Monflanquin : l'invraisemblable show du gourou présumé
Au premier jour du procès de l'affaire des reclus, le prolixe avocat de la défense et l'imagination débridée du prévenu, Thierry Tilly, ont mis les nerfs du tribunal à rude épreuve.
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PROCES DE MONFLANQUIN - Tel prévenu tel avocat ? Une certitude, Alexandre Novion et son client, Thierry Tilly, sont bavards... Ce dernier est jugé par le tribunal correctionnel de Bordeaux pour avoir manipulé et escroqué onze membres d'une même famille issue de la noblesse du Sud-Ouest durant une dizaine d'années. Lundi 24 septembre, lors du premier jour d'audience, les envolées de l'avocat et l'imagination foisonnante du "gourou" ont mis à rude épreuve la patience de la présidente du tribunal, Marie-Elisabeth Bancal. Extraits d'une audience enlevée.
Acte 1 : la démonstration de l'avocat
Maître Novion a pris le dossier en court, mi-juillet, lors de la publication de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal. Jusque-là, Thierry Tilly vantait ses connaissances en droit pour se défendre seul. Son avocat, grand gaillard aux traits épais, quelques boucles brunes sur la nuque, veut soulever une exception de nullité sur trois points, pour tenter d'annuler la procédure. Pour lui, le tribunal aurait dû signaler à son client ses droits.
Et de s'enflammer, ses lunettes dernier cri à grosses montures aviateur dans la main : "Il suffisait d'une petite étincelle, d'un éclat de lumière pour l'éclairer dans sa pénombre." A plusieurs reprises, les envolées de son conseil arrachent des sourires au prévenu derrière sa vitre. D'abord attentives, la présidente du jury et ses deux assesseurs affichent un air dubitatif.
"La défense existe depuis les premiers hommes", poursuit Alexandre Novion, qui empile les citations. Le tribunal s'impatiente. Peu importe, il passe devant son bureau, change de ton et continue de dénoncer "un OPNI, un objet procédural non-identifié", une "opération sauvage insusceptible (sic) de se rattacher au droit". Il conclut, près d'une heure après avoir promis d'être bref : "Vous connaissez mon tempérament, j'ai pasteurisé (sic) mon langage sur cette opération".
Le procureur lui répond sans ambages : "Il me plaît toujours d'écouter les belles citations littéraires de Me Novion, mais je me contenterai du code de procédure pénale." L'avocat veut répondre à la réponse, la présidente du tribunal trépigne. "Non, je ne sais pas plaider avec un chronomètre, (...) laissez moi respirer quand je plaide!" , s'exclame Alexandre Novion.
Il place une citation de Kafka à sa sauce : "Les chaînes de l'humanité torturées sont celle de papiers de ministère et du formalisme"... et déclenche des gloussements dans la salle. La présidente du tribunal, sous un grand tableau du Christ sur sa croix, place ses mains jointes devant sa bouche en une silencieuse supplique. L'exception de nullité sera jointe au dossier après dix minutes de délibération, c'est-à-dire que le tribunal rendra sa décision en même temps que le jugement sur le fond.
Acte 2 : l'invraisemblable show de Tilly
Petits yeux perçants derrière des lunettes à montures invisibles, cheveux châtains bien peignés sur le côté, légèrement en suspension sur le crâne, Thierry Tilly, 48 ans, ne se démonte jamais. Il s'exprime d'une voix légèrement aiguë, debout, les mains jointes dans le dos, et ne répond jamais tout à fait à la question. Il part dans de multiples digressions, aussi improbables les unes que les autres.
En vrac, on apprend qu'il "descend directement des Habsbourg", que si sa mère ne l'avait pas eu à l'âge de 14 ans, elle aurait "été sélectionnée pour les Jeux olympiques de patinage artistique". Et que la boutique que tenaient ses parents rue de Sèvres, à Paris, avait "l'exclusivité de miniatures russes" grâce à un contact privilégié avec "l'Union soviétique".
Tout est sujet à des précisions farfelues, mais quoiqu'il arrive, il "peut le prouver". Le tribunal évoque son échec à l'entrée de l'école navale ? Thierry Tilly annonce :"Je suis arrivé 62e pour 60 pris." "Vous avez échoué, donc", l'arrête la présidente, sèche, cheveux courts, long nez fin, petit air d'institutrice. "Mais parce qu'un élève a pris ma place car son père connaissait…" tente-t-il, coupé par la magistrate, déjà excédée. "J'ai donné tous ces détails afin que l'on puisse aller au fond des choses durant ces deux semaines de procès", se justifie-t-il un brin provocateur, imperturbable dans son polo noir à manches longues. "Vous testez les juges, en quelque sorte", lui rétorque la magistrate.
Il parle parfois si vite qu'on peine à distinguer les mots les uns des autres, mais se justifie, très sérieux : "comme je pense en anglais, il y a un petit décalage". On lui demande quel était l'objet social de la SARL qu'il dirigeait en 1997 quand il rencontre Ghislaine Marchand ? Il remonte dans les années 1960, mentionne en vrac l'Afghanistan et un tournage avec Brigitte Bardot. Puis il s'étend, à deux reprises, sur ses exploits sportifs, chute libre quand il était très jeune, parachute, mais aussi tennis, "de la main gauche" car "ambidextre". Quant au football, on lui aurait même proposé, à ce petit homme frêle au visage osseux, d'être gardien de but dans une équipe de Ligue 1. On entend successivement parler "d'otage à la mode latine", de "Résistance", et de l'acteur Pierre Richard, mais aussi de Bernard Kouchner qui lui aurait remis son diplôme.
"Vous suivez bien ?" lance à la presse, tout sourire, un avocat de la partie civile qui s'éclipse. A plusieurs reprises, la présidente est obligée de le prier d'écourter. "Taisez-vous !" finit-elle même par lancer, toute rouge. Tant et si bien que son très loquace avocat finit même par le recadrer : "Calmez-vous, vous dites trop de choses en même temps !" Un comble.
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