonia à Marseille

La société aixoise ainsi que des notaires et avocats comparaissent notamment pour "escroquerie en bande organisée".

Article rédigé par franceinfo
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Patrick Ladoue présente ses dossiers sur l'affaire d'escroquerie immobilière Apollonia, dont lui et sa femme Monique sont victimes, le 21 juillet 2012 à Ferrieres. (XAVIER LEOTY / AFP)
Patrick Ladoue présente ses dossiers sur l'affaire d'escroquerie immobilière Apollonia, dont lui et sa femme Monique sont victimes, le 21 juillet 2012 à Ferrieres. (XAVIER LEOTY / AFP)

Le procès de l'affaire Apollonia s'ouvre ce lundi 31 mars, pour 10 semaines, devant la 6e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Marseille, rappelle "ici Provence". 14 personnes physiques, dont trois notaires, un avocat, et une personne morale, la société aixoise Apollonia, comparaissent jusqu'au 6 juin pour "escroquerie commise en bande organisée", "faux et usage de faux", et "exercice illégal de l'activité d'intermédiaire en opérations de banque". Les fondateurs et ex-dirigeants d'Apollonia sont également jugés.

La société Apollonia, installée à Aix-en-Provence, est déclarée en faillite en 2009 alors qu'elle réalisait près de 36 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel dans les années 2000, rappelle "ici". 760 personnes se sont portées partie civile dans ce procès qui se déroulera dans la bien nommée salle des "procès hors norme" du tribunal judiciaire de Marseille. Nombre d'entre elles, des clients d'Apollonia, accusent la société de les avoir ruinées. Les victimes se trouvent surtout dans la région PACA, mais également en Isère, dans le Nord et en Charente-Maritime, selon la radio locale.

Victimes endettées

Entre 1997 et 2009, Apollonia vend pour près d'un milliard d'euros, plus de 5 200 logements à construire (résidences de tourisme, d'étudiants) avec le dispositif de défiscalisation "loueur en meublé professionnel", très intéressant pour les propriétaires. La société propose un investissement clé en main et s'occupe de toute la partie administrative. Les acheteurs, en très grande partie aisés, sont séduits par une promesse de rentabilité exceptionnelle.

"C'était vendu comme de l'autofinancement", raconte à "ici Azur" Marc-André Guerville, médecin à Nice, et victime d'Apollonia. "Je me suis totalement mis entre les mains d'une équipe qui nous amenait un 'package' tout à fait sécurisant, et l'arnaque était là, avec des notaires qui venaient sécuriser toutes les transactions : comment voulez-vous que j'imagine une seconde que les notaires viennent m'escroquer?", interroge cette victime, qui s'est endettée à hauteur de deux millions d'euros.

À Marseille, le professeur de médecine Pierre Michelet a dû hypothéquer son cabinet à cause d'Apollonia. Ce sont "22 ans de souffrance, de problèmes financiers, de colère, de dépression", dit-il à "ici Provence". Cet homme, qui a investi un million d'euros, raconte qu'on lui a promis une rente pour sa retraite. "Il y a un montage, vous avez des professionnels, on y croit", glisse-t-il pour expliquer comment il s'est fait escroquer. Son milieu professionnel a également joué selon lui, puisque les victimes, en grande majorité des médecins, "sont des gens qui n'ont pas le temps et qui sont souvent dans des systèmes où on a confiance".

Les banques en question

Cependant, la promesse de rentabilité exceptionnelle vole en éclats puisque les biens immobiliers ont été surestimés jusqu'à six fois, écrit l'Association des victimes d'Apollonia. Ceux qui décident de vendre, confrontés à des loyers insuffisants pour payer les traites de leurs crédits, sont obligés de le faire à perte. À Toulon, un couple de dentistes, Eliane et Joseph, raconte à "ici Provence" qu'il a dû revendre son dernier bien acheté via Apollonia 55 000 euros, alors qu'ils l'avaient payé 120 000 euros.Chaque investisseur d'Apollonia met entre 800 000 et 4 millions d'euros, et fait dix emprunts en moyenne. "On a engagé un premier dossier, ensuite c'est la spirale infernale, c'était impossible de s'en rendre compte et une fois qu'on s'en est rendu compte, c'était impossible de s'en retirer", explique Marc-André Guerville. Lors de leurs emprunts, les victimes ne sont pas en contact direct avec les banques, puisqu'Apollonia s'occupe de tout.

Selon l'Association des victimes d'Apollonia, "les prêts octroyés reposent sur des documents grossièrement falsifiés et considérés comme frauduleux". Cependant, la responsabilité pénale des banques n'a pas été retenue, même si l'UFC-Que Choisir, invitée de franceinfo en 2018, estimait alors "extrêmement difficile de penser qu'elles n'étaient pas au courant qu'Apollonia avait des pratiques extrêmement étranges". Selon l'Association des victimes d'Apollonia, "les règles prudentielles [des prêts] ont été violées des centaines de fois", notamment en ce qui concerne l'obligation d'information des banques auprès des emprunteurs, la fixation et la communication d'un échéancier, ou encore le respect d'un délai de rétractation pour les emprunteurs.

Maître Frédéric Monneret, avocat des principaux accusés, le couple de fondateurs et dirigeants d'Apollonia, Jean Badache, son épouse et leur fils, plaidera la relaxe. "Jean Badache était un commercial hors pair, mais il n'est pas un escroc patenté", argumente-t-il auprès d'"ici Provence". "Il est incontestable qu'il a eu tendance à vanter les mérites du produit qu'il était censé promouvoir", mais Jean Badache "n'a pas usé de manœuvres frauduleuses, de traquenard, pour escroquer de malheureuses victimes", affirme l'avocat. Dans cette affaire tentaculaire, qui constitue selon l'Association des victimes d'Apollonia le "plus important dossier pénal bancaire de tous les temps", les personnes poursuivies risquent jusqu'à 10 ans de prison et un million d'euros d'amende, si le chef d'accusation d'escroquerie en bande organisée, le plus lourdement puni, est retenu par les juges.

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