Info franceinfo Fraude aux eaux minérales : un juge d’instruction désigné après la plainte visant Nestlé pour tromperie

Selon les informations de franceinfo et du journal "Le Monde", un juge d’instruction a été désigné contre Nestlé dans l’affaire des eaux contaminées filtrées et la multinationale suisse tente de bloquer les travaux de la Commission d’enquête chargée de faire la lumière sur cette affaire.

Article rédigé par Marie Dupin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
zz (DANIEL DORKO / HANS LUCAS via AFP)
zz (DANIEL DORKO / HANS LUCAS via AFP)

Contrairement à ce que nous avions écrit dans un premier temps, une information judiciaire n'a pas été ouverte dans cette affaire. Mais le doyen des juges du tribunal judiciaire de Paris a désigné fin décembre un juge pour instruire la plainte déposée par Foodwatch en septembre 2024.


Nestlé n’en a pas tout à fait fini avec la justice dans l’affaire de la fraude aux eaux minérales. Selon les informations du Monde et de Radio France, le doyen des juges du tribunal judiciaire de Paris a désigné fin décembre un juge pour instruire la plainte contre X avec constitution de partie civile déposée pour "tromperie", en septembre 2024, par l’association de défense des consommateurs Foodwatch. Le parquet ayant demandé au juge de se déclarer incompétent territorialement, ce dernier doit désormais décider s’il suit ou non ces réquisitions pour ouvrir une information judiciaire.

Une enquête du Sénat menacée ?

Ces nouvelles poursuites judiciaires pourraient paradoxalement constituer un effet d’aubaine pour la multinationale, qui avait mis fin aux enquêtes préliminaires qui la visaient en septembre dernier, en acceptant de payer une amende de deux millions d’euros. En effet, depuis la mi-décembre, les sénateurs ont lancé une commission d’enquête sur "les pratiques des industriels de l’eau". Les auditions, qui sont entrées dans le vif du sujet cette semaine, portent essentiellement sur la fraude mise en œuvre par le groupe suisse, accusé d’avoir installé dans ses usines des Vosges et du Gard (Vittel, Perrier, Hépar, Contrex) des filtres interdits par la réglementation pour purifier des eaux contaminées afin de continuer à les vendre sous la dénomination "eaux minérales naturelles".

Or, d’après nos informations, le groupe Nestlé a fait part, dans plusieurs courriers transmis aux sénateurs, de ses réticences à collaborer à l’enquête, à transmettre des documents et même à se rendre aux convocations du Sénat. Car selon la multinationale, les travaux de la commission sénatoriale ne seraient pas compatibles avec l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 58, qui prévoit qu'"il ne peut être créé de commission d'enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours".

Contacté par Le Monde et franceinfo, Nestlé Waters se défend, affirmant avoir seulement "soulevé un point de droit", et assurant qu'"il ne s’agit en aucun cas de refuser de se rendre aux convocations ou demandes de transmission de documents". Concernant l’ouverture d’une information judiciaire, l’entreprise explique "ne pas commenter les procédures judiciaires en cours". Le refus de comparaître devant une commission d’enquête parlementaire, ou de communiquer des documents, est passible de deux ans d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.

Attitude "inacceptable" de Nestlé

Les sénateurs, pour leur part, se disent déterminés à aller jusqu’au bout de leurs travaux. Dans un courrier de réponse à Nestlé Waters, ils rappellent que "de nombreuses commissions ont, par le passé, été ouvertes concomitamment à des instructions judiciaires, comme lors de l’affaire Cahuzac en 2013 ou, en 2018 et 2019, dans l’affaire Benalla". Ils affirment également que la Commission "ne vise pas à établir des infractions pénales", mais "les raisons, les circonstances, l’ampleur et les risques, notamment sanitaires, des pratiques industrielles dans le secteur de l’eau en bouteille".

"La commission d’enquête poursuivra son travail en faisant usage de toutes les voies de droit prévues pour que les informations qui sont nécessaires à sa mission lui soient communiquées."

La commission d'enquête parlementaire

dans un courrier à Nestlé Waters

Contacté par Le Monde et franceinfo, le rapporteur socialiste de la commission, Alexandre Ouizille, assure : "Notre commission ne saurait se laisser intimider par qui que ce soit. Un industriel comme Nestlé ayant fraudé les consommateurs durant de longues années ne peut s’y soustraire"

De son côté Karine Jacquemart, directrice générale chez Foodwatch, juge "inacceptable qu’une fois de plus Nestlé se cache derrière son petit doigt. Ça fait des mois qu’on leur demande de donner des explications publiques sur ce qu’il s’est passé avec ces eaux, et sur ce qu’il en est aujourd’hui. Si nous avons porté plainte c’est précisément pour briser l’omerta. Nestlé ne peut pas se servir de ces plaintes pour continuer à se murer dans le silence ! C’est irrespectueux des parlementaires, des consommateurs et de la justice".

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